Il est difficile de faire plus beau que les peintures monochromes produites par les peintres chinois, sous la dynastie des SONG notamment. Les peintres, les penseurs, les calligraphes chinois ont abondamment écrit sur la peinture. François CHENG a traduit de nombreux passages de ces textes qui souvent traduisent merveilleusement la force de ces oeuvres. Voici un extrait traduit par François CHENG d'un ouvrage de CHU CHING-HSÜAN qui date de la dynastie des T'ANG : il a une portée universelle, et on peut l'appliquer à toute oeuvre inspirée :
La peinture est sacrée. Elle scrute ce que le Ciel et la Terre ne montrent pas et révèle ce que le soleil et la lune n'éclairent pas. Au moyen d'un menu pinceau, le peintre apprivoise les dix mille êtres ; et se servant de son coeur, il appréhende l'espace sans limites. Grâce à cet art [...], le visible se trouve représenté, l'invisible même prend forme
In
François CHENG.
Souffle-Esprit. Textes théoriques chinois sur l'art pictural. Collection Points/Série Essais, N°545. Éditions du Seuil, Paris, 1989.
Quelle immense civilisation que la civilisation chinoise ! Quels trésors de sagesse, de beauté, d'ingéniosité ! Comme j'aime ce pays et ses habitants. Je n'ai pas le bonheur d'avoir visité l'un, rencontré les autres. Mais il me semble comprendre que l'âme de ce peuple, qui n'est sans doute pas très religieux, est infiniment ouverte aux choses de l'esprit. Si vous aimez la peinture chinoise, il n'est plus temps de visiter l'exposition que lui a consacrée le Musée CERNUSCHI. Mais le deuxième étage du Musée GUIMET présente des trésors inégalés ; ils sont périodiquement changés, pour ne pas les soumettre aux injures de l'air ; au premier étage, vous pouvez voir aussi d'admirables peintures bouddhiques, ramenées de DUNHUANG (TOUEN HOUANG) par Paul PELLIOT. On est là bien loin des barbouillis contemporains que nos TRISSOTINS portent aux nues, sans bien voir qu'ils ne disent rien, ni de l'âme de l'artiste ni de celle du monde. Ce n'est pas condamner l'art contemporain que de dire ainsi les choses : un MANESSIER, un Nicolas de STAEL, par exemple, ont produit des oeuvres abstraites de toute beauté. Mais c'est qu'ils les habitaient soit de prières soit d'esprit et qu'il n'y transparaissait pas l'esprit de lucre suintant des cimaises de tant de galeries parisiennes.
2 commentaires:
D’abord merci pour cette petite excursion du milieu de l’été dans cet immense pays qu’est la Chine – où je n’irais non plus jamais – via Paris où je vais à peu près tous les dix ans (> pour échapper au risque d’engluement dans un béton sans fin…)
Je ne ferai donc jamais partie des millions de touristes qui visitent la capitale. Tant pis pour moi. Mais j’aime m’y promener au gré des lectures, des récits et des images. Cela me satisfait amplement.
Cela étant dit, j’ai été surprise par l’appréciation portée sur la nature de « l’âme de ce peuple qui n’est sans doute pas très religieux ».
Je me suis alors livrée à une recherche pleine d’espoir dans le dédale de mes cartons pour retrouver un ce livre qui m’avait envoûtée il y a quelque temps : il s’agit de « Ame chinoise et christianisme » de François Houang, (de père confucéen et de mère bouddhiste, a fait ses études à Pékin, Lyon et Paris, se convertit au bouddhisme en 45, entre à l’Oratoire l’année suivante) 1958 Castermann .
Peut-être que les pérégrinations parmi les bouquinistes qui vous régalent vous permettront de le dénicher…
Quelques passages :
Table des matières : Chap. I _ L’âme religieuse de la Chine :
• La religion archaïque
• Les trois courants religieux de la Chine classique
• Le confucianisme, religion d’Etat
• L’introduction du bouddhisme
• La synthèse néo-confucéenne
• Les constantes et les déficiences de l’âme religieuse de la Chine >
Un extrait « Voilà ce qui me paraît être les constantes et aussi les déficiences de l’âme religieuse de la Chine. Universaliste, tolérant et esthète, le Chinois représente sans contredit un type religieux des plus attrayants, mais ses tendances au syncrétisme, au scepticisme et à l’immobilité lui ont déjà attiré le reproche d’une certaine médiocrité de vie religieuse. Et, cependant, si l’on en juge par la pléiade de héros confucéens, de fidèles meitistes, de pèlerins bouddhistes et de martyrs chrétiens dont la liste s’allonge chaque jour, on peut affirmer que le génie religieux de la Chine contient encore des virtualités endormies…»
Il ne s’agit pas de se livrer à des débats compliqués pour savoir si oui ou si non- mais le pb, me semble-t-il, ne fait que soulever l’ambiguïté du terme « religion ».
J’ai été encore plus étonnée cette semaine en écoutant, lors d’une émission traitant de l’écologie, une personne lambda du groupe intervenir en se défendant de considérer l’écologie comme une religion : « bon ! oui ! C’est une religion mais, pas comme ces religions catholique etc. etc., qui n’en sont pas – car elles « ne ‘relient’ pas justement alors que l’écologie…etc. »
Ainsi donc le tournant sociétal actuel fait que les religions traditionnelles n’ont, en quelque sorte, pour nombre de contemporains, plus droit au titre de « religions » faute de témoigner de leur capacité à créer ce qu’on appelle aujourd’hui du « lien ».
Quel paradoxe et quel retournement de situation !
• Entre parenthèses, n’y aurait-il pas là matière à réflexion pour ce prêtre africain et autres gens ordonnés qui effectivement font de belles études de théologie en France et ne veulent plus rentrer au pays. Facile de se planquer avec une thèse de doctorat dans une paroisse désertée d’Europe ou dans un bureau administratif plutôt que d’engager sa personne dans sa brousse natale…
Evidement il nous est dit que comme il n’a plus assez de prêtres d’origine française, c’est beau et bien que les Africains et d’autres (de Roumanie par exemple) à leur tour évangélisent les Français…etc.
Toujours au sujet du dernier billet, à mon avis, ce ne sont pas les milliers de morts dus aux révolutions diverses qui ont traversé les pays qui les ont fait renaître mais ce sont les personnes qui suscitent là où elles vivent un climat paix et « climatisent » ainsi de proche en proche leur entourage.
Et ce n’est pas un conte de fées. Mais évidemment il faut se mettre au boulot et mettre sa propre main à la pâte. Tant qu’on est en vie.
Des petites lumières - qui brillent et pas qui tuent.
Merci, cher Fourmi, pour ce commentaire plein de bon sens. Je suis en train de résumer un livre de Marcel GRANET, intitulé "La religion des Chinois". Il en ressort que ce peuple est tout, sauf dogmatique.Il a un sens inné de l'harmonie entre l'ordre humain et l'ordre de la nature.Sa religion est très syncrétique. Le christianisme est venu, il est vrai, bouleverser quelque peu ce paysage multimillénaire. On est confondu de voir comment le Parti Communiste Chinois continue de faire semblant de croire aux vertus du marxisme, alors qu'en réalité il en cumule les inconvéients, les erreurs, et les drames avec ceux qu'engendrent un "capitalisme" effroyable.
Je continuerai d'explorer cette incroyable planète qu'est la pensée chinoise et je vous ferai part de mes réflexions.
Je suis d'accord avec l'ambiguïté dont est porteur le mot "religion". J'y reviendrai aussi
Amicalement.
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