mercredi 14 octobre 2009

Démocratie et compétence

L'affaire continue de faire grand bruit. On s'étonne de voir qu'un jeune homme de 23 ans, qui n'a pour tout bagage que deux années de droit, puisse être propulsé par ses pairs, à un poste de très haute importance stratégique : la présidence de l'EPAD.
La polémique, semble-t-il, repose sur une erreur de jugement, inhérente à la nature de la démocratie française. L'erreur est simple et se résume en une croyance déraisonnable : du côté de ceux qui soutiennent la candidature de Jean SARKOZY à ce poste, et de Jean SARKOZY lui-même, la certitude que l'onction du suffrage universel suffit à rendre compétent un élu qui n'est que politiquement légitime, alors qu'ils ne cessent de vanter les bienfaits du mérite. Du côté de l'opposition, l'accusation d'intrigue, de népotisme, de tricherie, alors que ses membres ne cessent de proclamer les bienfaits de la démocratie élective qui veut qu'un élu, fût-il un imbécile, soit un homme parfait et saint de par son élection, quand il appartient à sa faction. (Mais il y a des exceptions. Aucun d'entre eux n'a disputé à madame AUBRY le droit d'être ministre alors qu'elle n'avait aucune fonction élective, et ne lui a reproché d'être la fille de son père.) En d'autres termes, vous aurez reconnu un travers bien français : le goût de la dialectique et la contradiction pour moi insupportable, incivique, et schizophrène, du faire et du dire.
Du point de vue de la majorité, il était assez simple et cohérent de dire que Jean SARKOZY n'avait pas fait ses preuves et que sa formation et ses mérites, ambition mise à part, ne lui donnaient aucun titre pour prétendre à présider l'EPAD même s'il avait le droit de le faire. Du côté de l'opposition, il était cohérent et juste de reconnaître à un élu le droit de postuler, même s'il n'avait aucun mérite à le faire. Après tout, la Convention a député dans les provinces des envoyés en mission qui étaient non seulement de sinistres crétins mais aussi des lâches et des monstres, et personne ne semble s'en émouvoir dans les chaumières de l'histoire officielle qui fait l'affaire de tous les affairistes de la démocratie.
Il faut donc tenir les deux bouts de la corde : l'élection légitime la fonction de faire la loi, qui n'est aujourd'hui que la somme mathématique de l'opinion majoritaire ; la formation et les mérites vérifiés - et ils sont vérifiables - fondent seuls le droit à exercer des fonctions exigeant des compétences et des savoirs spécifiques. Cela porte un nom : le gouvernement par les meilleurs. Mais au pays de l'égalité, les meilleurs n'ont pas droit de cité. Tous pareils, tous interchangeables, tous compétents pour tout, à la condition d'être un élu.

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2 commentaires:

Geneviève CRIDLIG a dit…

Sans avoir la compétence suffisante pour traiter des différents pbs qui émergent face à ce choix, je suis amenée à penser, en donnant peut-être l’impression d’extrapoler et de faire le grand écart, que l’un des problèmes majeurs de l’ère qui s’amorce sera, au niveau, non plus seulement des états individuels, mais de la planète, celui de la régulation.

Comment les décisions seront-elles prises ? Par qui ? Quelles seront règles de discernement ? Qui va les fixer ?
 Ce sera finalement, à mon sens, la grande affaire « spirituelle » de ce siècle et non la disparition de telle ou telle religion ou le combat éventuel entre telle ou telle. Et quel combat ! D’avance je peux le mettre au pluriel.

Par exemple, qui va réguler l’extension de la Chine, aussi bien de ses habitants que de sa recherche de terres ?
Selon un doc vu ces jours-ci , elle loue déjà l’équivalent de la superficie de l’Auvergne en Afrique ( un continent choisi dans ce but par d’autres pays également) > si bien que d’une part, l’Afrique pourra peut-être étonnamment se faire une santé grâce aux revenus locatifs si elle ne se fait pas trop duper + la Chine, ayant déjà ses jardins hors de ses frontières, il sera évident qu’elle fera de même pour trouver des « locations » pour ses habitants , enfants uniques – heureusement dans un sens - qui n’auront plus de place dans ses mégapoles déjà pleinesà craquer. ( avis reçu hier par des amis revenant de Chine, guidés par un Chinois. + autres qui sont établis là-bas depuis quelques années).

En réalité, si l’Europe ne se secoue pas, elle va entrer dans une autre besace, les pieds devant.
Dire que nos agriculteurs en sont à n’avoir, comme moyen de pression et de négociation, que la possibilité de grimper sur leurs tracteurs pour donner une certaine visibilité de masse à leurs revendications... C’est là qu’on peut parler d’écart. Des siècles. Même si les campagnes chinoises restent des lieux de grande pauvreté.

Même si certains de ses pays vont également cultiver l’Afrique, l’Europe va-t -elle aussi devenir le potager de la Chine ? Puis sa résidence secondaire voire principale ? Mes amis me disaient que ce déferlement était une question d’une dizaine, d’une quinzaine d’années...Je peux donc y assister...
Dire que nous évoquions déjà ce péril au lycée.

Autre question – interne au mécanisme de la régulation : à mon humble avis, sans y rien connaître, je pense qu’elle ne pourra pas, comme les fors interne et externe,
fonctionner toute seule de par une conscience qui serait intérieure au monde mais qu’il lui faudra un cadre de lois extérieures.

Alors là, en perspective je vois de beaux jours pour la morale ou l’éthique en politique : à côté, l’affaire de Sarkozy fils, c’est du pipi de chat. Qui laisse deviner en filigrane ce qui nous attend si...s’il n’y a pas des personnes qui se lèvent pour dire : « Stop ! Moi, je m’engage à... au nom de...l’Homme. »

Oui, rétorquera-t-on, mais Lequel ?
Le Vôtre ou le Nôtre ?

Philippe POINDRON a dit…

Chère Fourmi,

Vous évoquez là un problème absolument fondamental. Nous ne pouvons être à nous-même notre propre mesure, la mesure de nos actions. Alors, d'où viennent donc les règles "morales", le sens du bien et du mal ? Qu'est-ce qui les fondent en raison ? Il nous faudrait avoir les réponses de spécialistes, de moralistes (je n'aime pas le mot éthique qui fait référence à l'éthos, au comportement ; je lui préfère celui ce "morale", comme art de vivre et de répondre au "Que dois-je faire" ?) Je regrette d'avoir quitté STRASBOURG où j'avais la possibilité de rencontrer de très grands spécialistes de la question... J'aurais alimenté mes billets par leurs remarques. Encore que depuis quelques temps, les commentaires s'étoffent et s'animent d'une manière qui me plaît beaucoup, car elle est marqué de réflexion et de profondeur.
Amicalement à vous.