mardi 9 août 2022

BILLET DU 9 AOÛT 2022. OBLIGATIONS DE L'HOMME ENVERS L'HOMME.

Un grand texte de Simone WEIL, dans "L'enracinement". 

"L'objet de l'obligation, dans le domaine des choses humaines, est toujours l'être humain comme tel. Il y obligation envers tout être humain, du seul fait qu'il est un être humain, sans qu'aucune autre condition ait à intervenir, et quand même lui n'en reconnaîtrait aucune.

 

Cette obligation ne repose sur aucune situation de fait, ni sur les jurisprudences, ni sur les coutumes, ni sur la structure sociale, ni sur les rapports de force, ni sur l'héritage du passé, ni sur l'orientation supposée de l'histoire. Car aucune situation de fait ne peut susciter une obligation.

 

Cette obligation ne repose sur aucune convention. Car toutes les conventions sont modifiables selon la volonté des contractants, au lieu qu'en elles aucun changement dans la volonté des hommes ne peut modifier quoi que ce soit.

 

Cette obligation est éternelle. Elle répond à la destinée éternelle de l'être humain. Seul l'être humain a une destinée éternelle. Les collectivités humaines n'en ont pas. Aussi n'y a-t-il pas à leur égard d'obligations directes qui soient éternelles. Seul est éternel le devoir envers l'être humain comme tel.

 

Cette obligation est inconditionnée. Si elle est fondée sur quelque chose, ce quelque chose n'appartient pas à notre monde. Dans notre monde, elle n'est fondée sur rien. C'est l'unique obligation relative aux choses humaines qui ne soit soumise à aucune condition.

 

Cette obligation a non pas un fondement, mais une vérification dans l'accord de la conscience universelle. Elle est exprimée par certains des plus anciens textes écrits qui nous aient été conservés. Elle est reconnue par tous dans tous les cas particuliers où elle n'est pas combattue par les intérêts ou les passions. C'est relativement à elle qu'on mesure le progrès.

 

La reconnaissance de cette obligation est exprimée d'une manière confuse et imparfaite, mais plus ou moins imparfaite selon les cas, par ce qu'on nomme les droits positifs. Dans la mesure où les droits positifs sont en contradiction avec elle, dans cette mesure exacte ils sont frappés d'illégitimité.

 

Quoique cette obligation éternelle réponde à la destinée éternelle de l'être humain, elle n'a pas cette destinée pour objet direct. La destinée éternelle d'un être humain ne peut être l'objet d'aucune obligation, parce qu'elle n'est pas subordonnée à des actions extérieures.

 

Le fait qu'un être humain possède une destinée éternelle n'impose qu'une seule obligation ; c'est le respect. L'obligation n'est accomplie que si le respect est effectivement exprimé, d'une manière réelle et non fictive ; il ne peut l'être que par l'intermédiaire des besoins terrestres de l'homme."

C'est un texte magistral. Notez bien le paragraphe où il est dit que le droit positif est frappé d'illégitimité quand il viole les obligations de la conscience universelle. C'est la raison qui me fait dire que l'arrêt des soins au petit Archie est un crime abominable. 

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