mardi 7 juin 2011

Morale, réponse à un ami

-
"Je ne sais pas ce que c'est que d'avoir la vie bonne" me disait hier cet ami qui se sent et se dit citoyen du monde. J'ai bredouillé une réponse parfaitement insatisfaisante, et j'ai pris conscience que j'utilisais l'expression sans m'être enquis plus avant de son sens réel, comme s'il allait de soi. (Je rappellerai ici que j'ai utilisé à plusieurs reprises, avec Henri HUDE, cette expression comme répondant à la définition de la morale comme "art de vivre pour avoir la vie bonne".) En somme je manipulais en voulant persuader, alors qu'il s'agissait de convaincre en argumentant.
-
Un acte moral, disais-je, laisse l'acteur serein, et dans la paix intérieure. C'est un critère, sans aucun doute. Mais il est insuffisant. Il y a des criminels qui ont la conscience parfaitement tranquille, et des pervers avérés qui dorment du sommeil du juste. Il faut aller plus loin. On peut conjecturer cependant qu'une action qui laisse l'agent malheureux, plein de remords, de culpabilité, amer, n'est probablement pas moral.
-
Un acte moral est accompli par un être humain qui a pleine conscience de soi, délibère avant d'agir, et comprend ce qu'il fait. Ce sont là les définitions d'un acte libre. Simone WEIL a admirablement défini la chose. J'en ai déjà parlé ici. Mais le critère est insuffisant. Car les auteurs d'actes gratuits criminels  - il y a eu des philosophes de la liberté qui les ont sinon exaltés, du moins analysés - veulent poser des actes libres, et qui, d'après eux, le sont en raison même de leur gratuité. Posons cependant qu'un acte moral est un acte libre. Et c'est pourquoi les hommes dépendants de la drogue, du tabac, du sexe, de l'alcool n'étant pas entièrement libres, ne peuvent être moralement jugés, quand bien même une part de leur liberté est, ou a été, engagée dans leur acte. Mais Simone WEIL ajoute un autre critère. C'est qu'un acte libre ne se soucie pas de réussir. Il peut échouer mais n'en reste pas moins libre, et donc moral.
-
Un acte moral tient compte d'autrui, et du principe de réciprocité qui consiste à ne pas lui infliger ce que nous ne voudrions pas qu'il nous inflige. Cette règle d'or se retrouve dans le bouddhisme, le confucianisme, sans parler des Grecs. Voilà un point de convergence qui nous conduit à la morale naturelle.
-
J'ai promis d'être sobre. J'en reste là avec cette citation d'Hannah ARENDT :
«La passion «to make the world a better place to live in» a modifié le monde, mais a également eu pour conséquence qu'au cours de ce processus d'amélioration tout le monde a oublié ce que «to live» veut dire. Ainsi les Américains vivent-ils effectivement dans «le meilleur des mondes possibles» tout en ayant perdu la vie elle-même. C'est un enfer.»
-
Eh puis non, j'en rajoute une autre de Bertrand RUSSELL :
La vie bonne est celle qui est inspirée par l'amour et guidée par la connaissance.
-
PS : il est intéressant de noter que Luc FERRY a beaucoup écrit sur la Vie bonne, comme j'ai pu l'apprendre en consultant Internet.
-

4 commentaires:

Essayprovider a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Essayprovider a dit…

Your post really helped me to understand the "Morale, réponse à un ami". It has great details and yet it is easy to understand. That's what i was looking for. I will definately share it with others. Thanks for sharing.
Thesis Writing

CORATINE a dit…

Reply to Easyprovider:

It would be better to improve your english before making advertising for you website!!!!

Because it's not easy to understand you!!!

I don't see the link with the Philippe Poindron's blog!!!

Philippe POINDRON a dit…

Dear reader,

I apologize to you for my bad english. I am very happy to hear that this short note has been useful for you.
I think that our world definitely needs to differently act in order not to destroy itself, and this way clearly includes what in french is called "agir moral".
Thant you for your remarks.
Yours sincerely.