Il est de bon ton de moquer les gens courtois. Le jeunisme envahit tous les compartiments de notre vie sociale : la publicité, les loisirs, la mode, par exemple. On ne dit plus, dans un courriel, "Cher monsieur" ou "Chère madame", on dit "Bonjour !" ou "Bonsoir !", selon l'heure. On ne dit plus "Veuillez agréer etc." mais "Cordialement". Car en ces matières les "jeunes" donnent le ton. Ne parlons pas des modes verbales ; "ça me gonfle", ou "ça me prend le chou" ou que sais-je encore et par exemple.
De quoi cette manière de faire contemporaine est-elle l'indice ? Selon moi, d'un effacement de plus en plus important de la signification symbolique des gestes, des paroles, des couleurs ou des sons. Il faut, pour exister, choquer, faire du nouveau, s'opposer aux traditions, les railler, les détruire, les déformer, faire table rase du passé pour pouvoir vendre toujours, et toujours, et toujours plus de nouveaux produits d'utilité souvent très contestable. C'est la condition nécessaire à l'existence d'une société de consommation, tellement contestée en paroles, tellement aimée dans les faits.
Les Chinois, à l'instigation durable de CONFUCIUS, accordaient et accordent toujours une signification très importante aux rites. Marcel GRANET, dans son livre remarquable sur la religion de Chinois notait avec pertinence que les habitants actuels de l'Empire du Milieu ont su très bien adapter les rites traditionnels au monde contemporain. Ainsi, disait-il (en 1951), on verra une mariée porter une robe à la coupe occidentale, mais cette robe ne sera jamais blanche, car c'est la couleur du deuil, et elle ne sera pas davantage rouge, couleur traditionnelle des noces ; on la portera rose, fût-il très pâle. Admirable perpétuation adaptée de gestes polis par l'histoire, pleins de sens pour qui en connaît la clé et admirable adaptation aux conditions modernes.
Ainsi coupés de la compréhension du passé, inquiets d'un avenir qui ne se laisse pas clairement deviner, nous sommes tout à l'instant présent, sans l'habiter vraiment, car notre inquiétude existentielle fait que nous ne pouvons vraiment le goûter. Désemparés, sans repères, sans ancrage, nous ne savons plus exprimer, faute de langage approprié, nos sentiments profonds ; la politesse, la courtoisie, les rites nous y aidaient. Ils sont en train d'être sacrifiés sur l'autel de la modernité. "Or, disait Paul RICOEUR, il y a une profondeur de l'âme humaine à laquelle le rite seul peut atteindre." Constat bouleversant de justesse. Qu'il serait bon de le méditer.
11 commentaires:
Dans le même mouvement, voilà un « ancien » ou « un vieux » au choix que j’appréciais (notez l’imparfait) beaucoup qui réapparaît depuis quelque temps sur les antennes et se trouve particulièrement projeté en ce moment sur le devant de la scène médiatico-politique avec son dernier livre sous le bras et son souhait virulent d’une réforme de l’ortografe.
< Télé : au cours d’un débat , j’ai cru entendre par hasard une député (e ?) lancer tout de même un argument en la jouant naturel et ‘ jeune ‘ : " ça va la foutre mal ..."
Enfin,décidément irrécupérable devant la nouveauté de l’enseignement de l’ortografe,
je vais faire partie des gens complètement et définitivement classés ‘institutionnalisés’.
Moi, à la place de François de Closets et de tous ces modernes collés aux baskets, j’irais plus loin encore en demandant de privilégier dans la formation professionnelle des professeurs des Ecoles et des professeurs de Français ce que ce journaliste réclame comme activité pédagogique du plus haut niveau et du plus urgent : pour l’enseignement de l’ortografe, exploiter à fond les correcteurs ortografiques d’Internet (évidemment souligne-t-il, avec une pointe d’humour- mais en a-t-il eu conscience ?– après une formation spéciale pour bien leur faire assimiler le fonctionnement de l’aller-retour (exigé par cette technique de haut vol et réservé donc une élite, c’est moi qui rajoute) de manière à ce qu’ils puissent épauler leurs jeunes disciples dans l’acquisition de cette ortografe honnie, semble-t-il, par une masse de gens – car qui tient encore à défendre la valeur de l’orthographe traditionnelle ? Seuls les personnes de 60 ans et plus - qui se retrouvent seuls (sic).
Par contre, d’accord, pour l’enseignement de la grammaire soit ! Les professeurs auront le droit de la transmettre selon les principes habituels (sic).
Merci.
J’irais donc encore plus loin : pourquoi ne pas insérer cette nouvelle épreuve dans les Concours du Capes et de l’Agreg ? Titre : ‘de la manipulation des correcteurs orthographiques’ et en plus avec une note éliminatoire. Comme ça, y aurait un tri et une sélection et comme ça, on se retrouverait comme dans l’ancien temps. Et tout le monde serait content.
Je me prends à rêver...
C’était l’un de mes plus grands regrets que de ne pas mourir, comme je le disais au moins une fois l’an à mes élèves, en expliquant les règles du participe passé au tableau - avec une craie bien sûr – mais cet objet est également proscrit par l’auteur : « allons donc maintenant qu’il existe des tableaux modernes totalement équipés etc. etc. »-« Et moi, se vante l’élu, ça fait déjà cinq ans que j’en ai doté toutes les écoles de ma commune... »
Evidemment, en face, comment leur faire comprendre que, même si j’ai pratiqué l’informatique dès le début,jamais cet instrument et autres médiations, n’arriveront à la hauteur de mon vieux tableau noir.
Pauvre tableau,comment le défendre dans ces temps qui lui sont hostiles? Va-t-il, lui aussi passer à la trappe, comme la politesse, la courtoisie et tous ces rites ?
C’est sûr, moi et mon rêve de mourir devant un tableau noir en expliquant pour la nième fois les diverses beautés des participes, ça fait ... un peu...
Vais-je m’en remettre ?
Chère fourmi, c'était bien beau votre commentaire. Merci on en redemande ! de cet amour et humour ortografic. Amities
PS: "Vais je m'en remettre" Comme olibrius travaille dans le milieu médical vous pouvez faire appel à lui.
Suite du billet d’aujourd’hui :
Voilà, je m’en suis remise. Et grâce à qui ?
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NB 1. J'hésite encore à suivre le conseil de Norman : la fourmi qualifiée de rouge tient à sa peau et tremble de se noyer dans la potion que lui préparerait éventuellement Olibrius.
Cependant elle va se montrer solidaire et compatissante > voir NB 2.
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Pour me remonter le moral, je suis allée faire un tour dans mon jardin respirer un air « élevé ».
Et qu’ai-je vu ?
[>> cf. Suite du billet du 5 septembre (dioxyde de carbone) ]
Un changement climatique : figurez-vous que je viens de faire une découverte majeure dont je ne doute pas qu’elle sera prise en compte dans les rapports relatifs aux différentes manifestations du réchauffement de notre vieille terre - quelle qu’en soit la cause.
Je viens d’apercevoir au milieu de toute la floraison estivale encore éblouissante et des premières couleurs automnales de mon jardin : devinez quoi !
Une primevère.
Pas les primevères colorées qui refleurissent plusieurs fois même par temps de gel mais la petite primevère dite commune ou officinale la ‘primula veris’ (< étymologie : primo vere = au début du printemps).
Le fameux coucou que tous les enfants ont au moins cueilli une fois.
Sa période de floraison s’étend normalement de février à mai : rendez-vous compte !
Je n’en ai qu’un seul exemplaire jusqu’à présent: je lui prodigue donc tous les soins nécessaires. Car, comme elle est annonciatrice du printemps, nous n’aurons donc pas d’hiver, pas de neige, pas de congères à pelleter entre deux passages de chasse-neige...
- ça, c’est une nouvelle de ma météo locale – uniquement -
Dire que je commençais déjà depuis une semaine à faire le soir de petites flambées dans la cheminée et que le bûcheron va venir demain livrer ses premiers stères de bois.
Ne devrais-je pas décommander ?
De toute façon, à partir d’aujourd’hui la primevère ne peut plus dire qu’elle est la première fleur du printemps : on nous change tout.
Va-t-elle, elle ausssi, s’en remettre ???
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NB 2. Pour prouver mon ‘inoffensivité’, voici une indication thérapeutique spéciale qui pourra participer au bon rétablissement d'Olibrius:
En effet, mes pérégrinations botaniques cette fois – car je voulais savoir si, par hasard, cette primevère pouvait tout de même éclore en toute saison > et je n’ai rien lu dans ce sens - m’ont conduite à apprendre que cette petite primevère toute banale possédait de grandes vertus curatives. Comme quoi...
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* Propriétés médicinales de la primevère commune :
Ce sont les mêmes que celles de la primevère acaule (Primula vulgaris) et de la primevère élevée (Primula eliator)
Les fleurs, adoucissantes et calmantes, sont utilisées dans des mélanges pectoraux.
Les feuilles sont anti-ecchymotiques.
Toute la plante et particulièrement la racine ont des propriétés analgésiques, anti-spasmodiques, diurétiques et expectorantes.
Bref, elle soigne tout et je suppose que, dans leurs grands laboratoires, les chercheurs en pharmacie ont déjà exploité ses dons.
A votre bonne santé !
C'était magnifique, j'espère que olibrius aura apprécier.
Mille fois oui à vos propos sur la courtoisie, le jeunisme, les comportements superficiels. Je me pose souvent cette question : sommes-nous donc une telle minorité à penser de la sorte ? Une espèce en voie de disparition ? Ou sommes-nous nombreux mais trop silencieux ?
Petite remarque amicale à l’intention de Fourmi : de nombreuses espèces caractérisées par une floraison printanière n’ont-elles pas une floraison dite "remontante" à l’automne ? Parfois, d’une fleur seulement, mais une quand même. On l’observe sur les magnolias, les corètes, les cognassiers du Japon, et la liste est longue. Mais je ne veux en aucun cas jouer les trouble-fêtes : l’émerveillement de Fourmi reste justifié !
La réforme de l'aurtaugraffe décrite par monsieur de CLOSETS est une aimable plaisanterie. Elle tend, comme nombre de nouveautés sociétales, à épargner de l'effort à nos jeunes pour leur dégager du temps propice à les faire consommer. Rien de plus.
J'approuve assez l'analyse de physiologie végétale présentée ici : la floraison de cette primevère est une manifestation du caractère "remontant" de ce faitnaumaine (aurtaugraffe) que l'on rencontre notamment et aussi chez les rosiers.
Merci à Adèle dont je salue avec joie le retour sur le Blog.Et à Norman pour l'appréciation élogieuse et méritée de Fourmi. J'attends avec impatience la contribution d'Olibrius.
A tous, mes amitiés
Cher monsieur,François de Clozets est un aimable rêveur, heureusement sans danger, ceci dit vous avez une fois de plus raison sur notre belle langue.
ca y est, vla qu'ils me mettent dans le milieu médical... encore que j'y suis de temps à autre. Mais on peut toujours suivre des cours de secourisme. J'aime votre humour cher norman, car il n'est pas normatif.
Voila PP est-il satisfait?
ah fourmi,
ah fourmi,
ah fourmi,
gloup, j'ai avalé fourmi!
Mais il vous faut encore la digérer, ou plutôt, l'assimiler cher Olibrius.
Amicalement.
ben oui ,mais ca dépend de notre prof de lettres!
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