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Chers
Gilets jaunes,
Voici
une lettre ouverte qui prodigue quelques conseils utiles à la poursuite de
votre, que dis-je, de notre mouvement.
Dans
ses vœux, que je n’ai pas écoutés, il semble que le Président de la République
ait parlé de restaurer l’ordre républicain. Il faisait sans doute allusion aux
diverses manifestations des Gilets jaunes qui vient troubler, effectivement, le ronronnement étatique.
L’ordre
dit républicain, qui a germé dans l’esprit des bourgeois libertins de la
Révolution, jusqu’à trouver son plein développement dans le sanglant
établissement de la IIIe République sur les cadavres des communards, n’est qu’une
sorte de désordre organisé par les élites politiques, économiques, financières,
techniques, scientifiques pour leur plus grand profit.
Entendons-nous
bien : je crois qu’il est très important de pouvoir vivre dans l’espace
public en toute sécurité. Je crois qu'il faut des lois, mais des lois justes et non point "axiologiquement neutres" comme ils disent. Si vous lisez les nouvelles, vous voyez qu’ici
et là on menace les Gilets jaunes qui occupent pacifiquement les ronds-points,
d’amendes, de poursuites, bref de tous les foudres de la justice aux ordres.
Elle est aux ordres, en effet, puisqu’elle applique les lois votées par le
corps législatif, composé essentiellement de ces élites (voir plus bas).
Voici
donc ce que je préconise pour la poursuite pacifique mais déterminée du
mouvement.
(a) Porter,
comme signe de reconnaissance, dans la rue, dans les magasins, dans sa voiture,
dans l’espace public, le gilet jaune.
(b) Déclarer
les manifestations en préfecture, en changeant chaque fois de déclarant, de
façon que la police, les RG, les juges, ne puissent identifier un quelconque
chef ou responsable. Faire autant de déclarations que de manifestations prévues,
et attendre la réaction des Préfets.
(c) Manifester
devant les lieux du pouvoir d’état, non point pendant des heures, mais, par
exemple pendant une ou deux heures (en précisant dans la déclaration, l’horaire
de début et de fin) : préfectures, sous-préfectures, tribunaux, centres
des impôts, et quand rien de cela n’existe, devant les mairies, derniers
refuges des lambeaux de nos libertés.
(d) Le
faire pacifiquement, sur le mode du sit
in silencieux, en portant des pancartes mentionnant les demandes du Peuple
français : Référendum d’initiative populaire ; diminution drastique
des dépenses de l’état et des collectivités territoriales (notamment les dépenses
somptuaires : réceptions, voyages d’étude, multiplication indue des vice-présidences
avec les indemnités afférentes, voitures de fonction ; suppression des subventions
aux associations qui se prétendent culturelles et ne sont le plus souvent que
des moyens détournés par de médiocres intermittents pour continuer à diffuser des
messages de « déconstruction » (morale, religieuse, traditionnelle),
demande d’une autonomie accrue pour les collectivités territoriales, notamment
les communes qui ont perdu depuis des lustres nombre de franchises qui leur
permettaient de rayonner et de vivre. Suppression des communautés de communes
(j’ai un exemple assez croquignolet de la mascarade qu’elles représentent),
mais maintien de la possibilité de fusion entre communes volontaires. Mise au pas
des hauts fonctionnaires, experts de ceci, experts de cela, qui ont des
solutions techniques inattaquables, à ceci près qu’elles sont inapplicables.
(e) Enfin,
refus de tout argument vulgaire, qui vise un homme ou des hommes.
Chers
amis, il ne faut pas baisser les bras. Nous commençons à relever la tête. Nous
aurons gagné, le jour où les forces de l’ordre refuseront de cogner sur des
manifestants pacifiques et autorisés.
Allez !
Allons ! Courage. Tenons bon contre cette soi-disant démocratie qui n’est
en fait que la confiscation du pouvoir par une caste qui ne veut point se
laisser déposséder de ses privilèges.
Permettez-moi
de vous rappeler ce que disait Jésus : « Que le plus grand soit comme
celui qui sert ». Il n’y a d’autorité que d’autorité de service. Pour l'instant, quelques cas remarquables de hauts fonctionnaires et d'hommes politiques, mis à part, car il ne faut pas généraliser, on en est assez loin.
Bien
amicalement.
Philippe
POINDRON.
Professeur
honoraire des Universités.
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ILLUSTRATION
PAR JEAN-CLAUDE MICHEA.
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"De ce point de vue, les élections
législatives de juin 2017 représentent un véritable cas d’école. Tous les médias
officiels, on s’en souvient, avaient alors célébré avec enthousiasme le fait
que la nouvelle Assemblée nationale était « de loin la plus féminine de
toute l’histoire » (les femmes y représentaient en effet, avec 224
députées, 38,82 % du nouveau corps législatif — le pourcentage d’élues
atteignant même 46,45 % au sein du groupe de La République en marche).
Certains de ces médias n’avaient d’ailleurs pas manqué de prolonger cette
analyse en attirant l’attention sur le fait que cette assemblée était également
« la plus jeune de toute l’histoire » et que même la part des
« minorités visibles » — quoiqu’encore beaucoup trop faible — y avait
progressé de façon appréciable. Une telle ferveur médiatique est assurément
justifiée dans la mesure où cette double révolution de l’âge et du genre
constitue indéniablement, par certains
côtés, un véritable progrès humain (sauf à regretter le temps de ces
gérontes fossilisés et bardés de décorations qui peuplaient les tribunes
officielles des pays dits « communistes »). L’ennui, c’est que cette
nouvelle « assemblée introuvable », effectivement rajeunie et
féminisée comme jamais, se trouve être en même temps la plus élitiste et la moins représentative de toute l’histoire de
la Ve République (il faut même, selon certains historiens, remonter
jusqu’en 1871 — autrement dit à cette
Assemblée versaillaise qui légitimera la répression sanglante de la Commune —
pour retrouver dans la représentation nationale » un tel degré de consanguinité sociale). En témoigne,
entre autres, le fait que les classes populaires, pourtant largement
majoritaires dans le pays, n’y sont plus désormais « représentées »
que par un peu moins de 3 % des élus.
Double évolution politique — un pas en
avant sur le plan sociétal, deux pas en arrière sur le plan social — qui ne
peut bien sûr surprendre quiconque a compris la véritable nature de la logique
libérale. Mais qui risque, en revanche, d’être perçue comme
« contradictoire » (au sens non dialectique du terme) par tous ceux
qui accordent encore du crédit à la vieille fable idéologique (il est vrai
souvent très rentable en termes de carrière médiatique ou universitaire), selon
laquelle le libéralisme culturel du Monde,
de Libération ou du Nouveau Magazine littéraire n’aurait
absolument rien à voir, d’un point de vue logique et philosophique, avec le
libéralisme économique du Point, du Figaro ou de Valeurs actuelles. Auquel cas on se demande d’ailleurs bien
pourquoi, pour ne prendre que cet exemple particulièrement révélateur, la très
active French-American Foundation se donnerait chaque année autant de mal pour
recruter et former des agents d’influence
universitaire, médiatique et politique (formation qui inclut, entre autres, un
stage obligatoire aux États-Unis) aussi engagés dans le combat sociétal — pour
ne citer ici qu’un tout petit nombre de ces fameux « young leaders » — que Laurent JOFFRIN, Alain MINC, Emmanuel
MACRON, Éric FASSIN, Najat VALLAUD-BELKACEM, Marisol TOURAINE, David FONTAINE
ou encore Rokhaya DIALLO.
Jean-Claude MICHÉA.
Le loup dans la bergerie.
Climats. Un département des Éditions
Flammarion, Paris 2018. (Page 142.)
2 commentaires:
Vous qui refusez les appels DES GILETS JAUNES à la violence, l'anarchie, l’atteinte aux valeurs de la république qui accepter la modernisation du Pays.
Vous qui refusez que l'histoire se répète comme en 1969 pour le Général De Gaulle.
Vous qui ne voulez pas faire payer vos enfants et petits enfants à notre place.
Vous qui assumer vos votes passés.
Qui refusez les commerces qui ferment les licenciements les nouveaux surendettement de l'état liés AUX GILETS JAUNES
Cher monsieur,
Je n'ai pas à assumer quoi que ce soit de mes votes passés, car j'ai toujours voté pour les perdants. Le surendettement est une vieille affaire et il n'est pas le fait des seuls gilets ; voilà des années que le déficit se creuse et on en connaît les raisons. Je crois en avoir exposé quelques-unes dans ce billet. Oui, il y a des appels à la violence de CERTAINS Gilets jaunes, pas de tous. Quand les Français abandonneront-ils cette manie de généraliser ? Il faut bien comprendre une chose, c'est que le libéralisme-libertaire, axiologiquement neutre, conduit d'une part à l’appauvrissement des classes moyennes, d'autre part à l'assistanat (prévu prophétiquement par TOCQUEVILLE). Je m'efforce de favoriser les commerces de proximité, et de faire ce que je dis, dans les limites mes modestes moyens. Quant aux valeurs républicaines, je m'interroge : il suffit de voir la manière dont son traitées les affaires de délinquance des banlieues, et la sévérité des jugements rendus contre certains gilets jaunes pour se poser les bonnes questions sur l'objectivité de la justice. Bref, je crois que ce mouvement traduit un réel malaise de la société et qu'il est dangereux de le traiter par le dédain, le mépris, ou l'arrogance. Merci pour votre contribution.
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