jeudi 10 juillet 2008

La victimisation des bourreaux, un mal bien français

Il se trouve en ce moment toute une brassée de belles figures de la presse, du monde judiciaire, du show-bizz, des cercles culturels pour attaquer la décision que vient de prendre monsieur FILLON d'extrader Marina PETRELLA, 54 ans, en ITALIE.
Dans les années 80, madame PETRELLA est condamnée, en compagnie de 170 coïnculpés, à la prison à vie pour sa participation aux meurtres et crimes commis par les Brigades Rouges, dont l'enlèvement et l'exécution d'Aldo MORO. Elle a commis elle-même un meurtre, ainsi qu'une agression violente (contre un magistrat, si j'ai bonne mémoire). La condamnation a été prononcée après un procès contradictoire, conduit dans un pays démocratique. Madame PETRELLA fait appel en cours de cassation. Elle est alors laissée en liberté sous contrôle judiciaire. La peine est confirmée. Madame PETRELLA, en 1993, se réfugie en FRANCE où le Président MITTERAND a décidé (depuis 1985) de donner une deuxième chance aux terroristes italiens qui diraient "avoir rompu avec la machine infernale" et se seraient réinsérés, en les mettant à l'abri définitif de toute extradition. En juin 2007, accédant à la demande réitérée des autorités italiennes, monsieur FILLON signe le décret d'extradition. Les avocats français de madame PETRELLA font appel de cette décision. Bien qu'en France l'appel ne soit pas suspensif dans ce cas précis, il est d'usage que la décision attende, pour être exécutée, les conclusions de l'instance juridique consultée. Madame PETRELLA est donc incarcérée dans la section psychiatrique de la maison d'arrêt de FLEURY-MEROGIS. Elle est fortement dépressive. Voilà pour les faits.
Je vous invite à lire sur ce sujet l'éditorial larmoyant de Madame Marie-Françoise COLOMBANI dans le magasine féminin ELLE, qui s'étrangle, s'indigne, proteste, accumule les adjectifs psychodramatiques et surtout le penser-faux, si caractéristique de ce petit monde parisien, ivre de l'influence qu'il exerce sur nos concitoyens.
Ainsi, madame COLOMBANI déclare que madame PETRELLA est rentrée officiellement et légalement en FRANCE. Ce qui est inexact. Il a bien fallu qu'elle passe à travers les mailles de la police italienne pour franchir la frontière, et elle a sans doute eu recours à des complicités bien françaises qui lui ont facilité ce passage. Certes, l'accueil est officiel du côté français ; le déclarer légal est un abus de langage. Il est déclaré légal en vertu d'une décision régalienne d'un Président qui n'a consulté ni ses partenaires italiens, ni la représentation nationale, et n'a pas respecté les accords juridiques conclus avec notre soeur latine. Madame COLOMBANI, dans un style d'une beauté glycérinée, déclare, désignant son coeur de la main gauche : Il ne s'agit pas ici de refaire l'histoire et de se poser des questions sur la culpabilité de cette ancienne dirigeante des Brigades Rouges. Elle a été jugée. Point. Pas question non plus de se demander si cette mesure envers les ex-terroristes est bonne ou mauvaise. Elle a été prise. Point. (D'ailleurs, la France ne vient-elle pas de proposer l'asile au membres des FARC ?). Le noeud du désespoir de Marina PETRELLA vient de là : de l'attitude schizophrènique d'un État qui reprend brusquement ce qu'il a donné. [...]. Et madame COLOMBANI de conclure qu'il est nécessaire que la clause humanitaire soit appliquée qui prévoit de rendre impossible une extradition pour des raisons d'âge ou de santé.
Tout est faux dans ce plaidoyer larmoyant. (a) Ce n'est pas l'Etat qui reprend ce qu'il a donné. C'est l'Etat qui applique une loi, jusqu'ici superbement ignorée par deux Présidents et neuf premiers ministres. (b) Le prétendu principe, déclaré établi, et qui permet à un homme ou une femme, convaincu de crime, d'échapper à l'exécution de la sentence qui sanctionne ses actes, n'est pas un principe juridique, c'est une opinion politique. (c) Madame PETRELLA a été condamnée, mais elle n'a pas purgé sa peine. Que veut dire une condamnation sans la sanction qui va avec ? (d) Madame PETRELLA est italienne, a commis les actes qui ont motivé sa condamnation en ITALIE. Il est tout à fait légitime que l'état italien réclame l'exécution de la sentence. Du reste, la France a mis vingt ans pour localiser, trouver et exfiltrer sur son territoire le terroriste CARLOS RAMIREZ-SANCHEZ. Nul n'a semblé se soucier de ce long délai. Nul ne versera un pleur sur cet homme aux mains tachées de sang. (e) Madame COLOMBANI fait bon marché de la douleur des proches de ceux dont la vie a été fauchée par ces furieux ; madame PETRELLA en fit partie. Au nom du principe humanitaire, il eût été bon qu'elle n'appuyât point froidement sur la gâchette de l'arme qui ôta la vie à un "ennemi de classe". (f) Nous aurions aimé, au moins, que madame PETRELLA manifestât un puissant regret de ses actes. Il semble que ces regrets se soient limités à un renoncement officiel à la violence, prononcé dans le silence poussiéreux du cabinet d'un juge. (e) L'âge de madame PETRELLA n'est pas si élevé que cela ; quant à la santé, elle était fort bonne avant que l'extradition ne fût décidée.
Qu'aurions-nous dit si l'ITALIE avait accepté d'héberger les assassins de l'ingénieur général de l'armement AUDRAN ou de Georges BESSE, au motif qu'ils auraient déclaré renoncer à la violence ? Je ne suis pas sûr que nous n'aurions pas insisté pendant des années et des années pour obtenir satisfaction. J'ai déjà dit et je redis qu'on ne peut enfermer un homme dans ses actes ou ses paroles. Il ne s'agit pas de le faire davantage pour madame PETRELLA. Mais il me semble que la dignité de l'homme consiste à assumer la responsabilité de ses actes. Ah ! c'est sûr, il est plus facile de sombrer dans la dépression et le retrait du monde que de reconnaître ses erreurs. On attend toujours de cette passionaria qu'elle ait UNE PAROLE, UN MOT, pour ses victimes.

Madame COLOMBANI a tout faux. Mais elle va certainement recevoir un abondant courrier qui lui permettra de mesurer son influence dans le lectorat d'ELLE. En FRANCE, pour une raison lié au caractère national, nous aimons le paradoxe. Nous victimisons les bourreaux, et bourreautisons les victimes. Cette étrange déformation de perspective explique bien des dérives.

Aucun commentaire: