lundi 4 octobre 2010

Sur l'argent et les riches

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Si vous avez lu mon billet d'hier, vous aurez bien noté que j'ai précisé ceci : qu'il soit de droite ou de gauche, l'argent est toujours trompeur. C'est ainsi que Jésus l'a qualifié. Malheureusement, les équivalences françaises du mot grec qui qualifie l'argent ne sont pas toujours précises ou fidèles et l'on trouve souvent comme traduction : l'argent d'iniquité. Mais, qu'il y ait ou non un bon usage de l'argent, il reste trompeur. Et Jésus loue l'intendant malhonnête qui -sachant qu'on allait le congédier - se fait des amis en remettant aux débiteurs de son maître une partie des dettes qu'ils ont contractées envers ce dernier, en nous demandant d'être aussi habile dans les choses du ciel que lui l'est dans celles de la terre.
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Il me semble que la clé d'un sain rapport à l'argent est donnée par ces versets du Livre des Proverbes (30, 5-9) : "Seigneur, je ne te demande que deux choses, ne me les refuse pas avant que je meure ! Eloigne de moi le mensonge et la fausseté, ne me donne ni la pauvreté ni la richesse : accorde-moi seulement de quoi subsister. Car dans l'abondance, je pourrais te renier en disant : 'Le seigneur n'existe pas'. Et dans la misère, je pourrais devenir un voleur, et profaner ainsi le nom de mon Dieu."
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L'argent n'a d'autres fonctions que de permettre à l'homme de vivre décemment : se nourrir, se vêtir, se loger, témoigner son amour à son conjoint, élever ses enfants convenablement, s'enrichir l'esprit, accueillir ses proches et ses amis. Il ne sert pas à accumuler des biens immenses dont on ne saurait que faire, dont on ne connait même pas la nature, dont on ne saurait même pas dresser la liste. Car on ne dort que dans un lit, et l'on ne se nourrit que trois fois pas jour, on ne regarde qu'un tableau à la fois, et on ne fait pas conversation avec un coffre-fort.
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L'Ancien et le Nouveau Testament ont des paroles terribles. C'est le prophète AMOS (6, 1a. et 4-7) qui crie aux riches du Royaume d'Israël (le Royaume du Nord) : "Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles dans Jérusalem, et à ceux qui se croient en sécurité sur la montagne de Samarie. Couchés sur des lits d'ivoire, vautrés sur leurs divans, ils mangent les meilleurs agneaux du troupeau, les veaux les plus tendres, [...], il se frottent avec des parfums de luxe, mais ne se tourmentent guère du désastre d'Israël ! C'est pourquoi maintenant, ils vont être déportés, ils seront les premiers des déportés ; et la bande des vautrés n'existera plus." On ne saurait être plus net.
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Et puis il y a cette parabole du mauvais riche et du pauvre LAZARE qui aurait bien voulu manger les miettes qui tombaient de la table de cet homme. Mais on ne lui donnait rien, et seuls les chiens venaient lécher ses plaies. L'un et l'autre meurent. LAZARE repose près d'ABRAHAM, le mauvais riche brûle de soif dans les fournaises de la damnation. Il supplie ABRAHAM et LAZARE qu'ils viennent lui humecter les lèvres avec une goutte, une seule goutte d'eau (cf. Luc, 16, 18-31). Et ABRAHAM de lui répondre : "Mon enfant, rappelle-toi : Tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et LAZARE le malheur. Maintenant, il trouve ici la consolation, et toi, c'est ton tour de souffrir. De plus, un grand abîme a été mis ENTRE VOUS [notez le pluriel, je vous prie, et comprenez qu'ils visent tous les mauvais riches] ET NOUS, pour que ceux qui voudraient aller vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne vienne pas vers nous."
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La parabole est pleine d'enseignement : le mauvais riche est condamné non pas parce qu'il est riche, mais parce qu'il a refusé d'abandonner à LAZARE l'usage des miettes qui tombaient de sa table. Ses greniers sont remplis, mais son coeur est sec. Il a refusé de donner des miettes sur la terre, on lui refuse une goutte d'eau dans le ciel.
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Est riche, celui accumule sans autres finalités que d'accumuler et qui fait de l'argent trompeur son idole. En ce sens, Bill GATES qui est multimilliardaire mais distribue 80 % de ses revenus à des fondations charitables diverses n'est pas un mauvais riche. Il lui reste certes de quoi vivre dans le luxe. Mais il ne garde pas tout pour lui et il donne plus que des miettes. Tous les détenteurs des grandes fortunes n'en font pas autant. On pourrait multiplier les exemples de ces riches qui ont redistribué une partie de leurs biens. Les Princes de TOUR et TAXIS à RATISBONNE nourrissent quotidiennement 300 indigents. Des mécènes laissent aux Musées des collections d'objets d'art fabuleuses. Pour ce qui est des Arts asiatiques que je connais un peu, on peut citer les RIBOUD et leur éblouissante collection d'objets indiens légués au Musée GUIMET, Lionel JACOB et sa collection d'objets chinois, GRANDIDIER qui y a laissé 6.000 céramiques et porcelaines chinoises de toute beauté, Emile GUIMET bien sûr, et tant d'autres.
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Pour terminer, voici cette parole de saint Jean-Chrysostome (que j'ai tacitement opposé aux Cacostomes de tous poils dans un récent billet) encore appelé saint Jean-Bouche d'or (exacte traduction du mot grec chrysostome) : "Tout riche est voleur ou fils de voleur". Allons, messieurs du CAC 40, messieurs des banques, grands chevaliers d'industrie, ne voyez-vous pas que votre aveuglement, votre âpreté au gain, votre cupidité, minent sous vos pas le chemin que vous croyiez pavé de sécurité, de certitudes et de bien-être ?
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Je résume. Pour moi, il n'y a ni fric, ni pouvoir d'achat. Il y a l'argent trompeur qu'il s'agit d'utiliser avec discernement. Il n'est ni une finalité, ni une marchandise. Il n'est qu'un moyen. Mais il reste trompeur et il l'est pour les riches qui refusent de partager, et pour les moins riches qui en réclament toujours davantage. Quant aux pauvres, ils n'ont pas de voix pour se faire entendre. Car il n'y a pas de syndicats de pauvres.
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4 commentaires:

Roparzh Hemon a dit…

Cher auteur,

la phrase la plus riche de sens dans votre billet est la dernière : "Il n'y a pas de syndicat de pauvres".

Cela est vrai dans un sens général : tout pauvre dans un syndicat qui fonctionne devient automatiquement un nouveau riche.

Cela est vrai aussi dans un sens particulier et relatif à notre histoire : la Révolution a tué les vrais syndicats de pauvres (loi le Chapelier) et aujourd'hui la gôôche sous ses mille et une formes a le monopole du syndicalisme.

Les bretons disent : "Ar paour pa binvidikaa gant an diaoul ez a", "le pauvre qui s'enrichit devient la propriété du démon."

Amicalement,

E. D.

Philippe POINDRON a dit…

Cher Roparz Hemon, je suis heureux d'avoir de vos nouvelles ainsi que de lire ce commentaire.J'ai parlé à de nombreuses reprises de la catastrophe qu'a été la Loi le CHAPELEIR qui a tout simplement laissé la voie libre à un capitalisme financier débridé, (mais aussi un capitalisme industriel lié au développement technique) et a laissé les ouvriers sans défenses. Je vais refaire un billet sur ce sujet. J'ajoute que les brertons, sichers à mon coeur, si mal traités par la République, aient conçu cet aphorisme si juste.
Avec mes sentiments amicaux.

marjou a dit…

tu as raison la loi chapelier est contraire aux pauvres la revolution est liberticide

marjou a dit…

tu as raison la revolution n est pas favorable aux petits beaucoups de personnes de gauche sont en realite des ploutocrates hypocrite