Les communes, disent les médias, attendent dans l'anxiété la publication de la carte militaire. Elles craignent le départ des régiments, et la fermeture des casernes qui les hébergent, le départ corrélatif des familles de militaires, et le dépérissement économique. Bien évidemment, on peut comprendre l'anxiété des maires de ces villes et bourgs, souvent mal pourvus en emplois industriels, commerciaux ou de services, et qui vivent de la manne militaire depuis des décennies.
Il est donc nécessaire, sans aucun doute, d'associer à des décisions de fermeture, des mesures d'accompagnement et de reconversion. Mais il nous faut aussi nous poser les bonnes questions : le rôle de l'armée est-il d'abord économique ? Est-il normal que l'activité d'une région soit subordonnée à la présence, financièrement rassurante, de structures qui assurent bon an mal an, au pire, la reconduction des crédits à elles alloués par la puissance publique, au mieux leur augmentation ? Il y avait là, il y a là une incitation à se laisser aller, à ne pas libérer les forces vives des citoyens, la créativité, et la production de nouveaux biens et services.
Je serais maire de l'une de ces villes "sinistrées" par la fermeture des casernes, j'organiserais des réunions par quartier pour recueillir les suggestions de mes concitoyens, et non point leurs plaintes et leurs pleurs, j'organiserais des concours de créativité, je promettrais de substantiels avantages fiscaux à des entreprises fabricant des biens à haute valeur ajoutée et qui voudraient s'implanter dans la commune, (en m'assurant de pouvoir leur fournir des personnels bien formés), je regarderais dans le patrimoine traditionnel de ma ville ou de ma région s'il est possible de faire revivre des productions artisanales de qualité dont on aurait abandonné la fabrication pour des raisons de modernité ; je mobiliserais les énergies, au lieu de gémir sur les malheurs du temps. Bref, je me battrais ; j'essaierais d'obtenir de justes compensations. Et je mettrais en exergue, sur des panneaux ad hoc, écrite en grosses lettres, la fable du Charetier embourbé dont nous connaissons tous la morale : Aide-toi, le ciel t'aidera.
Il n'est simplement plus possible de tout demander à l'Etat. Son rôle n'est pas de tout soutenir, mais d'inspirer, de faciliter, d'orienter et de réguler. Et il nous faut reconnaître que continuer à engloutir des sommes considérables dans des institutions qui n'ont plus leur raison d'être est une folie en ces temps difficiles.
Le rôle de l'Etat est de lutter contre les féodalités. L'armée n'est pas un corps intermédiaire. C'est une structure étatique qui remplit une fonction régalienne. On ne peut pas admettre que par son intermédiaire se créent des Etats dans l'Etat, définition même d'une féodalité. En ce sens, la décision des maires de Moselle de démissionner en bloc au cas où un Régiment, prestigieux il est vrai, serait déplacé, est une décision féodale, bien compréhensible pour l'affectivité, mais qui ne résiste pas à une analyse rationnelle. Qu'ils se concertent, élaborent des projets d'envergure, et demande à la nation des subsides pour les réaliser : voilà la seule et vraie voie digne et efficace de faire face à une situation douloureuse.
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