lundi 15 septembre 2008

La vraie laïcité

Le politique et le religieux relèvent de deux ordres différents, pour un chrétien en tout cas. Tout le monde connaît le fameux épisode du denier de César où Jésus dit à des hypocrites qui tentaient de le prendre au piège : Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Et Jésus dira devant Pilate : Mon Royaume n'est pas de ce monde. (Il lui dira aussi : Tu n'aurais sur moi AUCUN pouvoir s'il ne t'avait été donné d'en haut).
Il faut donc affirmer avec force (a) que les chrétiens n'ont pas à vouloir instaurer le règne de Dieu sur la terre et (b) que les autorités politiques ont reçu pouvoir de diriger les nations et les peuples et qu'un chrétien est tenu EN CONSCIENCE de leur obéir, tant qu'elle n'offensent pas les droits de Dieu et ne font pas violence à leurs convictions.
Là est tout le problème. Les grecs nous ont appris à mettre la conscience au-dessus de la tyrannie. ANTIGONE a préféré obéir aux dieux en ensevelissant son frère que d'obéir à CREON, ce tyran, qui prétendait l'en empêcher. Pour un chrétien, il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes quand se pose le problème du choix. Ce sont là droits élémentaires, non pas ceux de l'individu, mais ceux de la personne.
Selon moi, la vraie laïcité consiste (a) à ne pas prendre de décisions politiques qui s'inspireraient d'une religion ou D'UNE IDÉOLOGIE ; elles ne doivent désirer que le service du bien commun ; (b) à laisser à la conscience tous ses droits, y compris celui de s'exprimer dans l'espace public.
Voilà pourquoi nous devons admettre (a) qu'il existe des conceptions diverses du bien commun, lesquelles s'expriment (plus ou moins nettement, et d'une manière plus ou moins idéologique) au moment des élections et s'offrent au choix du citoyen ; apprendre (b) à ne pas protester quand un pape visite notre pays, mais pas davantage quand des fidèles musulmans organisent leur grand rassemblement au Bourget, ou les protestants l'assemblée du Désert, ou les fidèles juifs la commémoration des déportations et des camps de la mort ; et (c) à refuser de faire ce que notre conscience réprouve ; ce droit est donné aux journalistes sous la forme de la "clause de conscience" ou "de la protection de l'anonymat de leurs sources", il doit être donné aux médecins chrétiens qui refusent de procéder à des avortements ou à des euthanasies actives, à des militaires chrétiens qui refusent de pratiquer la torture (cf. le général de La BOLLARDIERE), à des fonctionnaires chrétiens qui ne veulent pas couvrir des pratiques de corruption, à des enseignants chrétiens qui combattent les mensonges historiques. Cela me paraît être le minimum de respect que la vraie démocratie doit aux citoyens. La chose est admise en théorie. En pratique, c'est un peu différent... En revanche, et au nom même de la conscience, se soustraire à l'impôt, frauder le fisc, transgresser les lois par tous les moyens, cela un chrétien ne peut pas le faire. (Et c'est pourquoi je ne trouve pas honteux de payer 1,1 % d'impôts sur les revenus du patrimoine pour permettre à des chômeurs de réintégrer une vie sociale normale en travaillant. Ce n'est pas là une mesure injuste.) Voilà, selon moi, ce qu'est la vraie laïcité : non pas un combat permanent entre la calotte et les hussards noirs de la République, mais un respect des lois, et la possibilité d'exprimer - de manière argumentée - dans l'espace public, qui est l'espace politique par excellence, des choix de conscience. Et par espace public, je n'entends pas parler des médias, mais des lieux où s'élaborent et se décident les lois.

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