dimanche 19 juin 2011

Ni névrose, ni perversité, mais la liberté intérieure

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Comme je l'avais dit hier, et pour répondre à l'un de mes lecteurs, voici un petit mot sur la liberté et les libertaires.
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Est totalement libre un être qui échappe à toute autre détermination que lui-même, et qui, par conséquent est à lui-même sa propre cause. Un tel être est nécessaire. Ce ne peut être que Dieu. La question n'est pas ici de savoir si Dieu existe ou non, mais de donner - à supposer que cela soit possible - une sorte de définition de la liberté ontologique qui est celle de l'être appelé Dieu.
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L'homme n'a pas cette liberté ontologique. Il est à l'évidence "causé" puisqu'il a été engendré et mis au monde par des parents. Il naît dans un certain milieu, une certaine culture ; il pratique une certaine langue. Tous ces éléments et bien d'autres encore vont orienter sa vie et son devenir.  Il est donc déterminé. Et c'est parce qu'il l'est, qu'il cherche (ou que l'on cherche pour lui) les moyens d'échapper à cette condition susceptible d'entraver son développement personnel. Comme l'homme est un sujet social, il se pose la question du "Que dois-je faire pour avoir la vie bonne ?" (voir le billet "Réponse à un ami"), c'est-à-dire la question de la morale et de l'autre. L'histoire de l'humanité nous indique que les peuples reconnaissent tous, à de menus détails près, un ensemble de devoirs que les philosophes appellent la "morale naturelle". L'homme est aussi un animal politique et à ce titre il est soumis à un ensemble de lois, écrites ou non, qui viennent limiter les possibles excès de ses comportements sociaux. Dans cette situation, la liberté de l'homme est une liberté de choix. C'est la liberté morale.
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Résumons : Il y a  au moins quatre catégories de déterminations : la détermination biologique, la détermination culturelle, la détermination anthropologique et la détermination politique. Le libertaire nie l'existence des déterminations anthropologiques, puisque pour lui le concept de nature est un faux concept, un produit de la culture, et plus précisément de la culture occidentale judéo-chrétienne (ce qui est intellectuellement faux, car l'idée de nature est une idée quasi universelle). Il en résulte qu'il ne met pas d'autres bornes à ses comportements que celles de son propres désirs, et s'il admet les déterminations politiques, il a l'idée farouchement enracinée dans son système de valeurs de les faire évoluer au gré de ce qu'il appelle le progrès. Il observe, avec FREUD, que le refoulement des désirs, notamment sexuels, conduit à la névrose. Mais ce qu'il ne voit pas, ou pas encore, c'est que l'absence de lois, notamment en matière de comportement sexuel, fait le lit de la perversité. Un pervers ne connaît aucune borne à ses désirs. Il méprise l'autre, en fait un objet, n'a intériorisé aucune loi morale.
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On voit bien que l'évolution actuelle de la société est propice au développement de la perversité. On le voit dans la multiplication des crimes sexuels. (Ils ont toujours existé, certes, mais avec cette fréquence et cet excès dans l'horreur, ça je ne crois pas que ça se soit vu depuis longtemps. Il faut remonter à TIBÈRE ou à CALIGULA ou à NÉRON ou à d'autres tyrans antiques pour voir la perversité installée au coeur de la culture, de la vie politique, de la vie sociale. On peut du reste inférer que cette perversité antique a été odieuse à nombre de coeurs droits et qu'ils ont, pour cette raison, embrassé le christianisme.) On le voit dans l'explosion de la violence comme moyen de régler les conflits individuels ou sociaux. (Règlements de compte entre trafiquants de drogue, bagarres de bandes, dégradations de biens publics en cas de débordements des manifestations, etc.)
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Avons-nous d'autres choix que la névrose ou la perversité ? Oui. Mille fois oui. Et ce choix, c'est la liberté intérieure sur laquelle je reviendrai. J'ai été trop long !
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Bonne journée. 

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Cher Professeur,

Quelle Position adoptée devant l'horreur, ou comme vous le dîtes la perversité ?

Doit-on au nom de la liberté libérer ses pulsions, et d'ailleurs devient-on vraiment libre en libérant ses pulsions quelles soient sexuelles ou autres ?

L'homme est un sujet social, et sexué. La sexualité est un moyen de nous reproduire, et aussi un moyen de nous rapprocher de l'autre.

D'ailleurs tous les dictateurs, tyrans, régimes despotiques etc ont toujours contrôlé la sexualité, c'est à dire cette énergie qui nous permet de nous mettre en contact avec une autre personne qui nous est étrangère sans le contrôle et à l'insu du contrôle du dictateur. Et ce dernier est souvent un pervers, un qui s'adonne au mépris de l'autre comme vous le dîtes aussi, qui le transforme en victime.

Libérer ses pulsion sexuelles comme les refouler ne mènent pas à la liberté intérieure. La sexualité est un moyen d'aller vers l'autre, de l'aimer, et c'est son excès dans un sens comme dans un autre qui est dangereux. Et comme vous le dîtes, toutes les cultures depuis la nuit des temps ont mis en garde les hommes sur ce danger.

La nature est par essence équilibrée, même s'il apparaît des excès d'un élément sur un autre élément, à un moment donné les éléments s'équilibrent, car l'excès d'une partie peut entrainer la destruction du tout. C'est en suivant le modèle de la nature, en l'observant sans jugement, que l'on peut trouver la liberté intérieur, l'amour libérateur, la conscience éveillée, le pardon salutaire.

Je vous souhaite un bon dimanche

Avec mes respects, cher Professeur

Philippe POINDRON a dit…

Merci, mille fois merci pour ce beau commentaire ! Bon dimanche à vous aussi, cher Rougemer.