Ce n’est pas l’ignorance qui nous
empêche de devenir vrai, c’est la lâcheté !
-
1. LES CITATIONS DU JOUR.
-
(a) "Il convient d’abord
de rappeler que ce que vous appelez la « société de consommation »
(telle qu’elle se met en place aux États-Unis au début des années 1920) trouve
elle-même sa condition préalable dans la nécessité inhérente à toute économie
libérale de poursuivre à l’infini le processus de mise en valeur du capital.
Nécessité contradictoire ― puisque nous vivons dans un monde clos ― mais qui
constitue depuis la révolution
industrielle, la clé d’intelligibilité principale
(quoique non exclusive) du mouvement des sociétés modernes. Dans un monde où
chacun doit finir, tôt ou tard, par être mis en concurrence avec tous ―
conformément au principe libéral d’extension
du domaine de la lutte ―, il est en effet vital, si l’on veut rester dans
la course, d’accroître sans cesse son potentiel de départ (toute attitude « conservatrice »
étant nécessairement suicidaire dans une économie « ouverte » et théoriquement concurrentielle.)"
In
Jean-Claude MICHÉA.
Notre ennemi, le capital. Note sur
la fin des jours tranquilles.
Climats/Flammarion, Paris, 2017,
p. 19.
(b) "Dépasser
la lutte des classes ne signifie pas que la lutte des classes soit sans
importance, ou qu’elle fut sans importance au XIXe siècle, à
l’époque ou MARX la théorisait. Cela signifie que la lutte des classes n’a
jamais été et n’est pas l’essentiel du capitalisme. Ce n’est pas par la lutte
des classes que les capitalismes révèlent leur potentiel totalitaire ;
c’est par le processus d’objectivation de la vie sociale et subjective. Il
suffit de voir l’oligarchie néolibérale (aux États-Unis ou en Chine, en Russie
ou en Europe occidentale) pour constater que les « riches » ne sont
pas moins déculturés et lobotomisés que les « pauvres » (là est la
différence entre l’oligarchie néolibérale et la bourgeoisie libérale du XIXe
siècle). L’aspiration des « pauvres » à vivre comme les
« riches » atteste non seulement de l’indivision sociale, mais
surtout de la perte de leur culture. Les populations, au sens précis du mot,
ont même perdu leurs deux cultures : leur culture-ethos, et la culture
savante obstinément créée par la modernité contre le modernisme. Car la culture
savante, cessant d’être un mode d’existence, est elle aussi frappée d’objectivation
― tendanciellement réduite à un signe extérieur de richesse. Bref,
l’anti-capitalisme ou l’anti-totalitarisme fait fausse route s’il voit la
finalité suprême de sa politique dans une meilleure répartition des richesses
capitalistes… tout en continuant à croire
que l’infini progrès de la technoscience apportera d’infinis bienfaits à
l’humanité."
In
Marc WEINSTEIN.
L’évolution totalitaire de l’Occident.
Sacralité politique I.
Hermann, Le Bel Aujourd’hui, Paris,
2015, p. 346.
(Rappel : Citation
de LÉNINE : "Le socialisme est impensable sans la technique du grand
capitalisme conçue d’après le dernier mot de la science la plus moderne, sans
une organisation d’État méthodique soumettant des dizaines de millions d’hommes
à l’observation rigoureuse d’une norme unique dans la production et la
répartition des produits. […]. Notre devoir est de nous initier au capitalisme
d’État des Allemands, de nous appliquer de toutes nos forces à l’assimiler, de
ne pas ménager les procéder dictatoriaux afin d’accélérer cette assimilation
encore davantage que ne le fit PIERRE le Grand pour l’assimilation de l’occidentalisme
par la Russie barbare, et sans craindre les moyens barbares pour combattre la
barbarie.")
Cité
par Marc WEINSTEIN, ibidem, p. 317.
(c) "Libéral,
en dépit d’élans parfois réactionnaire, CHESTERTON était partisan du
distributisme, philosophie économique dite de « troisième voie », qui
visait à appliquer au capitalisme les principes de justice sociale de l’Église
catholique romaine en répartissant la propriété des moyens de production entre
les citoyens plutôt qu’en la centralisant dans un système bureaucratique
(socialisme) ou entre les mains d’une classe de nantis (capitalisme
ploutocratique). L’idéal du distributisme, c’est une société d’artisans qui
unifierait le capital, la propriété et la production. […] En 1926, il
[CHESTERTON] présida à la naissance de la Distributist
League, mouvement politique et économique, voué à défendre l’idée d’une
distribution large et massive de la propriété privée en Angleterre, en faveur d’une
société plus lente, plus artisanale et paysanne. […]"
Note
1, page 266.
In
Gilbert
Keith CHESTERTON.
Hérétiques.
Traduction de l’anglais, notice et notes par Lucien d’AZAY.
Climats/Flammarion, Paris, 2010.
-
2. COMMENTAIRES.
-
Il
me semble que ces trois citations s’éclairent l’une l’autre et permettent de réfléchir
de manière dépassionnée sur les maux actuels de notre civilisation.
Le
capitalisme, en effet, tant décrié par les gens de gauche, mais parfaitement
compris dans son essence par LÉNINE, est l’application des progrès supposés
indéfinis de la technoscience à la production industrielle. Qui dit production
industrielle dit investissement dans la construction et le maintien d’unités de
production de plus en plus grandes (pour répondre au développement supposé
illimité des technosciences). Qui dit investissement dit argent (public ou privé)
utilisé pour créer ces grandes unités de production. Le capitalisme est né avec
la révolution industrielle. Et, n’en déplaise aux idéologues, il ne se confond
aucunement avec le néolibéralisme (c’est mon seul point de désaccord d’avec l’opinion
de MICHÉA).
Le
néolibéralisme est une doctrine économique qui s’appuie sur trois et même
quatre principes : la concurrence, la loi de l’offre et de la demande, la
financiarisation des activités de production et, de nos jours, la mondialisation.
La
concurrence est censée empêchée la création de monopoles (d’où les lois américaines
antitrust). Son contraire est le monopole d’état. La concurrence présente d’énormes
limites. En effet, ou bien l’offre excède la demande et, pour garder des parts
de marché, les producteurs de biens et services baissent leurs prix en
utilisant les salaires et les restrictions des emplois comme variables d’ajustement.
Ou bien la demande excède l’offre, et les prix s’envolent (exemple : les
produits de luxe de chez VUITTON).
La
loi de l’offre et de la demande est le cache-sexe de la prétendue liberté
économique. Il est en effet difficile de fixer une fourchette de prix ;
ceux-ci sont souvent arbitraires. On le voit dans la crise agricole ou les
grandes firmes agro-alimentaires déterminent eux-mêmes les prix d’achat du
lait, du porc, de la viande bovine ou des fruits, et ruinent les agriculteurs
(un suicide tous les deux jours voire tous les jours dans le monde paysan). Il
est clair que le juste prix de ces produits serait celui qui permet aux
producteurs de vivre décemment. Ce n’est pas l’avis de Lactel pour le lait, ou
de Sovibo pour la viande. Le contraire de cette loi de l’offre et de la
demande, c’est la fixation autoritaire des prix, et leur contrôle, par la
puissance publique. On a vu où mène cette politique dans la défunte URSS, ou le
Venezuela : pénurie, queues immenses, quand ce n’est pas la restriction
alimentaire.
La
financiarisation de l’économie trouve son sinistre reflet dans la franchisation
des marques, la ruine des petits commerces des centres villes, et la ruée
imbécile de la foule dans les centres commerciaux de la périphérie. On n’en
finirait pas de citer ces marques qui parasitent, gangrènent et tuent l’économie
telle que la concevait avec justesse CHESTERTON.
Enfin,
la mondialisation est l’extension au monde entier de la doctrine économique
néolibérale, cette course en avant vers le gigantisme, la déshumanisation, la
perte du sens de son travail. La Chine contemporaine est un exemple parfait des
méfaits de cette doctrine. Elle envahit le monde entier de ses produits, elle
construit des barrages, des usines, des équipements énormes, des bateaux, des
avions, des voies ferrées. Pour aller où ? si ce n’est pour entretenir la
compétition entre nations.
Résumons,
si nous continuons sur la lancée d’une extension illimitée des technosciences,
de leur application illimitée à l’industrie, nous allons à la catastrophe.
Et
c’est pourquoi le distributisme, si cher à mon cher CHESTERTON est la seule
voie possible : une croissance lente, une meilleure redistribution des
biens, une certaine ascèse de vie, la prise en compte des justes revendications
et idées de l’écologie humaine, voilà des pistes qui doivent et peuvent être
suivies. Ce n’est pas la métropolisation, les nouvelles et monstrueuses usines,
les folles zones commerciales, la boboïsation à outrance des grandes villes qui
feront notre salut.
J’ai
le regret de vous dire que je n’entends point les divers et nombreux candidats
à l’élection présidentielle développer ces idées de bon sens. Ou s’ils le font,
il le font mal, sans voir le côté totalitaire de l’objectivation et de la
fusion de l’économie, des technosciences et du pouvoir politique.
De
l’air ! De l’air !
Nous
avons assez réfléchi. Pas d’informations diverses.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire