Il est intéressant de lire, sous la plume de l'esprit supérieur que fut CICERON, l'avis que voici : "Il existe une loi vraie, celle de la droite raison, conforme à la nature répandue à tous les êtres, toujours d'accord avec elle-même, non sujette à périr, qui nous rappelle impérieusement à remplir notre fonction, nous dit la fraude et nous en détourne [...]. Cette loi n'est pas différente à Athènes et à Rome, autre aujourd'hui, autre demain, c'est une seule et même loi immuable, qui régit toutes les nations et en tout temps." (De Republica, 3, 22).
Non moins intéressant, l'avis de ce génie que fut PASCAL : "Pourquoi me tuez-vous ? Eh, quoi ! ne demeurez-vous pas de l'autre côté de l'eau ? Mon ami, si vous demeuriez de ce côté, je serais un assassin, cela serait injuste de vous tuer de la sorte, mais puisque vous demeurez de l'autre côté, je suis un brave et cela est juste." (Pensée III, article IX, dans l'édition publiée en 1803 chez Antoine Augustin Renouard, à Paris). Il dit encore : "Les états périraient, si on ne faisait souvent plier les lois à la nécessité. Mais jamais la religion n'a souffert cela, et n'en a usé. Aussi il faut ces accommodements ou ces miracles. Il n'est pas étrange qu'on se conserve en pliant, et ce n'est pas proprement se maintenir et encore périssent-ils enfin entièrement : il n'y en a point qui ait duré quinze cents ans. Mais que cette religion [PASCAL veut parler du christianisme] se soit toujours maintenue et inflexible, cela est divin."
Ces deux textes mettent bien en évidence le caractère apodictique ("qui a une évidence de droit et non de fait" dit le Larousse) de certaines lois, et l'aspect casuistique de certaines autres ("subtilité complaisante", nous dit le même Larousse, de la deuxième acception du terme ; on peut entendre ici et de préférence, "adapté à des situations particulières").
Il me semble que cette distinction est capitale et doit être saisie par tous les législateurs. Oui, on peut dire qu'il y a des lois de circonstance ; hélas elles sont trop nombreuses, spécialement en France. Mais on peut dire aussi qu'il y a des lois nécessaires et inviolables, par exemple : toutes celles qui touchent au respect de la vie, à la dignité d'autrui, au partage des biens. On peut en discuter les modalités parfois, mais alors on est souvent dans l'argutie et le vain combat politique. On a le devoir de dire qu'il est injuste de laisser à la rue des dizaines de sans-logis, on a le devoir de dire qu'il est injuste de laisser de nombreuses familles dans la misère ; on a en retour le droit d'exiger des sans-logis, une fois réglée leur situation, une participation à la vie sociale par le travail au service de tous ; on peut exiger des familles justement aidées par la contribution de tous, qu'elles participent par l'impôt, fût-il modique, à la vie de la patrie. Toutes ces conclusions sont triviales, j'en conviens, mais elles correspondent bien à "la nature répandues dans tous les êtres" dont parle CICERON, et elles soulignent le caractère contraignant pour la personne de certains comportements qui seuls sont en mesure d'y correspondre, ainsi que le côté paradoxal des exigences formulées par les États, dont parle PASCAL.
A méditer. Respecter le bien d'autrui justifie certains aspects de la loi dite HADOPI ; respecter la vie de famille, le repos et le partage exige le repos dominical.
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