Le texte de ma filleule Marie, a rebuté deux lecteurs qui l'ont dit dans leurs commentaires. Je vais m'efforcer de l'expliquer. Il m'est plus facile qu'à eux de le comprendre car je dispose de la totalité du texte de la conférence. Mais les remarques que je vais faire me sont strictement personnelles et exprime la compréhension que j'ai de cette conférence effectivement d'abords difficiles.
Alors je commence.
La vulnérabilité est une caractéristique spécifique de l'espèce humaine. A ce titre elle est une donnée anthropologique universelle si l'on admet que tous les hommes appartiennent à une seule et même grande famille. La vulnérabilité est objectivement observable et subjectivement ressentie.
Observable ? De tous les petits d'animaux, le petit d'homme est le seul qui soit totalement dépendant de ses parents pour sa survie. Abandonné à lui-même, un nouveau-né ne tarderait pas à mourir. Il n'a aucun programme, aucune stratégie de survie dans un monde qui ne lui est ni hostile, ni amical, mais tout simplement neutre et indifférent.
Ressentie ? Oui et à plusieurs niveau. Combien de comportements névrotiques, de phobies sont-ils dus à ce qu'on appelle justement des "blessures d'enfance" (tiens ! tiens! voilà le mot blessure). Névroses et phobies sont ressenties sans que le sujet en connaisse consciemment l'origine. Mais il y a aussi un sentiment conscient de fragilité, chez les vieillards qui sentent la mort approcher, ou chez tout être humain aux prises avec les forces de nature déchaînées : tremblements de terre, tornades, raz-de-marée, inondations, incendies de forêts, etc. Bien d'autres circonstances encore suscite cette prise de conscience. Un même sentiment de fragilité peut naître devant un amour déçu, une incapacité à faire, à comprendre. On voit par là que la vulnérabilité n'est pas si simple à définir, et que le concept, s'il est universellement admis, est loin de l'être avec la même signification pour ceux qui s'en emparent.
C'est ce double aspect de la vulnérabilité, objectif et subjectif, qui domine la scène où se déroule la vie humaine. Pourquoi ce concept devrait-il être critique et normatif, notamment dans le domaine politique ? Il faut éclairer cette affirmation. Critique, il l'est en effet. C'est à l'aune de la vulnérabilité humaine fondamentale qu'il faut juger les décisions politiques. Et c'est pourquoi l'on se scandalise des massacres de femmes, d'enfants, de vieillards "sans défenses" (c'est le mot souvent utilisé pour stigmatiser ces abominations), c'est pourquoi, avec une hâte suspecte d'ailleurs, on a glosé sur les effets de la canicule : quoi, on laisse des vieillards isolés, sans aide, mourir déshydraté, dans la solitude. On pourrait multiplier les exemples. La vulnérabilité fonde la société et le vivre ensemble. Et c'est pourquoi le concept est normatif, qu'il s'impose comme une norme. Est humainement inacceptable toute loi, toute mesure politique, qui ne prend pas en compte cette propriété fondamentale de l'être humain. Or la philosophie des Lumières, qui a tellement influencé la mentalité moderne et contemporaine, nous a conduit à une impasse, celle de l'autonomie des individus, de leur autoconstruction. Nous nous construisons, sous le regard de l'autre, et dans une interdépendance absolue avec lui.
L'impasse est facile à comprendre. Ces penseurs n'avaient pas fait la différence entre la "mêmeté", qui fait des êtres humains des membres à part entière de la même famille, et celle de "l'ipséité", qui fait de chaque être humain un être unique, un mystère pour les autres comme pour lui, une telle unicité, que même la nature l'a sanctionnée par l'individualité "immunologique", cette fameuse individualité qui rend les greffons si rarement compatibles, et en tout cas, jamais totalement compatibles.
Toute la question du politique est donc de tenir compte à la fois de la mêmeté et de l'ipséité dans les décisions que les pouvoirs publics sont amenés à prendre. Vous remarquerez, du reste, que toutes les critiques de l'opposition, actuelle comme passée, reprennent toujours à leur compte et alternativement l'un de ses deux aspects de la personne humaine. Le soutien aux sans-papiers est fondé sur le principe de mêmeté, la progressivité de l'impôt, sur celui de l'ipséité : monsieur, madame untels ont une meilleure situation que monsieur ou madame DUPONT, en raison d'études plus brillantes, de capacités supérieures. Cette particularité doit être mise au service des moins bien lotis. Et la redistribution qui en découle repose sur le principe de mêmeté.
7 commentaires:
olibrius répond sur la vulnérabilité:?????????????????????ben oui!
Merci ! Et avec mon amitié.
Je réponds à votre réponse d'un précédent billet. Où veux-je en venir?
Comme je ne comprends pas toujours ce que vous voulez faire savoir, je m'intéresse beaucoup à l'homme qui écrit. C'est pourquoi je pose des questions. Lorsque que l'on publie un blog "public" par définition, l'on s'expose aux autres et la moindre des choses est de continuer le dialogue sans mettre de côté les questions qui peuvent être embarrassantes. D'ailleurs aucune question n'est jamais embarrassante, seules les réponses peuvent l'être...éventuellement.
C'est pourquoi je ne comprends pas pourquoi il vous faut aller en Alsace, alors que vous avez un merveilleux lieu d'évangélisation à Paris auprès des Sidéens. C'est pourquoi je ne comprends pas votre manque de réaction quand je vous parle de la souffrance de certains qui ont donnés de leur vie pour certaines entités écclésiales en étant mal-traités et qui portent encore le fardeau. C'est pourquoi je ne comprends pas l'absence de pardon par rapport à certaines choses dont vous parlez et qui vous laissent sans réponse (je ne dis pas sans réaction intérieure de votre part), je ne veux rien de spécial mais, comme déjà dit, l'injustice de tout ordre me fait réagir et, parfois, exploser.
Il me semble que vous êtes un homme bon, un homme miséricordieux, un pécheur (oui, mais ça c'est banal, nous le sommes tous), quelqu'un qui veut être un pédagogue mais trop intello pour certains (dont je suis) et j'apprécie ce que'a écrit fourmi à ce sujet.
Et puis, je ne cesse de vous donner des moyens de me "fouetter", à défaut de me connaître, et vous ne semblez pas les comprendre; mais cela, c'est mon jeu vis-à-vis de vous. N'y voyez aucune trace de méchanceté, ce n'est que de la malice.
Monsieur Poindron, il y a logntemps dans une réponse à vos billets, je crois vous avoir écrit que je sentais chez vous une certaine naïveté. Je confirme cette sensation et je voudrais qu'elle ne soit point utilisée pour un risque d'"utilisation" , ou même de manipulation par certains (en écrivant cela, je ne pense pas à vos correspondants habituels).
Serais-je plus clair?
Fraternellement... en Christ, naturellement (c'est quand même Lui qui m'a "sauvé la vie"...de plusieurs façons)
Peut-^tre faudrait-il mettre votre ordinateur à l'heure?
Cher auteur,
un petit commentaire assez éloigné du thème original de votre
billet, et uniquement sur l'une des toutes dernières phrases de
ce dernier : "monsieur, madame untels ont une meilleure situation que monsieur ou madame DUPONT, en raison d'études plus brillantes, de capacités supérieures. Cette particularité doit être mise au service des moins bien lotis."
Si j'étais démagogue socialiste, rien qu'en lisant cette phrase je vous engagerais immédiatement comme écriveur de discours. Quel parfait propagandiste de la gôôche vous faites ! Ce viol du dixième commandement ("Tu ne convoiteras pas les biens de ton prochain ... sauf s'il gagne plus que toi") est, sous votre plume, noyé dans des néologimes tels que "mêmeté", "ipséité"...
M. POINDRON, comme tout le monde vous avez certainement connaissance de personnes "mieux loties" que vous ... est-ce que vous ressentez,
pour autant, le droit de saisir leurs biens jusuq'à ce qu'égalité
s'ensuive, comme un droit inaliénable ?
Amicalement,
E. D.
Réponse à ROPARZ
Cher lecteur,
Non, je déteste les idéologues de gauche, et je ne prends pas à mon compte les untels et les DUPONT. je dis simplement que c'est le principe de mêmeté et d'ipséité qui fonde les décisions politiques dans ce domaine. J'aurais dû préciser qu'ils sont souvent, pas toujours, utilisés sans discernement. Ces néologismes ne sont pas de moi, mais, pour autant que le sache, du regretté Paul RICOEUR.
Bien entendu, en tant que grand admirateur de René GIRARD, je ne saurais admettre la convoîtise. Je dois à l'éducation reçue de mes parents, une totale absence de jalousie, de convoitise, d'envie vis-à-vis de qui que ce soit. Et, à cet égard, le 10e commandement est formel. Mais s'agit-il de cela ? La compassion et le devoir d'aimer son prochain sont la pierre de touche du disciple. Nous ne saurions rester sans réaction devant certaines injustices, parmi lesquelles les bonus et stock options donnés à des dirigeants qui ont conduit leur entreprise à la quasi fallite, ou qui dans le même temps, délocalisent et licencient à tour de bras, me paraissent être les plus criantes.
Je redis ce que j'ai déjà dit ici, l'idéologie socialiste a pour moteur l'envie ; l'idéologie libérale, l'égoïsme. Aucune de ces deux idéologies ne me convient. quant à rédiger des discours de propagande pour la gôôôche... je mets au défi l'un de ses dirigeants de prendre à son compte nombre de mes billets.
Merci, cher lecteur, de votre réaction. Et bien amicalement.
Réponse à OLIBRIUS,
1-Je crois que j'avais compris l'allusion à SICHEM. Et je vois que vous avez effectivement été visiter le site du Puits de Jacob.
2-Les injustices dont se sont rendus coupables des hommes d'Eglise me scandalisent. Celle qui a frappé TEILHARD de CHARDIN, interdit d'enseignement, ou le père LAGRANGE, lui aussi interdit, me fait bondir de colère et de rage. Ne parlons pas de l'inquisition encore qu'il faudrait infiniment nuancer le jugement sur cette pratique qui nous paraît et qui est insupportable). Pas plus que vous je ne les accepte, et plus j'approfondis la connaissance que j'aie de l'enseiegnement de Jésus, moins je comprends ces hommes imbus de leur pouvoir.
3-L'homme qui écrit a un jour été saisi, et instantanément, par la vérité de la Parole évangélique. Cela n'a pas été sans une très longue préparation, intellectuelle certes, mais existentielle, aussi.
Il n'est pas si naïf qu'il n'y paraît. Je dois vous dire que, tout en ayant atteint le sommet de la carrière universitaire (classe exceptionnelle, 2e échelon), je puis me regarder dans une glace sans avoir à rougir. Je n'aijamais rien demandé ou sollicité, aucune faveur spéciale de mes pairs. J'ai simplement essayé, sans le savoir d'ailleurs, de mettre en pratique cette parole : "cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par surcroît". Je dois aussi à mes parents d'avoir en horreur le mensonge ou les petits stratagèmes. "Ad augusta per angusta" (Au sommet par les voies étroites !) n'est pas mon fort !
4-Je ne pense pas avoir refusé le dialogue. Comme je vous l'ai déjà dit, j'aime vos remarques (im)pertinentes, et si je n'ai pas répondu à des questions, c'est soit parce que je n'avais pas de réponse, soit parce qu'elles ne m'étaient pas apparues, soit parce que je ne les comprenais pas.
5-J'imagine que vous avez des raisons personnelles de combattre les injustices et les souffrances infligées par des clercs à des hommes et des femmes qui croient. A la limite, je crois les deviner.
6-Mes parents m'ont appris aussi à voir dans toutes situations le bon côté des choses, et cette apparence absence de réalisme, qui peut renforcer l'impression de ma (pseudo-)naïveté, me donne une très grande joie de vivre, une grande résistance à la frustration, et du jarret pour aller de l'avant.
7-Aller en Alsace n'est pas incompatible avec le service des sidéens. J'y vais pour plusieurs raisons. J'ai là-bas deux enfants et mes petits enfants. J'ai là-bas aussi une communauté charismatique dont je suis allié, et cet engagement entraîne pour moi une obligation morale de me former, et de servir ceux qui viennent y faire des retraites.
Voilà, cher Olibrius, ce que je peux dire. En m'exposant ainsi, je sais que je suis vulnérable, ô combien. Mais pour moi, c'est la condition d'un vrai dialogue. Je ne suis pas sûr d'avoir répondu à toutes vos questions, mais il y a de ça !
Bien amicalement.
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