Le fils de très chers amis s'est récemment invité à déjeuner à la maison. C'est avec joie que nous avons accueilli une demande fait avec tant de spontanéité et de simplicité. Greg termine ses études à l'Institut d'Etudes Politiques de LILLE. Il est fort bien élevé, cultivé, aimable, ouvert. Lors du repas, nous parlons de choses et d'autres, quand la conversation en vient sur la loi - rejetée par surprise à l'Assemblée Nationale - qui visait à sanctionner le téléchargement illégal de musique et de films. J'interroge, je suggère que les droits d'auteurs sont les revenus des artistes. On m'objecte que c'est le téléchargement qui en a fait connaître un grand nombre. J'ai beau parler de justice, rien n'y fait. Ma dernière fille fait chorus. Et, à court d'arguments, Greg me dit : "On n'a pas de tunes ; cette musique ou ce film nous plaît ; on en profite puisqu'on peut l'avoir gratuitement".
Voilà le mot lâché ! "On en profite". J'ai déjà eu l'occasion de vous parler des fulminations que LANZA del VASTO portait contre cette manie qu'ont les hommes de "prendre", de "profiter", et non point "d'utiliser".
Et c'est cette mentalité-là que l'opposition, sans le dire, soutient : "On n'a pas de tune ; alors on en profite". Ladite opposition a profité d'une négligence des députés de la majorité pour faire en sorte que la loi sanctionnant le téléchargement illégal soit repoussée. Elle trouve normale de faire de la démagogie et de donner aux "jeunes" l'impression qu'elle les défend contre les "profiteurs". Bien entendu, la même opposition criera au scandale en prétendant que le "Gouvernement ne fait rien pour défendre la Culture". Si elle avait un peu de cohérence, elle aurait soutenu une mesure de bon sens et de justice. Toute peine mérite salaire, y compris la création de film, de musique et de chansons. Sans doute la mesure qui consistait à continuer de faire payer au contrevenant un abonnement suspendu par sanction était-elle inopportune, mais enfin il était possible d'en discuter. La grande jouissance de l'opposition n'est pas d'avoir combattu une loi parfaitement justifiée, moyennant quelques modifications qu'elle pouvait proposer, elle est d'avoir empêché une initiative du Gouvernement d'aller à son terme. Encore une fois, on est passé à côté de l'essentiel
On voit bien comment la liberté est comprise par ces messieurs ; du reste je crois que cette conception est partagée par une majorité de nos concitoyens, et par nombre d'hommes politiques de la majorité. Après tout, ils n'étaient pas là quand il s'est agi de voter. La liberté, est perçue aujourd'hui comme la possibilité de satisfaire tous ses désirs aux moindres frais. Le travail n'est plus la juste rétribution d'un effort concourant à la vie sociale et au bien-être de tous ; le travail n'est plus perçu comme structurant ; les revenus (salaires, traitements, honoraires, émoluments) ne viennent pas borner les désirs. Ils ne font que les exacerber puisqu'ils ne permettent pas de les satisfaire en totalité. Les revenus du travail ont perdu leur sens, d'autant que les prestations sociales et revenus non monétaires, ne sont pas perçus comme des apporteurs de liberté (pas de choix possible) mais comme des dus.
Je trouve tout à fait caractéristique de notre époque la réaction de ces jeunes. Ils ne voient même pas où est l'incongruité de leur comportement. Seul le plaisir compte. De mon point de vue, c'est terrifiant, d'autant que ni les parents de Greg, ni nous nous-mêmes n'avons élevé nos enfants dans cette mentalité. Les médias télévisuels et électroniques stimulent les automatisme et anesthésient la pensée. Grande est leur rersponsabilité.
Je crains que la loi ne soit impuissante à changer cet état de fait. Il y faudrait une grande nécessité, et peut être de la pénurie. Ou alors un accord général des éducateurs, des parents, des politiques, des instances intervenant dans l'éducation ou le complément d'éducation des enfants et des adolescents (mouvements de jeunes, associations sportives, etc.). Au train où vont les choses, on en est loin. Plus la locomotive va dans le mur, et plus on a de chauffeurs qui prétendent l'y conduire !
2 commentaires:
Je ne connais pas ce Greg. Sans doute suis-je un peu plus âgé. J'aime le cinéma, mais je ne peux me payer des séances à presque 10 euros, encore moins le concert ou le théatre. Je n'envie aucunement les acteurs, etc... mais je réprouve fortement les "salaires" qu'ils recoivent comme d'autre joueurs de foot. C'est un vrai scandale!!! Alors je télécharge aussi. Vous pourriez peut-être me payer un abonnement chez UGC... j'arréterai de télécharger!
Cher Olibrius,
Greg est un charmant jeune homme. Il est généreux, ouvert, disert et drôle. On ne peut pas dire que sa famille soit dans la gêne. Mais il lui en faut toujours plus.
Me direz-vous : où est le problème ? Il est très simple, me semble-t-il. Nous ne pouvons nous approprier le travail d'autrui sans le lui rétribuer. C'est vrai, une place de cinéma est coûteuse, et il serait judicieux d'en baisser le prix. Une campagne sur ce point me paraît judicieuse. Mais, au risque de vous contredire, je crois qu'il faut adapter ses dépenses, et donc la satisfaction de ses désirs, fûssent-ils compréhensibles, à ses revenus.
Désolé de ne pouvoir vous payer un abonnement à l'UGC. Si je le faisais, j'engraisserais les gros distributeurs de films qui sont les responsables premiers de ces prix exhorbitants. Avez-vous une autre suggestion ? Pourquoi pas une pétition ?
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