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Vous
avez sans aucun doute noté que les journalistes de la télévision, sanglots dans
la voix, mines atterrées, expliquaient que, samedi dernier, les Gilets jaunes s’en
étaient pris, sans succès, aux symboles républicains. Plutôt que de se
lamenter, ils devraient, les pauvrets, s’interroger sur le sens de ces actions.
Un
symbole, faut-il le rappeler, est l’expression visible d’une réalité invisible
ou abstraite, à laquelle il est attachée par un lien arbitraire. Tout est
dans l’arbitraire.
En
s’en prenant à l’Assemblée Nationale, au Sénat, ou, ailleurs à des Préfectures,
des Centres des Impôts, les Gilets jaunes entendaient mettre en évidence le
côté définitivement arbitraire du lien de ces objets avec ce qu’ils ont pour mission de rendre visibles.
L’Assemblée
nationale est le lieu où les députés, représentants de la Nation, sont censés
mettre en musique la volonté générale exprimée par le vote majoritaire des
citoyens, ceci en accord avec le pouvoir exécutif lequel a le devoir de respecter la volonté générale. Si les Gilets jaunes désiraient s’en prendre au Palais Bourbon, c’est
bien parce qu’ils avaient compris une chose : les représentants de la
Nation qu'il héberge sont au service du Prince et non des citoyens ; ils ne représentent
rien d’autre qu’un rouleau compresseur à la botte d’un monarque républicain qui
a beaucoup plus de pouvoir qu’un monarque de l’Ancien régime. Je sais que ce n’est
pas trop tendance de l’affirmer, mais c’est la stricte réalité. Le sénat est
censé être formé des représentants des territoires. Ces honorables vieillards
de sénateurs se sont-ils vraiment occupés des territoires perdus des campagnes
ou des banlieues ? Idem pour les Préfectures, devenus le relais de la Haute
Fonction publique, et qui via l’autorité discrétionnaire du Préfet impose ici l’implantation
d’éoliennes, là l’ouverture d’une décharge, ici encore (indirectement) la fermeture d'une maternité. Je pense ici à la DUP
proclamée par le Préfet de l’Aveyron à propos du transformateur de Saint Victor
et Melvieu, imposé contre la quasi-totalité de l’opinion des habitants, je
pense à la ventilation qu’opèrent les mêmes préfets des immigrés clandestins
dans tel ou tel village, sans que soient consultés les maires ou les habitants.
On n’en finirait pas de citer ces mesures autoritaires prises au nom de l’Intérêt
général, mais jamais à celui du Bien commun, qui n’a qu’un très lointain
rapport avec le susdit. L’Intérêt général est l’oripeau dans lequel se drapent
les hauts fonctionnaires pour imposer au citoyen, via la loi, les décrets, les
arrêtés, des solutions techniquement et financièrement impeccables mais
humainement désastreuses.
Voilà
plusieurs semaines que nous parlons ici de l’ordre symbolique. Ce que les
Gilets jaunes contestent c’est l’ordre symbolique républicain dans sa forme
autoritaire, élitiste, irréaliste, arrogante.
Je
suis très étonné de voir que les Gilets jaunes représentent tout l’éventail des
opinions politiques ; il y en a qui sont catholiques, d’autres d’extrême-gauche,
certains sont entrepreneurs ou artisans, agriculteurs ou commerçants : ils
représentent toute la diversité du peuple français. Il y a une exception :
vous ne trouvez aucun pratiquement homme politique, aucun adepte du show-bizz
qui se dise Gilet jaune. Il en est même un, monsieur BERLEAND, qui avec une
rare élégance affirme que les Gilets jaunes lui accélèrent le transit (Cf. https://www.cnews.fr/france/2019-02-10/gilets-jaunes-les-propos-de-francois-berleand-entrainent-un-flot-dinsultes-contre)
Je condamne absolument les insultes dont on abreuve cet excellent acteur, mais
je me permets de lui suggérer de se cantonner à son art et de ne point utiliser
sa notoriété pour faire de la politique.
Il
m’apparaît clairement que l’ordre symbolique prétendument républicain, qui sent
le radical-cassoulet des années 1900 est sérieusement démodé et qu’il
conviendrait sans doute de le remplacer par un ordre symbolique résolument
démocratique. Pour cela, il faudrait que les élites fissent un peu plus confiance au
Peuple, et un peu moins à leur nombril.
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