Aix est une ville délicieuse. Je ne me suis point lassé d'en arpenter les rues, les places et les ruelles, de me tordre le cou pour admirer les façades des hôtels des XVIIe et XVIIIe siècles, les plus beaux sans doute que j'aie jamais vus. Il faut voir comment, vers les six heures du soir (heure d'été), les mascarons et le fronton de l'ancienne halle aux grains, Place de la Mairie, s'animent. Les rayons du soleil viennent raser très exactement les murs de ce chef d'oeuvre d'architecture. On dirait alors que la déesse (Cérès ?) dont une jambe pend avec grâce dans le vide - c'est une audace architectonique rare - attendait ce moment pour s'élancer vers la terre féconde qu'elle protège.
Et puis il y a les fontaines dont les eaux, jaillissant en jets puissants ou menus, retombent en bruissant dans des bassins limpides. Chaque place a la sienne, majestueuse ou simple, mais toujours faite pour le plaisir du promeneur : fontaine de la Rotonde, fontaine des Quatre Dauphins, fontaine de la Mairie, triste fontaine - celle-là est muette en effet - de la Place d'Albertas, et celle de la Place des Augustins, et tant d'autres encore.
Les femmes y sont belles, élégantes et graves. Et à ma courte honte, j'ai eu plaisir à les voir traverser la Place de la Mairie, le front haut, la taille dégagée, arborant un sourire léger. J'étais assis alors, sous l'auvent d'un café, et je buvais un pastis en grignotant des amandes, sans songer à rien d'autre qu'à la douceur du temps, goûtant la brise qui venait atténuer les ardeurs d'un jour encore brûlant.
La cathédrale est l'un des rares édifices religieux dont le baptistère soit resté continuellement en service depuis 1.500 ans, et l'est encore. Il est superbe avec les colonnes de marbre sombre qui en rythme l'espace. Il est lumineux, il parle, il est l'écho mystique des profanes fontaines de la ville.
Toute affaire cessante, et si vous en avez le loisir bien sûr, profitez des premiers jours de l'automne pour aller à Aix-en-Provence. Le temps semble s'y être arrêté ; en dépit de ce que disent les esprits chagrins et envieux, il devait y faire bon vivre du temps où l'aristocratique cité était la capitale du Comté de Provence. Et j'aime le petit clin d'oeil que la ville rebelle fait à la République. Sur chacun des écussons des corniches qui surmontent les fenêtres de la façade, il y une inscription : les trois du centre mentionnent la devise républicaine : Liberté - Égalité - Fraternité, mais celui de gauche exalte la Générosité et celui de droite la Probité ; tout un programme pour les historiens qui nous racontent la Révolution.
6 commentaires:
Quel aristrocrate distingué vous êtes! Moi je veux bien y aller si vous êtes la pour m'expliquer ce que vous comprenez de tout cela (à part les charmantes dames... que dis la vôtre?)et si vous m'offrez le pastis.
Cher Olibrius, mon instinct ne me trompe pas. Je crois en effet que vous me connaissez mieux que je ne le croyais...
Je ne sais si je suis un aristocrate distingué, mais si vous disiez "esthète" (pas "philistin", comme disait je ne sais plus quel philosophe) je vous approuverais.
Il se trouve que j'étais en compagnie de ma plus jeune soeur, et non de ma femme qui ne pouvait venir avec nous. Et tandis que je m'extasiais sur la taille cambrée des jolies provençales, elle trouvait, elle, que les provençaux n'étaient pas mal non plus !
Amicalement.
votre instinct??? parlons-en depuis que vous m'avez appellé Philippe, et je ne sais plus quel nom, je reste prudent.
Ah quelle famille, les uns et les unes s'extasiant sur les tailles cambrées. Et dire que ce matin, j'ai passé des radios pour me faire dire que mon dos était de plus en plus arthrosé et comment voulez-vous que je cambre ma taille????
Un seul remède : pastis, amandes et calissons, et je vous garantis que tout ira mieux, cher Olibrius.
Merci pour ce beau voyage à Aix. Je croyais entrer dans une photographie d’un siècle passé, me baigner dans ses eaux ruisselantes, goûter ce plaisir évoqué à deux reprises : une présence réelle pourrait-elle ajouter quelque chose de plus ?
Pourtant, si Fourmi y était allée, à son retour elle aurait continué à goûter ces parfums de plaisir sans se sentir obligée de toujours livrer des justifications.
« C’est ma vie privée de fourmi » aurait-elle plutôt dit, un peu attristée, avant de replonger dans sa fourmilière perso.
Chère Fourmi, je ne crois pas avoir été trop indiscret en disant tout simplement la vérité. Et, tant ma soeur que moi-même que ma femme, étions bien tristes de ne pouvoir combiner les affaires de façon telle que tous et chacun pussent en profiter.
Amicalement.
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