mardi 12 octobre 2010

Deux points de vue sur les lois

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Il est de bon ton, en notre pays, de critiquer les lois, de les contourner, ou de les ignorer. Aujourd'hui, nombre d'insatisfaits s'apprêtent à battre le pavé de nos bonnes villes, au motif qu'une loi, votée par des représentants librement et démocratiquement élus, ne leur convient pas. J'ai trouvé par hasard, en lisant le très beau livre de Jacques SANCERY sur CONFUCIUS, deux citations qui disent fortement des choses intéressantes à propos des lois. Cris dans le désert que ce billet ? Certes ! Agacement de Potomac qui va me reprocher mes chinoiseries ? Sans doute. Pour apaiser son très prévisible courroux, je commencerai par citer SENEQUE et son traité De la colère (II, 27) : "La vertu, dit-il, est bien imparfaite lorsqu'on ne fait d'autre bien que celui qui est commandé par les lois. La règle de NOS DEVOIRS est beaucoup plus étendue que celle de la justice rigoureuse. Combien de choses qu'exigent la piété, l'humanité, la libéralité, l'équité, LA BONNE FOI, dont les lois ne font aucune mention ?"
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Je me lance dans ma seconde citation ? Oui, je me lance en tirant des Mémoires historiques (Shiji) du grand historien chinois SIMA QIAN (que vous connaissez peut-être sous le nom de SSEU MA TSIEN) ceci, qui paraît tellement juste et vient souligner que la loi est le moins mauvais moyen de faire vivre ensemble les hommes, peu vertueux par nature : "Les rites [entendez ici la courtoisie, la politesse, les usages sociaux du bien vivre ensemble], c'est ce qui empêche que le mal se produise, tandis que les lois, c'est ce qu'on applique une fois que le mal est commis. L'utilité des lois est facile à percevoir ; mais les hommes saisissent difficilement l'utilité préventive des rites" (Shiji, CXXX ; traduction de Jacques PIMPANEAU).
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SENEQUE et SIMA QIAN disent la même chose, chacun selon le génie propre de sa langue et de sa culture. Les lois sont là pour régler la vie ensemble. Elles n'épuisent aucunement les obligations et devoirs moraux de tout homme qui préfère habiter sa vie plutôt que la subir. Et plutôt que de défiler en aboyant des slogans (quand ce ne sont pas des injures), les manifestants, s'ils avaient de vrais chefs qui pensent, devraient s'interroger sur les raisons qui ont poussé les pouvoirs publics à prendre des mesures impopulaires, amendables sans doute, prises sans trop de concertations, mais cependant indispensables : fardeau de la dette sociale, trop lourdes charges qui bientôt peseraient sur les épaules des jeunes générations, abus d'avantages injustifiés de la part de certains secteurs, consommation immédiate au détriment de l'épargne qui aurait pu venir abonder chaque pension individuelle, aveuglement sur les devoirs qui incombent à chaque citoyen de contribuer à la vie commune. J'ai déjà dit, et je le maintiens, que si cela était nécessaire - me considérant comme un très grand privilégié - j'accepterais de voir diminuer ma pension pour ne pas affaiblir ma patrie et permettre à de moins bien lotis d'avoir meilleure enseigne pour se loger. Que puis-je dire de plus ?
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Allons, encore SENEQUE : La colère est une courte folie.

2 commentaires:

sylfe a dit…

Remarquez que les plus tenaces ne sont pas ceux qui en auront le plus à souffrir. C'est cette impression d'égoïsme qui me rend si défiant vis à vis des contestataires de masse. Je ne sens pas de bonne volonté (parfois un pathétique semblant d'accomplissement glorieux). Dans ma fac, je ne vois dans les syndicats étudiants qu'une opposition pour l'opposition, un moyen d'exister par l'autre. Ce qui les définit ce n'est pas leurs idéaux mais le groupe qu'ils forment, une foule persécutrice (une foule est toujours ainsi d'après ce que j'ai compris de Girard).
Je commence à en avoir marre, et je me dis que travailler plus dur jusqu'à 67 ans me serait plus agréable que de supporter toutes ces fanfaronnades de la "justice, de l'égalité et de la liberté" (valeurs dénaturées par ceux qui s'en réclament).
C'est triste de voir que la méfiance (de ma part ou des autres) prévaut à la bienveillance face à autrui. Après tout si jamais quelqu'un nous aborde dans la rue, on se dit que ce sera pour nous soutirer quelque chose plutôt que pour nous dire Bonjour. Toujours cette idée que l'autre agit dans son interet contre nous, qu'il nous ment... l'Amour n'est pas une idée qui nous viendrait naturellement à l'esprit

Philippe POINDRON a dit…

Cher Sylvain,
Votre contribution est trop importante pour que je ne réponde pas par un billet entier.
A bientôt donc. Amicalement.