dimanche 16 août 2009

Les regrets de Richelieu

Tout à fait à court d'idée ce matin, je me suis plongé avec délice dans la lecture rapide d'un livre, selon moi capital, qu'écrivit BERNANOS vers la fin de son exil volontaire au Brésil et dont j'ai souvent parlé peu après l'ouverture de ce Blog : je veux parler de La France contre les robots. BERNANOS avait quitté son pays natal, amer et dégoûté des honteux accords de MÜNICH qui préfiguraient la défaite et la honte momentanée de notre patrie. Ah ! Il faudrait tout citer, tant la pensée de ce livre est roborative, juste, émouvante.
BERNANOS nous y apprend qu'en 1772, l'Anglais DALLINGTON définit la France comme une vaste démocratie, et que RICHELIEU, tout aussi centralisateur que le tyran ROBESPIERRE (à qui l'on a eu le front de dédier une station de métro !) disait avec regret : "Toute ville chez nous est une capitale. Chaque communauté française, en effet, ressemble à une famille qui se gouverne elle-même, le moindre village élit ses syndics, ses collecteurs, son maître d'école, décide la construction des ponts, l'ouverture des chemins, plaide contre le Seigneur, contre le curé, contre un village voisin." Ce point de vue est intéressant à plus d'un titre. D'abord parce qu'il montre combien est profond le mensonge d'Etat qui prétend que l'Ancien Régime était tyrannique ; c'est une imposture dont nous ne sommes pas encore remis, si jamais nous le pouvons un jour. Ensuite par ce qu'il soulève une question que BERNANOS n'a pas explicitement posée.
Paradoxalement, en effet, BERNANOS indique que la Révolution de 1789 à été la "Révolution de l'Homme, inspirée par une foi religieuse dans l'homme". Mais il explique que cette flamme a été vite étouffée par la tyrannie de la Convention. Et il ajoute : "En 1789, les élites sont à leur place, c'est-à-dire à l'avant-garde. Cent cinquante ans plus tard, les élites seront à l'arrière, à la traîne, et elles trouveront la chose parfaitement naturelle ; c'est au peuple qu'elles prétendront laisser le risque, la recherche. Des classes dirigeantes qui refusent de bouger d'un pouce, que pourrait-on imaginer de plus absurde ? Comment diriger sans guides ? Les classes dirigeantes refusent de bouger, mais le monde bouge sans elles."
Que s'est-il donc passé ? Le reniement absolu de ce qui fit la France pendant des siècles - un monument de goût, de culture et de civilisation ; elle faisait la mode de l'Europe entière ; on y venait pour apprendre sa langue ; s'imprégner de sa culture - est advenu par l'irruption du soi-disant (je ne dis pas prétendu) règne de la raison, par celui non moins imbécile de la loi, de l'Etat, de la Nation, par le développement prodigieux du machinisme, du salariat, du prolétariat, de l'esclavage de la conscription, de l'arrogance de la bourgeoisie enrichie par la spéculation sur les biens nationaux. Et nous avons aujourd'hui ce que nous avons mérité par notre apostasie du passé : des banquiers qui se tapissent le nombril de bonus, des industriels qui délocalisent à tour de bras, des marchands du temple qui ruinent les industries et artisanats de leur patrie par des importations massives de produits étrangers, souvent chinois, toujours ou presque de mauvaise qualité.
Les millions de touristes qui visitent PARIS ne le font pas par amour de la Révolution, mais par admiration pour ce que notre pays a produit de mieux depuis des siècles : de l'hôtel de Cluny, à celui des Invalides, de Notre-Dame à la Place de la Concorde. L'Opéra-Bastille et le grand bazar du Centre Pompidou font bien pâle figure à côté de ces chefs d'oeuvre...
N'oublions jamais ceci : les spécialistes des révolutions et des guerres ont montré que ces phénomènes violents aboutissaient toujours à instaurer des régimes politiques plus tyranniques que celui qu'ils prétendaient détruire : c'est vrai de notre Révolution, de la Révolution russe, de la Chine maoïste, de l'Allemagne nazie. Et je mets au défi qui que ce soit de me prouver le contraire.

6 commentaires:

olibrius a dit…

je me suis entretenu il y a deux semaines avec un prêtre africain qui mène des études de haute volée en France. Je n'arrive même pas à comprendre le sujet de sa thèse et...son utilité pour son pays. Connaissant assez bien l'Afrique sub-saharienne je lui disais mon malaise, mon mal-être envers tous ces dirigeants corrompus, qui semblent n'avoir qu'un but: s'enrichir et que les autres "crèvent" n'est pas leur problème. Je lui disais également mon incompréhension totale vis-à-vis de personnages comme lui qui ne bougeaient pas et qui même, parfois, ne retournaient pas dans leur pays. IL m'a dit, l'Aftique est en trés mauvais état, ca va de mal en pis, et ce n'est pas une personne ou même un groupe de personnes qui pourra changer quelque chose, mais c'est SUR ET CERTAIN que l'Afrique srea libérée un jour de tous ses problèmes par une révolution et par des révoltes avec des milliers de morts!!!! A ma question de savoir sur quoi il se basait pour affirmer cela, il me répondit, qu'il n'y a qu'à relire l'histoire ou les histoires pour se rendre compte que cela se passe toujours comme cela. Je dois dire que cela m'a beaucoup interrogé.
Et cela ne va pas dans votre sens, je ne vous mets pas au défit, mais je "sens" que vous n'êtes pas sur la bonne voie.

Philippe POINDRON a dit…

Si, cher Olibrius, je suis sur la bonne voie. Je ne dis pas qu'il n'y aura pas de révolutions en Afrique. C'est probable et sans doute certain. Je dis que ces révolutions aboutiront à instaurer des ordres encore plus tyranniques que ceux qu'elles prétendent détruire. Il y aura des milliers de morts, et ça ne changera rien. René GIRARD a très bien montré que la violence, essentiellement mimétique, est incapable aujourd'hui de ramener la paix dans les communautés humaines, car le mécanisme victimaire ne fonctionne plus depuis la mise à mort de Jésus. Il est mort pour cela, pour témoigner que toutes les réligions, y compris les idéologies idolâtriques comme le nazisme ou le communisme, ne peuvent plus rien créer du religieux, car les cris des victimes innocentes ne cessent d'être entendus par les coeurs droits. Je ne sais comment ce prêtre africain présentait la survenue vraisemblable de ces révolutions : comme souhaitables ? comme redoutables ? comme inévitables. Croyez-vous que le massacres des TUTSI par les HUTU ait changé quoique ce soit au RWANDA ? (Les TUTSI continuent de mépriser les HUTU et de les exploiter.) Je ne le pense pas. Nous pouvons beaucoup pour l'Afrique, mais pas comme nous le faisons depuis des années, au bénéfice de quelques intérêts privés : Total, Areva, par exemple.
Qu'en pensez-vous ?
Amicalement.

Geneviève CRIDLIG a dit…

Entre temps j'ai donné mon avis sur les supposés " bienfaits " des révolutions.
Je suis tout de même sidérée de voir le résultat sur le plan de la réflexion strictement objective d'années d'études universitaires.
Quelle en est la signification?
En poussant plus loin, quel crédit accorder alors à la parole d'un membre de l'Eglise officielle lorsqu'il commente la Parole?

Y a de quoi se sauver.

Heureusement - et j'en connais - qu'il y a des gens d'origine africaine qui, après leurs études, de médecine ou d'autres sciences, font le projet de vivre et de travailler dans leur pays - pour contribuer tant que faire ce peut à ce que que l'homme vive comme un homme et pas comme une bête.

Philippe POINDRON a dit…

Cher Olibrius,

Oui, nous sommes absolument en manque de témoignages. Je connais pourtant des hommes et des femmes qui sont partis en Afrique, lui ont donné leur vie, et ont fait avec les africains (élites médicales ou intellectuelles mais aussi paysans et artisans du pays) des oeuvres inimaginables.
La communauté du Puits de Jacob (allez voir son site web) a ainsi pu construire, en deux ans, à SOKODE au TOGO, un Centre Médical de Proximité, tenant compte des données culturelles africaines (importance de la famille, importance des croyances traditionnelles) et des besoins sanitaires de la population. Un modèle d'humanité, de charité et d'efficacité. Mais ces personnes données aux autres n'ont pas crié sur les toits leur exploit.Jour après jour, elles ont travaillé, peiné, prié, loué. Bref, elles ont été des disciples, et non des pérroquets se contentant de répéter des formules toutes faites. "Celui qui dit qu'il aime Dieu qu'il ne voit pas, et qui n'aime pas son frère, est un menteur" (Première épitre de saint Jean). Il nous faut crier sans cesse l'urgence de la rencontre du prochain. Etes-vous d'accord ?
Bien amicalement.

olibrius a dit…

il me faut prendfre du temps pour vous répondre; je me renseigne mas je dois dire que j'estime que vous confondez le contenu avec le contenant. Et certains "font" des choses avec beaucoup d'argent. S'il était là Albert Schweotzer serait hoprrifié par certaine sfaçons de procéder notamment de ceux que vous citez!!!

Philippe POINDRON a dit…

Je ne le crois pas cher Olibrius. Quand des enfants meurent de faim ou de malnutrition et que les autorités du pays se moquent du tiers comme du quart de la détresse des parents, il est bon que des hommes et des femmes, fussent-ils européens, se fassent prochains de ceux qui souffrent. Et ils en sont. Je dois vous dire que sur ce point, connaissant très bien les personnes qui sont parties là-bas, je ne suis point disposé du tout à entendre la moindre critique. Ils ont tout abandonné, famille, patrie, biens, amis, et ils passent leur temps à aider les pauvres. Je n'en suis pas là personnellement... Quand de plus le travail est conduit sous la direction, ou en tout cas avec le concours très étroit de deux médecins togolais, je crois pouvoir dire qu'il est conforme aux attentes du pays.
quant à confondre le contenant et le contenu, je dois vous dire que cette critique est confondante (humour).
Amicalement.