mercredi 10 septembre 2008

Ils ont eu tort de le descendre en plein vol

On se souvient sans doute des coups tordus que le Président MITTERRAND conçut contre Michel ROCARD. Il le détestait. Et il n'avait pas admis que cet honnête homme puisse vouloir se présenter aux élections présidentielles, dont son ego pensait que lui seul, François, pouvait y prétendre. Et pourtant... Michel ROCARD est sans doute l'un des rares socialistes à avoir aujourd'hui une pensée, à regarder en face le réel et à respecter ses adversaires politiques. Il vient de publier dans Le Monde d'hier un article dans lequel il apporte son soutien à Bertrand DELANOE. Bien que je ne partage pas, pour des raisons philosophiques, les options de monsieur ROCARD, j'ai pour lui du respect, et une certaine admiration. Voici un extrait de la déclaration qu'il a faite en compagnie de quelques amis. J'en ai souligné les aspects les plus importants à mes yeux, par des lettres en gras et italiques.
"En 2012, les Français ne choisiront pas le plus habile manœuvrier d'entre nous, mais se détermineront sur le contrat économique et social que nous leur proposerons, et sur l'authenticité de notre comportement.

Il faut, pour cela, qu'un certain nombre de conditions soient réunies, et vite. D'abord, parler vrai. Ne pas cacher la gravité de notre situation économique et sociale, regarder le monde tel qu'il est, de plus en plus dangereux et instable, y compris à nos portes. Prendre conscience de l'immense fracture qui continue d'exister entre ceux qui s'appauvrissent et ceux qui s'enrichissent au sein de chaque nation et entre les nations.

Ne pas, pour des hommes et des femmes de gauche, se voiler la face devant un capitalisme en mutation, en permanente dilatation, de moins en moins industriel, de plus en plus financier. Bref, un capitalisme qui crée les conditions d'une très grave crise économique, écologique et humaine.

Ne pas, non plus, se payer de mots et ignorer l'état dans lequel l'Europe est plongée à la suite des non français et néerlandais puis irlandais. Bref, dire aux Français que ces réalités demandent autre chose que la répétition des recettes d'hier.

Il faut ensuite être cohérents. Si nous croyons que pour peser dans la mondialisation, pour assurer une régulation mondiale, il faut s'arc-bouter sur l'Union européenne, alors, malgré les difficultés, nous devons réaffirmer clairement que l'avenir de la France est indissolublement lié à l'avenir de l'Europe.

Il nous faudra inlassablement et modestement reprendre contact avec tous nos partenaires pour relancer une dynamique européenne, plus proche des réalités des citoyens mais aussi plus ambitieuse en terme de justice, de démocratie et de politiques communes d'avenir.

Si nous souhaitons rappeler notre attachement à un modèle de développement qui assure une croissance régulière, durable, fondée sur l'économie de la connaissance et respectueuse de notre environnement, alors, il nous faudra présenter des options qui ne reculent pas devant les réformes structurelles. Ne pas semer l'illusion qu'on peut distribuer ce qu'on n' a pas produit.

Ne pas cacher que nous devons prendre à bras-le-corps les problèmes de la désindustrialisation, de la maîtrise de nos déficits et proposer les indispensables investissements pour la petite enfance, pour les familles pauvres, pour les étudiants, les chercheurs, les milliers de jeunes oubliés sur la route et nos territoires urbains ou ruraux marginalisés.

C'est donc avec courage qu'il faut prendre parti sur des sujets difficiles, s'engager, notamment, sur la maîtrise de toutes les formes d'énergie non liées aux hydrocarbures y compris le nucléaire, et sur la réforme de l'Etat et des services publics.

Enfin, être fidèle à soi-même. Sur tous ces points, nous avons travaillé au sein du courant Socialisme et démocratie que nous avons cofondé; nous avons régulièrement avancé des propositions, notamment au moment de la candidature de Dominique Strauss-Kahn, dont les grandes orientations intellectuelles sont toujours les nôtres. Nous pensons toujours qu'il est impossible de séparer les propositions et les idées de la démarche à suivre.

C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas accepté de nous diluer dans des ensembles indistincts où se gommeraient, comme par miracle, les vrais clivages de fond et de pratique politique. Comment être compris des militants et des Français quand on varie au gré de ses seuls intérêts tactiques ?
Pour reconstruire le PS, nous avons besoin de la présence à sa tête d'une autorité incontestable, qui certes, écoute et débat, mais aussi tranche.
Nous avons besoin d'une seule voix qui porte nos convictions, pas de dix porte-parole qui organisent la cacophonie. Nous avons besoin que se dégage, dès le 23 septembre, lors du conseil national une motion claire et homogène ayant vocation à arriver en tête du vote militant et à constituer le pôle majoritaire. Besoin, simplement, d'une partition et d'un chef d'orchestre.
Pour cela, nous appelons tous ceux qui se sont reconnus dans les idées de Socialisme et démocratie, à apporter, dès maintenant, sans se disperser dans une solution de transition, leur soutien à la démarche entreprise par Bertrand DELANOË."
C'est là le discours d'un homme d'Etat qui allie le souci de prendre en compte le réel à celui de la justice, qui ne plaide pas pour un égalitarisme gros de violence et de rancoeurs, mais se bat simplement pour que les pauvres, les vrais, puissent manger et ne point survivre comme des animaux traqués (et je suis d'accord avec lui sur cet objectif). Les socialistes mitterrandiens ont eu tort de flinguer en plein vol Michel ROCARD. Ils seraient encore au pouvoir, s'il lui avait reconnu ces qualités. Mais monsieur ROCARD était honnête, naïf dans le bon sens du terme ; il ne clapotait pas dans les marigots des motions, courants, conciliabules et autres luttes éléphantesques. Il avait dit la vérité. Ils l'ont exécuté.

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