mardi 23 septembre 2008

Le pape, la science et Yvon Quiniou

Monsieur Yvon QUINIOU a fait paraître dans le Monde un article qui mérite qu'on s'y attarde. Il s'agit d'un article de fond qui critique assez sévèrement la position de Benoît XVI telle qu'il l'a présentée dans sa Conférence aux Bernardins.

Monsieur QUINIOU a l'honnêteté de reconnaître que s'il est philosophe, il est aussi incroyant. Il présente donc le point de vue d'un incroyant opposé à celui d'un croyant. D'un strict point de vue intellectuel cela revient à admettre la relativité des deux positions.

Je vais essayer, en tant que scientifique et croyant, de reprendre point par point les critiques de monsieur QUINIOU. Je note tout d'abord que les trois premières phrases de cet essai sont des phrases de jugement, et de jugement négatif, avec en outre, une utilisation du sens du mot "positiviste" par l'essayiste, qui est tout à fait inappropriée. Le positivisme, tel que je l'ai appris, est le mode de pensée qui consiste à ne prendre en considération que des faits tombant sous le coup de l'expérience concrète, plus précisément de l'expérience des sens, fut-elle transmise par des appareils. Le mot "positivisme" utilisé par Benoît XVI l'est strictement dans ce sens, et il ne recouvre pas entièrement le sens du mot "rationalisme", ou plus justement de celui de "rationalité". Si la raison ne peut s'exercer que sur des faits d'observation et d'expérience, alors la philosophie n'a pas lieu d'exister. Or elle se se construit par des raisonnements spéculatifs, fondés certes sur l'expérience, une expérience non seulement objective et positive, mais aussi une expérience intérieure et c'est justement ce qui en explique l'existence.

Je suis au regret de contredire totalement monsieur QUINIOU quant au supposé rejet de la science par l'Église. J'ai à plusieurs reprises dans des anciens billets expliqué que de nombreux savants étaient des moines et des prêtres qui ont fait faire aux sciences positives des progrès considérables. Reprendre la vieille lune de GALILEE est certes efficace, mais d'une rare malhonnêteté intellectuelle. GALILEE a été condamné non pas parce qu'il disait que la terre tournait autour du soleil mais parce que, ayant prouvé qu'elle le faisait, il ne pouvait que conclure aux erreurs des écritures. On ne disposait pas à l'époque de l'outil de l'analyse littéraire et de la connaissance des genres littéraires et il a fallu plus de trois siècles pour y arriver. Monsieur QUINIOU nous donne à croire que la science a été faite par des incroyants. C'est ce que l'enseignement officiel apprend à nos enfants. Voilà une affirmation un peu courte.

Et puisque monsieur QUINIOU est philosophe, il doit savoir que ne relève du scientifique que ce qui est révocable en doute par l'expérience. L'évolutionisme de DARWIN (qui a été très remanié depuis que son auteur a exposé sa théorie) est une théorie, c'est à dire un ensemble explicatif cohérent qui rend compte de l'ensemble des faits observés, tout comme les théories sur les mouvements des astres, avant COPERNIC, expliquaient ceux-ci presque entièrement. Pour l'instant, il me paraît déraisonnable de n'y pas croire, mais c'est une croyance. En somme, le darwinisme sort de la connaissance positive telle que le conçoit monsieur QUINIOU. Ceci étant dit, je lui accorde qu'il existe un phénomène, appelé "invention génique", qui expérimentalement rend compte parfaitement de la micro-évolution. Je ferai la même remarque sur FREUD. Que ses théories soient opératoires, c'est l'évidence même. Mais elles ne sont qu'opératoires, c'est à dire susceptibles d'être utilisées avec profit dans des circonstances particulières, et ne relèvent en aucun cas de la science positive, au sens où l'entend et monsieur QUINIOU et Benoît XVI, ce qui n'est pas le moindre des paradoxes. En somme, en affirmant ce que critique monsieur QUINIOU, Benoît XVI réintègre dans le champ de la rationalité ce que monsieur QUINIOU s'obstine à mettre dans le champ des sciences positives. Connaître le monde, c'est aussi connaître ce qui relève de l'expérience intérieure, de l'expérience subjective, des faits de conscience.


L'expérience nous apprend aussi combien sont rares les moments de plénitude, et fréquents, obsédants ceux qui nos ramènent à nos limites, à notre finitude. Si nous n'aspirions à rien d'autre qu'à satisfaire des besoins terrestres, ce qui est en partie réalisé dans les pays riches pour un grand nombre de personnes, nous devrions nous contenter de cette satisfaction. Il n'en est rien. Des gens comblés se suicident, se droguent, meurent d'ennui, sont déprimés, comme s'ils étaient incapables de trouver du sens à leur vie. C'est bien là tout le problème. Sortant du point de vue scientifique pour rentrer dans celui du croyant, j'attribue au désir d'infini qui habite le coeur de l'homme, cette soif qui n'est jamais étanchée, même et surtout par les biens matériels.


Il me semble et je conclus, qu'une attitude ouverte et véritablement scientifique consisterait à accueillir sans préjugés, et comme également honorables et utiles, les deux attitudes : celle de l'incroyant, celle du croyant, laissant au libre arbitre de chacun un choix qui donne du sens à sa vie. Le totalitarisme consiste justement à affirmer qu'il n'y a qu'un voie possible, celle que l'on présente. D'accord avec monsieur QUINIOU, je trouve un peu raide l'affirmation qu'il n'y a qu'une culture véritable, celle qui est fondée sur la recherche de Dieu. Mais essayant d'en examiner le plus grand nombre, je suis arrivé à la conclusion que les cultures les plus sublimes sont celles qui se sont efforcées de le faire. Et il serait intéressant, d'un point de vue psychologique de faire des enquêtes comparatives sur le sentiment de bonheur personnel qu'éprouvent les croyants et les incroyants.





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