En cette période trouble où les foules, la passion et la déraison semblent submerger les médias, les citoyens, les syndicats et les hommes politiques, il est bon de se rafraîchir aux sources les plus pures de la réflexion. Je n'ai jamais caché l'admiration que je porte à Simone WEIL, trop tôt disparue. Souvent je l'ai citée. Et je vais aujourd'hui continuer à le faire car elle exprime des choses que tout être raisonnable, amoureux de la liberté, devrait sans cesse avoir en tête. Voici ce qu'elle dit dans cet essai admirable et d'une rare densité, Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale.
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"Pas plus que l'homme n'est fait pour être le jouet d'une nature aveugle, il n'est fait pour être le jouet des collectivités aveugles qu'il forme avec ses semblables ; mais pour cesser d'être livré à la société aussi passivement qu'une goutte d'eau à la mer, il faudrait qu'il puisse et la connaître et agir sur elle. Dans tous les domaines, il est vrai, les forces collectives dépassent infiniment les forces individuelles ; ainsi l'on ne peut pas plus facilement concevoir un individu disposant même d'une portion de la vie collective qu'une ligne s'allongeant par l'addition d'un point. C'est là du moins l'apparence ; mais en réalité il y a une exception et une seule, à savoir le domaine de la pensée. En ce qui concerne la pensée, le rapport est retourné ; là l'individu dépasse la collectivité autant que quelque chose dépasse rien, car la pensée ne se forme que dans un esprit se trouvant seul en face de lui-même ; les collectivités ne pensent point."
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Tout est dit. Dans ce livre, Simone WEIL développe plus longuement cette idée que ne le laisse percevoir cette citation. Mais déjà ce bref fragment ouvre à notre esprit une perspective de vérité.
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Prétendre connaître la vérité de ce que pensent le peuple français à coup de sondage est au mieux une erreur intellectuelle, au pire une imposture et une manipulation. Les sondeurs peuvent nous dire que 59 % (ou 69 %, peu importe) de nos concitoyens demandent que les manifestations contre la réforme des retraites se poursuivent, même si la loi est votée, je dis que de ce sondage ne sort aucune vérité. La vérité, que chacun peut vérifier de ses yeux, c'est que si les Français étaient pour la grève, ils ne se précipiteraient pas aux pompes des stations-services pour faire leur plein de précaution, par exemple. Ils auraient la pudeur de soutenir les grévistes en minimisant les effets de leur mouvement sur la vie sociale ; ils argumenteraient avec des statistiques économiques, démographiques, sociales, pour montrer que cette réforme est inutile, injuste, inefficace. Ils donneraient de leur argent pour soutenir les caisses syndicales de solidarité en faveur des grévistes. Ils proposeraient des mesures, y compris douloureuses, pour remédier à la situation catastrophique des comptes sociaux. Bref, ils se comporteraient en citoyens solidaires (puisqu'ils n'ont que ce mot à la bouche) et responsables. Le comportement de nombre d'entre eux - ne généralisons pas - me semble bien éloigné des valeurs affichées par les responsables syndicaux. Il me semble refléter plus vraisemblablement le chacun pour soi.
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Allons, encore une petite citation, cette fois-ci de Thomas MERTON. Ce moine trappiste, auteur entre autre de ce 'best seller' intitulé La nuit privée d'étoile, a écrit dans un autre ouvrage, remarquable à tous égards, Nul n'est une île :
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"Une société dont le seul but est d'éliminer la souffrance et de donner à ses membres les plus grands conforts et les plaisirs les plus recherchés est condamner à périr." Bien entendu, il ne s'agit pas de justifier la pauvreté, et ce n'est pas ce que dit MERTON dans son livre, bien au contraire. Ce qu'il fustige, ce sont les courtes vues de l'hédonisme et du plaisir à tout prix, y compris à celui du sang des plus pauvres et des plus faibles. Je dois dire que je ne mets pas les conducteurs de TGV ou de trains dans cette population.
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5 commentaires:
La vérité, l’imposture, et la manipulation: « Comment j’ai été instrumentalisé par Julien Dray » il y a 20 ans un vaste mouvement lycéen embrasait l’hexagone. Dans l’ombre, un député PS tirait les ficelles : Julien Dray. Comment ? Voici le récit de Nasser Ramdane-Ferradj, aujourd’hui maire adjoint PS de Noisy-le-Sec. Agé de 18 ans à l’époque, il avait été propulsé à la tête du mouvement en tant que vice président de la FIDL (Fédération indépendante et démocratique lycéenne). « Le mouvement de 1990 a commencé à Saint-Ouen, au lycée Auguste Blanqui, après le viol collectif d’une élève de 15 ans. Très vite, des dizaines de lycées du 93 se mettent en grève. Militant à SOS Racisme depuis deux ans, je me précipite sur mon téléphone pour appeler Malek Boutih .Il m’écoute et me demande de le rappeler dix minutes plus tard. Je le fais. Il me dit juste : « Nasser, tu dois mettre en grève un maximum de lycées ». J’étais devenu sans le savoir le bras armé de Julien Dray dans sa guerre contre Jospin et Rocard. Ce dernier n’avait pas pris Julien dans son gouvernement, et Julien était persuadé que la faute en revenait à Lionel. Le tout sur fond de guerre des courants au PS, quelques mois après le congrès de Rennes… Autant vous dire que tous ces enjeux m’échappaient assez largement. Comme militant, je n’ignorais pas qu’il y avait des batailles d’appareil. Mais je n’avais aucune vision du tableau d’ensemble.
SUITE: En bon militant, je fais donc le tour des lycées des environs pour les mettre en grève et, en fin de journée, je me rends dans les locaux de SOS Racisme. Il y a là un certain nombre de militants de SOS comme Malek Boutih et Harlem Désir, quelques anciens du mouvement de décembre 86 contre la loi Devaquet, et Julien, que je connais à peine. Il décide pourtant : “Nasser sera le porte-parole de ce mouvement.”Au soir de la première manif parisienne, mon boulot consiste donc à me glisser dans la délégation qui doit être reçue par Jospin, alors ministre de l’Education nationale. Aidé par les militants de SOS, j’y parviens. Là, surprise, à peine ai-je pris la parole que Jospin me coupe : « Vous, je sais que vous êtes là pour une raison particulière ». Il n’en dit pas plus mais le message est clair : il n’est pas dupe et me voit avant tout comme l’homme de Julien, ce qui, d’ailleurs, me vexe un peu ! A la sortie du ministère je vais au devant des micros et j’appelle tous les lycéens à se mettre en mouvement. Et c’est ce qui se passe. On monte une première coordination, puis une seconde quand les Jeunesses communistes prennent le pouvoir dans la première. Avant chaque réunion, avant chaque manifestations, Julien me briefe, m’indique quel doit être le rythme des manifs, quels slogans mettre en avant… Il m’apprend tout : que c’est celui qui donne les dates des manifs qui est le patron du mouvement, qu’on ne peut pas contenir un mouvement lycéen mais seulement l’accompagner et l’amplifier… Pendant les réunions des coordinations, Malek Boutih est dans un café et rend compte quasiment en temps réel à Julien à partir d’une cabine téléphonique – il n’y avait pas de portables à l’époque ! Tout cela a donné lieu à des scènes cocasses, notamment où Malek a cherché à me joindre en pleine négociation au ministère en montant un bateau. On glisse un papier à Jospin qui me dit, narquois : « Monsieur Ramdane, il y a quelqu’un de votre famille qui cherche à vous joindre à propos d’un souci de santé ; je pense que c’est Malek Boutih ».
SUITE: Evidemment, tout du long, Julien et moi faisons semblant de ne pas nous connaître. Nous nous saluons à peine sur les plateaux de télé. Et quand les médias m’interrogent je soutiens que je ne l’ai croisé qu’une ou deux fois lors des concerts de SOS Racisme., Julien est en relation permanente avec l’Elysée, via Jean-Louis Bianco et Isabelle Thomas mais aussi directement avec François Mitterrand. C’est Julien qui m’annonce que la coordination va être reçue par le Président, c’est lui aussi qui me fait apprendre par cœur la phrase que je dois répéter à la sortie : « Le président de la République a entendu nos revendications ; c’est maintenant au gouvernement Rocard de prendre ses responsabilités ». Je l’ai fait, et cette phrase a marqué la défaite de Jospin, la victoire du mouvement, et celle de Julien - même si Jospin a aussitôt publié un communiqué disant “Nasser Ramdane n’est pas le porte-parole de l’Elysée” Je pense que Julien a tenu les mouvements lycéens et étudiants jusqu’à la fin des années 1990, jusqu’à l’éclatement de son courant au PS. » Rien de nouveau en novembre 2010.
Merci à tippel pour ces informations.
Je remercie Tippel pour sa volonté de transmettre ces informations exactes.
Pour ma part, je me suis toujours demandée - pour avoir vécu mai 68 à l’Université de Strasbourg - et pour avoir vu, entre autres « parleurs » Dany le rouge ( dont j’ai eu l’occasion de dire quelques mots une fois) d’où était venu le début de ce mouvement .
J’ai toujours eu le sentiment qu’il m’était tombé dessus un beau jour de l’extérieur – sans percevoir précisément quelle en était l’origine première ou l’auteur ou les ’expéditeurs’. Un parachute qui a atterri et a enveloppé en un quart de tour une masse.
J’ai toujours gardé la conviction que j’avais été emportée dans ce que je n’avais ni choisi et ni décidé.
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