lundi 8 septembre 2008

Sinophilie, oui ; sinolâtrie, non !

Mes lecteurs réguliers connaissent mon admiration pour la civilisation chinoise, et mon amour pour ce grand peuple qu'est le peuple chinois. Mais je n'aurai garde de le confondre avec le régime sous le joug duquel il est contraint de ployer l'échine. Les journaux, malheureusement, sont pleins de reportages qui vantent les performances de l'Etat-Parti, au mépris de la majorité des citoyens de ce grand pays. Et les récents Jeux Olympiques ont accru l'épaisseur de l'écran de fumée qui masque aux Occidentaux la réalité. Il faut de temps en temps remettre les pendules à l'heure.


Je suis en train de résumer le livre de CAI CHONGGUO dont j'ai déjà parlé. Voici, par exemple, ce que l'on y apprend sur la manière dont la réforme fiscale et l'autonomie financière exigée de tous les établissements publics (police, enseignement, hôpitaux, etc.) ont modifié l'accès des pauvres à l'enseignement.


L'école, dit-il en substance, est devenue une lourde charge pour la plupart des familles. Le primaire absorbe le tiers des revenus annuels, et le Lycée, jusqu'à 38 % (sources : Revue financière et économique de la Chine [Caijing Zazhi], numéro de décembre 2004). Ramenés au revenu de la population, les frais d'inscription à l'Université sont trois fois plus élevés que ceux du Japon, censés être les plus chers du monde. Selon l'hebdomadaire L'observateur (Liao Wang) du 28 janvier 2005, les frais d'inscription à l'Université ont été multipliés par 25 à 50 (selon les établissements) depuis 1989
Nombre de Collèges et de Lycées ont créé un département d'éducation privée, à côté de leurs activités officielles publiques. Ils veulent ainsi pratiquer le rattrapage des clients argentés qui n'auraient pas le niveau. Un élève qui échoue de quelques points au concours d'entrée dans l'établissement sera donc accepté à titre privé, s'il a les moyens de payer. Il paiera plus cher que ses camarades admis régulièrement, et le coût sera proportionnel au nombre de points qui lui manquent. Il pourra participer aux mêmes cours, dispensés par les mêmes professeurs que les élèves régulièrement admis. Entre 1990 et 1995, les Universités qui admettaient gratuitement les étudiants dans les limites d'un quota fixé par le Ministère de l'Éducation, faisaient payer un droit d'entrée aux étudiants admis en surnombre. Mais depuis, les études sont devenues payantes pour tous. De plus, le milieu enseignant est rongé par la corruption. Nombre de professeurs exercent des pressions sur leurs élèves, y compris les plus pauvres, pour soutirer de leurs parents, en plus des frais de scolarité, des leçons particulières, voire des dons. Soucieux de l'avenir de leur enfant unique, les parents sont nombreux à consentir à ces pratiques. On a vu ainsi des professeurs se faire offrir des voitures (à PÉKIN et à SHANGHAI, notamment).

Il est bon de souligner que CAI CHONGGUO n'a utilisé que les sources officielles, notamment celles du Bureau des Statistiques de l'Etat, pour conduire ses analyses. Les admirateurs inconditionnels de ce régime feraient bien de se renseigner. Ils ne faudraient pas qu'ils imputent ces errements au virage capitaliste de la Chine communiste. Tous les dirigeants de toutes les entreprises et de tous les établissements sont nommés par le Gouvernement. En général, ce sont des membres du Parti. C'est le système le plus cynique, le plus inhumain, le plus inégalitaire qui soit. Et nous participons, par nos investissements et nos achats, à la paupérisation de dizaines et de centaines de millions de Chinois qui, les temps venus, pourront nous reprocher de ne les avoir pas libérés de cet esclavage. Sinophilie, oui, ô combien ! sinolâtrie, non, non et non !
CAI CHONGGUO.
Chine : l'envers de la puissance. (Collection "En clair".)
Mango, Paris, 2005.

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