jeudi 3 janvier 2019

Jeudi 03 janvier 2019. Nouvelles du pari bénédictin : pour un nouveau lien social.


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Au lieu d’un château fort dressé au milieu des 

terres, pensons plutôt à l’armée des étoiles jetée à 

travers le ciel

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BERNANOS ET LE COMBAT PERDU DES 

IMBÉCILES.
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"Oui, si paradoxal que paraisse aujourd’hui mon propos, l’avenir prouvera, j’en suis sûr, qu’une fois de plus j’ai raison contre les politiques, que je me trouve d’accord avec l’instinct de mon peuple. Ces idées ne doivent absolument rien, je l’avoue, à la logique des imbéciles dont je ne méconnais d’ailleurs nullement le pouvoir, car chaque imbécile pris à part n’est qu’un imbécile, mais l’expérience accumulée des imbéciles pèse d’un poids immense sur le monde. La prudence des imbéciles est de tout ménager parce qu’ils ne peuvent subsister, à l’exemple de certains organismes marins élémentaires, que dans les eaux calmes, le moindre remous les détruirait. C’est que la société moderne, par un extraordinaire abus de mots qui eût frappé de stupeur les anciens Grecs, nomme aujourd’hui l’esprit de mesure, comme s’il était d’autre mesure pour l’homme que de se donner sans mesure à des valeurs qui dépassent infiniment le champ de sa propre vie. Nous ne devons d’ailleurs pas perdre de temps à maudire les imbéciles : les imbéciles sont des parasites, et si la nature a voulu des parasites, c’est qu’ils ne sont pas inutiles. Mais l’observation du règne animal nous apporte la preuve que les parasites trop longtemps tolérés finissent par imposer leur loi à l’espèce supérieure aux dépens de laquelle ils vivent. Nous n’entretenons pas seulement les imbéciles, nous nous conformons peu à peu au rythme ralenti de leur vie, nous sacrifierons peut-être demain le génie créateur de l’homme à un conservatisme que les doctrinaires peuvent bien essayer de justifier par des formules pompeuses, mais qui n’est précisément chez les imbéciles qu’un simple réflexe de l’instinct de conservation."
Georges BERNANOS.
La révolte de l’esprit. Écrits de combats (1938-1945). ("Le goût des idées". Collection dirigée par Jean-Claude ZYLBERSTEIN.) Présentation de Gilles BERNANOS.
Les Belles Lettres, Paris, 2017.(Page 103)

C’est ce que le Président MACRON appelle l’ordre républicain, mais en dépit de ses réels désirs de réformes, il ne fait que mettre des emplâtres inefficaces sur des fractures sociales ouvertes et dont les causes sont bien connues : cupidité, finance, lutte de tous contre tous (ah ! la fameuse compétitivité), impériosité du désir et du plaisir, pour ne citer que ces quelques tares.
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ET CONTREPOINT DE NOTRE CHER 

PHILIPPE MURAY.
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"Mais surtout, il [MURAY parle de Marcel AYMÉ] ne pouvait pas inventer que se développerait en même temps que ces immenses ravages, une rhétorique et des lois qui les protégeraient de toute attaque et transformeraient les plus modestes adversaires de cet état des choses en véritable classe dangereuse. La modernité produit des victimes, des touristes, des jeunes, des minorités, des valeurs universelles, des psys de catastrophe, des artistes antiracistes, des lycéens citoyens et de nouveaux droits particuliers chaque jour ; mais elle produit aussi et d’abord les flics culturels chargés d’empêcher l’évaluation de tout ce fatras. Ce sont les nourrices sourcilleuses du nouvel univers. Tandis que celui-ci se transforme en nursery délirante, ces flics veillent à ce qu’aucun regard ne soit porté sur cette transformation ; et s’il s’en produit un par malheur, à ce que celui-ci soit instantanément et lourdement pénalisé. S’efforçant de faire taire, avec des intimidations et des arguments d’avant-hier, les rares individus encore capables de voir le monde présent, c’est-à-dire en somme les ultimes vivants, ils patrouillent sans relâche autour de la nouvelle planète ridicule et puérile d’où montent beaucoup de cris et beaucoup de vacarme, mais aucun rire. Carles enfants ne rient pas (sinon d’un rire saccadé et halluciné) pour la raison que ces petits angoissés ont toujours besoin de savoir où est le vrai et où est le faux et que le rire suppose, au moins, un fond d’incertitude, de flou, d’irrésolu qui leur sont insupportables. De sorte que la civilisation accomplit sa métamorphose anthropologique, sans doute la plus considérable depuis la sortie des cavernes, sans être pensée, c’est-à-dire transformée en objet de risée. Et il est vain d’attendre la moindre pensée de quelqu’un qui, devant l’horreur présente, ne rit pas et ne fait pas rire. Tout le reste est approbation et poursuite du vent."
In
Philippe MURAY.
Moderne contre moderne. Exorcismes spirituels IV. Essais. Quatrième tirage..
Les Belles Lettres, Paris, 2010 (pour la présente édition). (Page 33.)
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COMMENTAIRES.
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Il n’est que trop clair que l’on essaye de disqualifier le mouvement de révolte populaire qu’expriment les Gilets jaunes. Monsieur MÉLECHON encense l’un d’eux, monsieur DROUET, dont la modération est assez problématique, mais il ignore les dizaines de milliers d’autres qui essayent de vivre dignement. Je dirais ici, pour répondre à Ernst KUNST et en reprenant la distinction de Gustave THIBON, que les Gilets jaunes semblent dépourvus de références morales (l’éducation nationale les y a bien aidé), mais ils ne sont pas dépourvus de mœurs, comme le montrent la fraternité et la joie qui règnent sur ces fameux-ronds-points dont la justice va les chasser à coup d’amendes, de gardes à vue, voire de prison. Pendant ce temps, on continue de dealer tranquillement ici et là et partout, on laisse de nombreux et authentiques voyous dans la nature, et monsieur BENALLA a toujours ses deux passeports diplomatiques (à moins qu’il ne les ai rendus ce matin !).
Chers amis, il est temps de retisser ou de tisser ce lien social, qui paraissait aux affamés des Lumières comme autant de contraintes étouffantes et qui n’était que l’armature heureuse d’une vie sociale convenue peut-être, mai bien paisible à vivre. En somme il est temps de vivre le pari bénédictin des petites cellules sociales, non point dressées au milieu des terres, en effet, mais jetées comme l'armée des étoiles à travers le ciel.

Demain, je ferai une chronique et je vous donnerai les liens de très belle analyses d’Elvire DEBORD.

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