lundi 26 octobre 2009

Intériorité

Si vous habitez PARIS, ou avez l'intention d'y venir bientôt, ne manquez pas d'aller voir l'exposition temporaire que le Musée CERNUSCHI consacre aux "Buddha du Shandong". Il s'agit de sculptures absolument superbes, enterrées il y des siècles par de pieux fidèles, parce qu'elles avaient été abîmées par le temps, ou victimes d'un cataclysme naturel, dans la ville de QINZHOU, province du SHANDONG. Il n'en subsiste que des têtes ou des torses, mais ces productions sont de toute beauté.
Elles illustrent ce que dit le Prince AN, apparenté à la famille impériale des LIU (fondatrice de la dynastie des HAN antérieurs ou HAN de l'Ouest), dans un ouvrage appelé le Huainanzi -, sorte de méditation-réflexion, à la fois théologique et philosophique sur les origines et la nature de l'homme -, d'inspiration taoïste :
Qui se livrera à l'extériorité perdra l'intérieur, qui gardera l'intériorité obtiendra par surcroît l'extérieur. Il en est comme de la racine et des branches jusqu'à la plus extrême, c'est en tirant par la racine que les branches et les feuilles viennent à la suite. [Cité par Claude LARRE dans son énorme et superbe ouvrage "Les Chinois. Esprit et comportement des Chinois comme ils se révèlent par leurs livres et dans leur vie, des origines à la fin de la dynastie Ming (1644)"]
Il est avéré que le bouddhisme chinois a énormément emprunté aux "concepts" (si tant est que ce mot ait un sens en chinois) taoïstes et qu'il est profondément marqué par la pensée de LAOZI. En cherchant à rendre d'abord le regard intérieur du Buddha, les sculpteurs chinois du Ve siècle après Jésus-Christ ont fait éclater une beauté qui ne se retrouve en Occident que dans la statuaire du Moyen-âge, dans les vierges du début du gothique notamment. Car la beauté est un accord du sens et de la forme ; elle ne vise pas l'effet, mais exprime la nature profonde du réel.
Certes, je m'éloigne de mes propos ordinaires, mais pas tant qu'il y paraît. Car tout le drame de notre société est bien là : il prend naissance dans l'erreur philosophique majeure que l'homme est le créateur du réel par son activité de pensée, alors qu'il n'en est que le découvreur. De là vient du reste que les grecs ont rendu le mot vérité par aletheia, le fait de réveiller, non point d'inventer.
Mais je n'en dirai pas plus aujourd'hui.

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