Comment ne pas voir le coeur serré devant ces images ? Des corps calcinés gisent à côté de chars éventrés, tandis que des combattants en guenilles font le V de la victoire. Certes, ces cadavres sont ceux de mercenaires, ou d'hommes loyaux à leur chef tribal, mais ce sont d'abord des hommes. Et l'on demeure saisi de compassion devant le sort qui leur a été fait.
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Je ne puis passer sous silence ce que mon cher, mon prophétique BERNANOS disait dans son ouvrage majeur La France contre les robots.
"Le premier venu, aujourd'hui, du haut des airs, peut liquider en vingt minutes des milliers de petits enfants avec le maximum de confort, et il n'éprouve de nausées qu'en cas de mauvais temps, s'il est, par malheur, sujet au mal d'avion... Oh ! chère lectrice, inutile de vous agiter ! sans doute votre mari ou votre amant - l'homme de votre vie - appartient-il à ce corps de bombardiers, en porte le martial uniforme. Je devine qu'il a toujours pour vous, même dans les moments de plus grande intimité, les égards et les délicatesses d'un être d'élite, et vous n'admettez pas que je le compare à un lansquenet allemand du XVIe siècle, à quelque égorgeur qui vous aurait certainement, le cas échéant, violée au premier coin d'une rue en flammes, sur le trottoir, sans même prendre le temps de s'essuyer les mains. Mais voulez-vous que je vous dise ? Ce qui me fait précisément désespérer de l'avenir, c'est que l'écartèlement, l'écorchement, la dilacération de plusieurs milliers d'innocents soit une besogne dont un gentleman peut venir à bout sans salir ses manchettes, ni même son imagination. [...] Comprenez-vous maintenant, imbéciles ? Comprenez-vous que ce n'est pas le massacre de millier d'innocents qui nous invite à désespérer de l'avenir, mais c'est que de telles horreurs invitent à désespérer de vous, mais c'est que de telles abominations ne posent déjà même plus de cas de conscience individuel."
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Certes, les mercenaires du colonel KADHAFI et ses troupes loyalistes ont très exactement illustré ce que dénonce BERNANOS. Mais il faut prendre garde, dans notre intervention en Libye, à ne pas franchir les frontières qui donnent sur le pays de l'horreur. Benoît XVI, fort justement, demande avec insistance que les armes se taisent là-bas, des deux côtés. Il ne faudrait pas transformer en vengeance aveugle contre un fou sanguinaire ce qui n'était au départ qu'une opération de protection de civils sans défense.
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Oui, j'ai le coeur serré quand je vois ces cadavres gésir sur le bord des pistes libyennes. Des hommes en fuite et en déroute, ou au comble de l'excitation ont été massacrés du haut des airs. Ce n'était pas des saints, sans doute ; mais ils étaient des hommes. Et s'il fallait intervenir, il faut aussi exiger de la retenue et le respect de ceux qui défendent passionnellement et aveuglément un tyran de la pire espèce, en essayant de leur ouvrir les yeux.
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Bien entendu, tout cela est effroyablement compliqué ; de multiples intérêts économiques, géostratégiques, politiques, s'intriquent qui expliquent, ergotent, justifient. Concentrons-nous sur l'essentiel : tout faire pour que les Libyens puissent déterminer leur avenir, quel qu'il soit, et sans que nous nous mêlions de ces choix-là.
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1 commentaire:
Et oui!
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