Je reçois ce matin même ce texte d’un très cher ami
qui fut aussi mon collègue à STRASBOURG. Jean-Claude est moins passionné que
votre serviteur. Mais ce qu’il donne à penser en filigrane dans ce texte, je le
dis tout haut : les socialistes qui critiquent monsieur FILLON et ses
projets de réforme de la sécurité sociale sont des pompiers pyromanes. Non
contents d’allonger chaque mois la liste des médicaments déremboursés, ils
sélectionnent, sur des critères à la fois médicaux et économiques les patients
susceptibles de recevoir un traitement coûteux. La mesure envisagée par
monsieur FILLON est une mesure de bon sens, et c’est la seule qui permet de
maintenir un système de sécurité sociale solidaire. Voici le texte remarquable
de Jean-Claude STOCLET.
Jean-Claude STOCLET
Professeur honoraire de Pharmacologie
à la Faculté de Pharmacie de Strasbourg,
Membre de l’Académie Nationale de Pharmacie
A propos de la réforme de la
sécurité sociale
En tant qu’ancien professeur de Pharmacologie, je m’intéresse
naturellement au débat sur le financement de la sécurité sociale, qui est au
cœur de la campagne présidentielle. Je suis surpris que l’augmentation
prévisible du prix de nouveaux médicaments, pour l’essentiel issus des progrès
immenses des connaissances en Biologie, n’ait pas ou peu été évoquée jusqu’à
présent. Pourtant le coût de certains traitements est devenu si élevé qu’il
déséquilibre le financement solidaire, tel qu’il est organisé aujourd’hui. Le
phénomène ne peut que s’amplifier, rendant à lui seul une réforme inéluctable
et urgente.
On peut citer comme exemples le
traitement de l’hépatite C par un nouveau médicament très efficace, ou encore
de nouveaux traitements anticancéreux, dont le coût est de plusieurs dizaines
de milliers d’euros. De nombreux cancérologues se sont récemment élevés contre
cet état de fait.
Pour des raisons à la fois
scientifiques et sociales, le phénomène ne peut que s’accentuer. Les progrès de
la recherche permettent en effet de développer des médicaments de plus en plus
spécifiques, qui traitent des pathologies de mieux en mieux définies et
s’adressent donc chacun à un nombre de patients plus restreint (de ce fait à un
marché plus limité). On tend vers
l’individualisation des traitements, ce qui représente un progrès considérable
pour les patients, mais peut poser problème sur le plan financier.
Parallèlement, la prise en charge par la sécurité sociale du coût des
médicaments a évolué de critères purement économiques (prix de revient des
matières premières et de la fabrication, amortissement des frais généraux et de
la recherche…) à des critères de services rendus (économies pour la
collectivité attendues de l’amélioration de la santé imputable au traitement).
L’application de ces derniers critères au calcul du prix remboursé fait l’objet
de négociations ardues entre l’industrie pharmaceutique et les pouvoirs
publics, avec des dangers de surenchère de la part des industries (qui peuvent
aller jusqu’à priver certains pays de leurs médicaments). Si l’on ajoute à cela
l’augmentation des maladies chroniques avec le mode de vie des pays développés
(obésité, diabète) et avec l’allongement de la durée de la vie (maladies
neurodégénératives comme Alzheimer et Parkinson, en particulier) ou comme les
cancers, on réalise aisément que le coût de traitements parmi les plus actifs
devient de plus en plus difficile à supporter par les systèmes d’assurance
maladie solidaire.
Le problème est mondial, mais des
réactions différentes se dessinent d’ores et déjà d’un Etat à l’autre. Comme
l’a souligné le Pr. Laurent Degos dans un article paru dans le Figaro du 9
janvier dernier, la France a décidé de prendre en charge chez les patients les
plus gravement atteints le traitement de l’hépatite C, mentionné plus haut.
D’autres états ont adopté des politiques différentes, limitant la prise en
charge à d’autres catégories de patients ou la refusant à tous. Cet exemple
montre bien que la décision de prendre en charge ou non un traitement très
efficace mais très coûteux est éminemment politique et dépend des valeurs
auxquelles chacun donne priorité. Accessoirement il montre que le principe de
sélectionner la prise en charge de ces traitements coûteux chez une catégorie
ou une autre de patients a déjà été adopté par les gouvernements, sans que cela
ait fait l'objet de débats publics.
A l’évidence tous les candidats à
l’élection présidentielle devraient prendre position sur les règles à adopter
pour la prise en charge des traitements très coûteux. Sans doute le problème
n’a-t-il pas été débattu sérieusement en public en raison de sa complexité.
L’élection présidentielle est l’occasion de le faire. Un gros effort de
pédagogie sera nécessaire pour informer les électeurs, car les enjeux sont très
importants, sur le plan éthique comme sur le plan économique.
Jean-Claude
STOCLET
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