Je suis allé hier au Musée GUIMET. Je le fréquente très régulièrement. C'est sans doute l'un des plus beaux musées d'Art Asiatique du monde. Le Musée exposait temporairement dans la rotonde du quatrième étage des vases de Sèvres peints par CHU TEH-CHUN, artiste chinois qui vit à Paris depuis 1955 et est devenu le premier Chinois à être reçu à l'Académie des Beaux Arts. Et comme on comprend le choix de ses pairs.
Il y avait là une cinquantaine de vases, tous du même type (SR22, pour le préciser), en porcelaine de Sèvres, diversement peints de grands traits bleus et tachés d'or, et pour certains d'entre eux, colorés en plus de vert et d'ocre, savemment disposé. Quelle beauté ! Fait surprenant, il s'agit de motifs abstraits, mais avec des traits vivants, non point épais, mais déliés, et des taches disposés avec un art consommé, dans un ordre, un équilibre tel que l'on croit voir des paysages monochromes, typiquement chinois, s'animer sur les panses élégantes de ces vases. Il règne dans cette rotonde une lumière et une paix prenantes ; aucun visiteur ne parle, tant le sacré, la prière, la méditation semblent baigner la salle.
Il vous souvient sans doute que j'avais produit, il y a peu, un petit billet intitulé "Hymne à la peinture", et je faisais bien la distinction entre les artistes modernes et contemporains qui habitent leurs toiles abstraites de prière ou d'esprit et les faiseurs qui filoutent le bourgeois en flattant son ignorance et son peu de goût. J'avais cité MANNESSIER et Nicolas de STAËL comme deux de ces peintres de génie dont les compositions élèvent l'âme. Eh bien figurez-vous que CHU TEH-CHUN, qui avait été formé à l'Académie des Beaux-Arts de HANGZHOU dans les années 1935 et y avait étudié l'art chinois figuratif, figurez-vous, disais-je que c'est la découverte de l'oeuvre de Nicolas de STAËL en 1956, qui a poussé cet artiste à "[libérer] en lui des énergies qu'il portait au plus profond de son être" (In Notice de présentation de l'exposition). Ainsi tout se comprend. Les génies parlent aux génies. Eux seuls peuvent se comprendre. Nous, les amateurs, ne pouvons que goûter ces oeuvres sans jamais pouvoir les créer.
Il est vraisemblable que la découverte de Nicolas de STAËL par CHU TEH-CHUN a été favorisée par l'histoire dramatique et singulière du premier, qui a mis fin à ses jours, en 1955. Il avait 41 ans.
Cette exposition s'appelle "De neige, d'or et d'azur". Elle est bien nommée. Si vous en avez le temps, ne manquez pas d'y faire un tour.
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