jeudi 7 octobre 2010

De l'importance des symboles

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Le Petit Robert donne une excellente définition de l'une des significations du mot symbole : "Objet ou fait naturel de caractère imagé qui évoque, par sa forme ou par sa nature, une association d'idées spontanée [dans un groupe social donné] avec quelque chose d'abstrait ou d'absent". Il y a une convention arbitraire entre le symbole et l'opération qu'il désigne, précise le Robert. Le dictionnaire ajoute que le symbole, en une autre signification dérivée, établit une relation non causale [à la différence de l'indice] et non analogique [à la différence de l'icône] entre l'objet ou le fait naturel et ce qu'il évoque.
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Deux éléments paraissent essentiels dans ces définitions imbriquées et qui dérivent l'une de l'autre : le côté arbitraire du symbole ; l'absence de relation causale ou analogique entre le fait et ce qu'il désigne.
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En allant prendre un verre (ou dîner ?) au Fouquet's immédiatement après son élection à la Présidence de la République, monsieur SARKOZY a donné un signal mal perçu par les Français : cet homme, se sont-ils dit, est l'homme du luxe et des riches. Rationnellement, il n'y a aucun lien de causalité entre ce fait et la plus ou moins grande richesse des Français, mais il suggérait spontanément une association avec "le monde des riches", parfaitement abstrait. Le nouvel élu aurait été jouer au golf, que le résultat eût été le même. La relation entre le fait et ce qu'il suggère est donc tout à fait arbitraire. Même raisonnement en ce concerne le bouclier fiscal. Mais le mal est fait. Car en politique, c'est ainsi, la passion l'emporte sur la raison.
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Pourquoi ce long détour ? Oh ! C'est très simple. Je précise que que je ne désire pas tomber sous le coup de la loi en critiquant un jugement rendu au nom de peuple français. Mais tout de même.
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En notre beau pays de France, en effet, il ne fait pas bon d'offenser le dieu MAMON. Jérôme KERVIEL l'a appris à ses dépends : 3 ans de prison ferme, et 5 milliards d'euros de dommages et intérêts à verser à la Société Générale. A aucun moment, au cours du procès, il n'a été question de mettre en cause un ou des responsables pour les défaillances de leurs systèmes de contrôle, ou leur inertie devant des informations données très largement avant que le scandale n'éclate. (Voyez mes billets consacrés à ce sujet). Les dirigeants de la Société Générale peuvent continuer à digérer sans avoir à prendre de bicarbonate, à toucher leur bonus, à réaliser leurs "stock options", comme si de rien n'était. Bons princes, il remettent à Jérôme KERVIEL la dette de 5 milliards d'euros (177.000 années de versement pour ce malheureux) sans renoncer à réclamer des dédommagements. Il me semble que ce jugement est un symbole qui m'évoque un bel aphorisme de notre bon La FONTAINE : "Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir". Il est vraisemblable que le jugement est juridiquement fondé. Mais on ne peut s'empêcher de sourire en entendant le montant des sommes que doit rembourser le trader. Nul homme au monde n'est en mesure de le faire, intérêts compris, dans le cours de sa vie. Si le jugement est inexécutable, alors on a le droit de s'interroger sur ce qu'il signifie.
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Dans le même temps à GRENOBLE, on remet en liberté un des auteurs présumés du braquage d'un casino dont le complice a été tué au cours d'une fusillade avec les forces de l'ordre, on maintient en détention préventive dans l'Hérault, un homme connu pour être très paisible, et qui a tué un cambrioleur introduit frauduleusement chez lui. On libère par anticipation un délinquant sexuel, non sans qu'un médecin ne lui ait prescrit du Viagra avant sa libération, et il va enlever et violer un petit garçon, peu de temps après son élargissement ; plus récemment un autre délinquant sexuel, lui aussi libéré, viole et tue une jeune fille dans le Nord du pays.
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Le peuple ne peut s'y reconnaître. Il a un sens inné de la justice (je parle du peuple au sens fort) et il sent bien qu'il y a dans ces jugements des décisions qui heurtent. C'est ce qu'on appelle, là encore, le sens symbolique des événements. Les citoyens que nous sommes ont le droit de demander aux responsables politiques et au magistrat qu'ils pèsent le poids de leurs actes et de leurs décisions avant de les arrêter.
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3 commentaires:

tippel a dit…

Précision sur le maintient en détention préventive dans l'Hérault, d'un homme. Il s'appelle René Galinier, 73 ans c'est un honnête homme, il n’a tué personne. Cela fait pourtant 61 jours qu’il est incarcéré à la maison d’arrêt de Béziers.Ce papy est atteint d'un cancer, il a tiré sur 2 Roms qui s'étaient introduit chez lui,et pour la 3eme fois.Il avait téléphoné à la gendarmerie qui avait tardé,les voleurs seront blessés. Ils sont EUX sortie de l'hôpital, c'est le contribuable qui paiera probablement la facture. Malgré plusieurs demandes de collectifs,bien sur de droite,la gôôôche ne connaît pas cette affaire elle est pour elle sans intérêt. sa libération a été refusée par le juge et le parquet. Merci la droite de Sarkozy. Droite ou gauche ils n'aurons pas ma voix ni celle de ma famille.Je sais je pése pas lourd et demain je ne serais rien.

potomac a dit…

dommage que Marchais n'est plus la; il aurait dit "c'est un scandale"

Philippe POINDRON a dit…

Exact, cher Potomac, exact. Il n'empêche : le sentiment que nous avons de l'équité, sentiment naturel, est offensé...