vendredi 1 février 2019

Samedi 02 février. Note pas brève du tout à l'intention des Lycéens (bis)


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Ma foi, je ne puis m'empêcher d'exulter quand je lis les analyses critiques de deux auteurs aussi talentueux que BLOY et MURAY font de l'oeuvre de ZOLA. Le pauvre ZOLA est mort asphyxié, sans que l'on sache vraiment si ce fut un accident ou un crime...
Bon, rentrons dans le vif du sujet.
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Nous vivons en un siècle sans mémoire, sans traditions, sans transmission. Le phénomène a commencé à se manifester au XIXe siècle, avec le triomphe de la pensée bourgeoise, conformiste, positiviste, scientiste, progressiste et par-dessus tout anticlérical. ZOLA est un excellent représentant de cette littérature de décadence, et c’est pourquoi il est, comme vous l’allez voir, passablement et humoristiquement étrillé par deux critiques littéraires dont il serait utile, chers lycéens, que vous vous inspirassiez.
Réglons d’abord un point important. Il faut créditer Emile ZOLA d’un grand courage et d’une singulière clairvoyance dans l’affaire DREYFUS. Très tôt, il a vu la machination que l’on ourdissait contre un innocent, et les mensonges de ses accusateurs. Mais, car il y a un mais, il était viscéralement, fondamentalement anticlérical, anticatholique, comme en témoigne la série des Trois Villes, Lourdes, Rome et Paris  ainsi que sa suite Les quatre évangiles qu’il n’eut pas le temps d’achever. J’ai rédigé, il y a plusieurs années, un billet que je n’arrive pas à retrouver, où l’on voit comment ZOLA offrit de l’argent à une miraculée de Lourdes, qu’il fait mourir dans son roman, (car elle lui faisait de l’ombre,) pour qu’elle parte en Belgique dont son mari était originaire. Elle s’appelait madame WUIPLIER, et ZOLA ne supportait pas qu’on lui fasse remarquer (elle se portait comme un charme et était vendeuse au Bon Marché) que la pauvrette était un démenti vivant à ses mensonges. Passons.
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Voici d’abord le jugement de mon cher Léon BLOY. Il n’est pas tendre comme vous l’allez voir !

"Qu’est-ce donc après tout que la littérature ? la littérature seule, sans enthousiasme ? C’est la plus ville des courtisaneries et la plus déshonorante des inventions qui abrutissent. C’est l’acrobatie de la pensée sans l’excuse du gagne-pain, car on y crève de misère à tous les niveaux, si l’on n’y ajoute pas le très lucratif négoce du maquignonnage politique ou du scandale irréligieux et pornographique, et l’on sait que la littérature moderne fait à peine autre chose. Athée, fille d’athées, mère d’athées, trois fois sacrilèges, soixante-dix-sept fois marquise de la luxure et de l’impiété, cette littérature est devenue quelque chose comme le vomissement des siècles sur le fumier définitif de la pensée et du langage. Je demande pardon pour ces affreuses expressions, mais si l’on veut bien se souvenir des récents travaux de M. ZOLA, par exemple, le chef reconnu et acclamé de toute la nouvelle école, qui donc osera les trouver injustes ou exagérées ?"

Léon BLOY.
Propos d’un entrepreneur de démolitions (Éd. 1884). Fac simile de l’édition originale.
Tresse, Éditeur, Paris, 1884/Hachette Livre/BnF, SD [2017 ?] (Page 4.)
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Mon non moins cher Philippe MURAY nous rappelle un épisode tout à fait incroyable, à propos de l’édification de la Basilique du Sacré Cœur (vous verrez que ZOLA a fait des émules)
"[…]. Il suffit d’entrer dans la basilique, au sommet de la colline de Montmartre. Là, au pourtour du chœur, dans l’ombre, brillent les lettres latines, Gallia, penitens et devota, la dédicace au monument de la France meurtri et fidèle… Immédiatement, toute une histoire sanglante remonte à la mémoire. Les prêtres abattus pendant la Commune, Mgr DARBOY fusillé, la répression versaillaise. Rien qu’un massacre parmi d’autres, quelques crimes qui en annoncent de pires. Et ce culte sublimé du Cœur de Jésus pour commémorer l’éternel retour du délire humain… C’est trop, c’est beaucoup trop pour ZOLA. « Une telle impudence, écrit-il, un tel soufflet donné à la raison, après tant de travail, tant de siècles de science et de lutte ! » Et à Paris en plus ! « À Lourdes, à Rome, cela s’explique. Mais à Paris, dans ce champ de l’intelligence, si profondément labouré, où pousse l’avenir ! » […]. Oui, tout cela est trop charnel. La preuve : « Il [le ‘il’ de ZOLA est celui d’un prêtre futur défroqué] souffrait de cette poitrine ouverte et saignante de Jésus, du cœur énorme que la sainte avait vu battre au fond de la plaie [il s’agit de sainte Marguerite-Marie ALACOQUE, promotrice de la dévotion au Sacré Cœur], dans lequel Jésus avait mis l’autre, le petit cœur de femme (sic), pour le rendre ensuite tout gonflé et brûlant d’amour. Quelle matérialité basse et répugnante, quel étal de boucherie, avec les viscères, les muscles, le sang ! Et il était outré surtout de la gravure qui représentait cette horreur. […] ». Voilà ZOLA surpris en pleine pudibonderie jansénisante, comme en plein puritanisme esthétique, l’un ne va jamais sans l’autre. D’ailleurs, deux plus tard, dans un ultime Salon, en 1896, il avait déjà renié une fois « ces femmes multicolores, ces paysages violets et ces chevaux orange » de la révolution impressionniste…
In
Rejet de greffe. Exorcismes spirituels I Essais. Quatrième tirage.
Les Belles Lettres, Paris, 2010. (Pages 189-190.)

Figurez-vous que monsieur Ian BROSSAT, maire adjoint communiste de madame HIDALGO, dépourvu du moindre talent littéraire, lui, se proposait de transformer le sacré Cœur en espace de Solidarité !
ZOLA a fait des émules…

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