dimanche 18 octobre 2009

La démocratie vue par Laozi

Au chapitre XVII du Daodejing (Tao-te-king), LAOZI (LAO TSSEU) dit ceci qui me semble d'une très profonde sagesse :
"Au temps de la Grande Vertu, les Souverains,
A peine leurs sujets s'avisaient-ils de leur existence.
Ah qu'ils apparaissaient lointains, avares de paroles,
S'acquittant simplement de leur mandat,
Laissant les affaires suivre leur cours.
[...]
Et le peuple s'écriait
Nous agissons en tout par nous-même."
Pour ceux qui connaissent un peu la Chine, et pour autant qu'on croit pouvoir la deviner, on reconnaît dans cette strophe un résumé de la doctrine du non-agir du souverain, principe efficace du gouvernement des hommes. Je souligne ce point pour ne pas indûment donner à ce passage un sens accordé totalement à ma philosophie politique. Mais la pointe en est dans les deux derniers vers qui exaltent la joie du peuple, capable et libre d'agir par lui-même. Et en cela, il n'y a pas de torsion possible du sens. C'est bien la démocratie qui est vantée dans ce poème.
Il faut savoir ce que cela signifie que la liberté d'agir. Voulez-vous des exemples de l'intolérable intrusion de l'administration dans notre vie quotidienne ? En voici : dans une ville d'eau de l'Est, un ami a acheté une maison, certes sympathique, mais qui n'est pas l'oeuvre de PALLADIO. Il veut repeindre ses volets et ses huisseries, et doit soumettre le choix des couleurs à l'administration départementale, avant de pouvoir le faire ; dans une grande ville de l'Est, un autre ami possède une maison caractéristique de l'architecture d'une ville où a fleuri un art très particulier, et très prisé. La porte de son garage est ruinée par les intempéries ; il la change. Et quelques semaines après, reçoit une lettre comminatoire de je ne sais quel bureau, lui enjoignant d'enlever cette porte et d'en mettre une à la convenance de l'administration chargée de l'architecture. Vous voulez faire construire une piscine dans votre maison de campagne, à supposer que vous en avez une et que vos moyens vous permettent cette petite folie ? Il vous faudra l'avoir aux normes, et l'équiper de dispositif anti-ceci, anti-cela, etc. Etes-vous arboriculteur ? Vous croyez que vous pourrez vendre tous vos fruits. Il n'en est rien. Ils doivent avoir un certain calibre, fixé par les bureaux de BRUXELLES, tout comme l'est la largeur des pneus d'une voiture ou d'un tracteur, etc. Peut-être voudriez-vous mettre aux portes de votre commune un panneau indiquant qu'elle héberge telle ou telle richesse. Le panneau doit avoir telle couleur, les lettres, telle forme et telle dimension, comme du reste celle de la plaque d'immatriculation de votre véhicule. Ce ne sont là que des exemples. Il y en a des milliers, comme par exemple la fixation de la date des vendanges (le ban des vendanges), et des tas d'autres, ubuesques, pittoresques ou insensés.
Bien entendu, tout cela au nom du respect de la différence.
Nos pères n'étaient pas soumis à de telles contraintes. Ils n'ont pourtant pas produit une architecture vulgaire ou éphémère ; ils avaient dans leur verger des dizaines d'espèces de pommiers ou de poiriers, dont seuls quelques arboretums possèdent encore des exemplaires ; leurs lavoirs, tous différents d'une région à l'autre, étaient superbes et fonctionnels et servaient à l'occasion de piscine à leurs gamins qui ne s'en portaient pas si mal ; les vestiges des bornes, des plaques de rue, révèlent un art de l'écriture monumentale que nous avons perdu.
A vrai dire, en perdant le sens de la subsidiarité, si chère à Thomas d'AQUIN, notre administration et nos hommes politiques ont perdu le sens de la singularité, de l'unicité. L'homme s'est transformé en un numéro de sécurité sociale associé à un numéro déterminant sa "catégorie sociale" (quelle horreur). Des actuaires, à l'aide de savantes formules, déterminent par calcul de probabilité, le temps de survie possible de tel ou tel, et celui pendant lequel les caisses de retraites devront payer les pensions. Il n'y a rien de réel, d'interpersonnel. Il n'y a que de la statistique, et derrière, des soucis de finances. Mais l'égalité est sauve, n'est-il pas ?
Voilà le monde que la soi-disant et prétendue idéologie du progrès est en train de nous fabriquer. Un monde étouffant, impersonnel, glacé, sans âme. Ne vous étonnez pas de voir que la société réagit par des tentatives de respiration qui s'appelle écologie, retour à la terre, vie communautaire, mode vestimentaire extravagante, échappée dans la drogue. Car on ne fait pas de génuflexion devant les statistiques, les journaux officiels, et les bureaux de l'administration.
Il nous faudrait un autre LAOZI

4 commentaires:

olibrius a dit…

Pour une fois que Bruxelles revient sur ses "lois" vous n'êtes pas au courant. Depuis quelques mois, les obligations que les légumes et autres fruits correspondant à un standard obligatoire ont été abrogées. Maintenant, on peut nous proposer des carottes tordues ou autre poireau avec le fût à l'envers...
Encore faudrait-il que les vrais magouilleurs, je veux dire les hyper marchés, veuillent bien en acheter....
Légumement votre.

Philippe POINDRON a dit…

J'adore les légumes un peu tordus ! Courons dans nos petits magasins de village ou de quartier pour en réclamer, et faisons vivre ces artisans et ces commerçants qui n'attendent pas tout d'un Etat dévorant.
Amicalement.

Eugénie a dit…

bonjour mr poindron , me voila de retour sur votre blog après des mois d'abscence ! je suis toujours agréablement surprise par l'agregation de nos idées !
je suis tristement d'accord avec vous à propos de l'hyperlegislation européenne et en particulier française (et oui car la france est une parcularité en ce domaine )
un petit garçon se noit dans une piscine: legiferons sur les piscines ,une vieille dame se fait mordre par un chien, legiferons sur les chiens dangeureux , une pédophile recidive, castrons les tous!! voila notre société , et le principe qui régit nos médias : eriger des cas particuliers en verités generales, baser la reflexion politique sur la sensiblerie et l'emotion démago!
nous nous pensons absolument libres , lovés dans notre confort et notre soi-disant indépendance, sans nous apercevoir que l'etat règle le moindre de nos problème. Comme disait Benjamin constant,visionnaire, il y a 150 ans : "Prions l'autorité de rester dans ses limites .Qu'ele se borne à etre juste ; nous nous chargerons d'etre heureux "

Philippe POINDRON a dit…

Chère Eugénie,

Quelle joie de vous voir de nouveau active sur ce Blog ! Votre citation de Benjamain CONSTANT est absolument d'actualité. Je n'ai qu'un souhait, c'est que tous ces plumifs à manche de lustrine nous lâchent les baskets et que l'Etat soit plus modeste. Un géant plein de graisse, voilà ce qu'il est, incapable de former les citoyens à une véritable citoyenneté qui tienne compte de l'autre, ignorant superbement des réalités naturelles comme la famille, les parents, les enfants, mais légiférant sur le mariage et les divers modes de procréation, tout cela dans le plus pur respect d'une idéologie poussiéreuse, et dans l'oubli volontaire de tous les éléments qui pourraient perturber l'exercice de son pouvoir.
J'espère ne pas choquer la brillante étudiante en science politique que vous êtes !
Amicalement.