mardi 6 octobre 2009

Vendanges

Donc, je rentre des vendanges. En réalité, nous n'avons travaillé que sur une quinzaine de rangs. La chose n'était guère pénible, et mérite qu'on la décrive. Mais il faudrait avoir la plume de madame de SEVIGNE pour le faire d'une manière originale et spirituelle. Je n'aurai pas cette prétention, et me contenterai de dire ce que je peux.
Le domaine de PEYCHARNEAU est sis près de SAINTE-FOY-LA-GRANDE. Il a droit à une double appellation BORDEAUX SUPERIEUR et SAINTE-FOY BORDEAUX. Stéphane qui veille sur lui comme un jeune marié sur sa jeune femme a choisi de n'utiliser que la première des deux. Le vin qu'il produit est charnu, intensément coloré, d'arôme ferme et de noble tenue en bouche. Il vaut mieux, croyez-moi, que des crus bourgeois plus connus, plus onéreux, et qui se parent de vertus petites ; mais c'est bien connu, moins les vêtements habillent et plus ils coûtent cher. Le prix en est inversement proportionnel à la surface qu'ils couvrent. Curieuse mathématique des stylistes ! Et prix exorbitant des maillots de bain.
Imaginez une vallée de la Dordogne que la brume vient à peine de quitter et qui, dans une fraîcheur matinale revigorante, commence à ruisseler de lumière sous le soleil d'automne. Muni de paniers, une nuée de vendangeurs - nous sommes une quarantaine -, jeunes et vieux confondus, s'apprête à envahir la vigne, quand la benne qui doit recueillir les hottées et les panerées sera là. Elle arrive, tirée par un superbe tracteur. Les gamins s'égaillent en criant joyeusement, brandissant des ciseaux ; les plus âgés, prennent le temps d'échanger quelques consignes, de se concerter, de se répartir le travail. Et nous voilà accroupis, cherchant à couper la tige qui porte des grappes lourdes au plus près des sarments. On picore un grain ou deux ou plus, on s'esclaffe de la maladresse du voisin, on s'attriste de la sienne quand par mégarde on écrase une grappe mal logée dans son panier, on se console en repicorant un grain, et quand la tristesse est très grande, plusieurs. Bref, c'est d'un drôle, d'un revigorant, extraordinaire. De temps à autre, on appelle le conducteur de la benne - je l'appelle le staphylophore - pour qu'il vide le panier sur le point de déborder. Il y a là une abondance, une luxuriance, une générosité de la nature qui fait comprendre par anticipation la joie du repas des vendanges qui suivra notre effort.
Il vient ce moment béni où autour de la table, on goûte un Sauternes sur un foie gras du pays - pour ne pas faire de jaloux, dirais-je que c'était un château Yquem de vingt ans d'âge, extraordinaire ? Oui, je le dis. Il n'a rien à voir avec le meilleur des autres Sauternes. Long en bouche, laissant dans le nez un goût de noix et de bois très légèrement fumé, développant cette très légère amertume qui fait si bien ressortir le moelleux d'un Roquefort comme l'onctuosité d'un foie gras. Une chose d'une absolue perfection. Les gamins, eux, s'en moquent, et jouent dans l'herbe à côté, tandis qu'un petit vent agite doucement les feuilles d'un figuier encore chargé de fruit, et fait trembler très doucement les cyprès élancés, minces, fiers qui bordent l'allée traversant les vignes. Douceur de la Toscane...
Ces vendangeurs ne sont pas n'importe qui. Frères, soeurs, parents, oncles, neveux, enfants et petits enfants des familles du maître et de la maîtresse de maison. C'est l'image d'un bonheur si naturel, si simple, que l'on se demande s'il est possible d'être vraiment heureux tant qu'on ne l'a pas connu.
Si cela vous intéresse, je vous donnerai l'adresse de ce domaine. Croyez-moi , il produit un vin exceptionnel, tout imprégné de la gentillesse et de la générosité de Stéphane et d'Emmanuelle, et de leurs trois bambins.

3 commentaires:

Geneviève CRIDLIG a dit…

6 octobre 13h10

Merci pour ce nouveau voyage dans les vignes du Bordelais.
Certes, votre motif au départ n’était pas celui de Madame de Sévigné qui suivait une prescription médicale pouvant alléger ses souffrances rhumatismales : allez plonger vos mains dans la vendange !

En tout cas, cette brève trempette dans le raisin vous a fortifié le cœur, s’il en avait besoin, et vous a, avec un jeu de mots d’un niveau de cuve - j’en conviens - redonné « la pêche »...

Encore que...mes pérégrinations vinicoles, cette fois, m’apprennent que la pêche contient divers arômes dont le composé chimique le benzaldéhyde - qui entre, figurez-vous, dans le traitement... des vins.
CQFD.

Geneviève CRIDLIG a dit…

PARTIE 2

2) Le taux de suicide des jeunes en général = la deuxième cause des décès chez les jeunes. Quel est ce facteur qui provoque une souffrance si insupportable que seule la mort peut y mettre fin ? Où se situe pour la jeunesse d’aujourd’hui le seuil du tolérable, physiquement, psychiquement, moralement ? Quelle est leur capacité de force ?
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3) Les suicides à France Télécom

Seuil du tolérable dépassé dans l’accomplissement du travail – non pas dans la difficulté de la nature du travail en lui-même que dans tout ce qui gravite autour : la déficience de communication, des relations humaines – l’écoute des soucis et problèmes...
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4) Etonnant : Les suicides dans telle localité des Vosges.
Cette semaine, comme nous parlions entre voisins de tous ces cas de suicides relatés dans les journaux, il m’a été rapporté un fait connu et presque célèbre dans le département : celui de la relative fréquence des suicides dans une petite ville qui se trouve à une trentaine de kms de chez moi. [vous comprendrez que je ne la cite pas]
Une explication avancée par mon interlocuteur : l’origine se situe dans le problème de la consanguinité, des nombreux mariages entre cousins. Mais cette cause ne me paraît pas probante : il y aurait alors autant de cas dans de nombreux autres villages et villes de fond de vallée ou particulièrement reculées et ailleurs dans d’autres régions montagneuses. Mystère pour moi. Tout ce qu’on a dit lorsqu’on a appris qu’un jeune s’était jeté d’un pont le mois dernier : « c’est normal : il est de X. ... ». On en reste au fait divers sans essayer d’avancer plus loin. L’atavisme expliquerait-il tout ?
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5) Enfin les suicides chez les éleveurs.
Là non plus ce n’est pas la mort qui est choisie mais la résolution d’un désir intense qui supplante tout : « que cette souffrance s’arrête ! ».
Là non plus ce n’est pas la nature du travail qui serait trop difficile mais c’est surtout l’insuffisance de son estimation financière qui en rend non seulement l’exercice impossible mais toute sa vie car l’argent n’est plus là pour la vivre correctement.
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Geneviève CRIDLIG a dit…

Bien sûr vous avez compris que le commentaire ci-dessus fait partie du commentaire du dernier billet : défaut de manoeuvre.