Dans un ouvrage dont je n'ai lu malheureusement que de brefs extraits, Hannah ARENDT dit ceci : "L'opinion et non la vérité est une des bases indispensables de tout pouvoir" (in La crise de la culture. Gallimard, Paris, 1972). Voilà qui est fort, et qui mérite qu'on y réfléchisse.
Le pouvoir dont il est question ici, est le pouvoir politique, qui, quand il est légitime, peut disposer de la force pour contraindre les citoyens à obéir à la Loi dont il a l'initiative, à défaut du droit de la faire, dévolu au Législateur. L'opinion est l'expression du jugement majoritaire des citoyens.
Il ne se passe pas de jours sans que, sur la page d'accueil des messageries, il n'y ait des "sondages" sur tout et sur rien : sur la nécessité de se faire vacciner contre la grippe ; sur la responsabilité potentielle de monsieur de VILLEPIN dans l'affaire Clearstream ; sur la petite phrase de telle ou telle personnalité. Ainsi, faire de la politique reviendrait à suivre l'opinion majoritaire, souvent très superficielle et peu éclairée, de la population. C'est bien l'opinion et les instituts de sondage qui gouverne le plus souvent les décisions du pouvoir exécutif (brr.. ça fait froid dans le dos, tellement ça ressemble à exécution !)
Les pays gouvernés par des dictateurs ou des tyrans ne se soucient pas de l'opinion. Ceux-ci agissent et ordonnent en fonction de systèmes idéologiques, ou de leur bon plaisir. ROBESPIERRE avait pour maître Jean-Jacques ROUSSEAU, et nous avons de nombreux témoignages sur le soin qu'il prenait à en suivre les préceptes ; HITLER avait son Mein Kampf et ses théories sur la supériorité de la race aryenne, et particulièrement de la race indo-germanique, comme le disaient les ethnologues, anthropologues et philosophes allemands contemporains du tyran. Monsieur MUGABE suit son bon plaisir.
Alors il resterait à gouverner selon la vérité, sur quoi le pouvoir, selon Hannah ARENDT, ne peut tabler. Ceci pour plusieurs raisons. Selon moi, la première est que dans les mentalités et dans la philosophie conemporaines, il n'y a pas de vérité, que tout est relatif, change avec les circonstances. Il y a même des psychanalystes ou des philosophes qui nient que le langage ait une quelconque signification (LACAN, FOUCAULT), langage qu'ils utilisent du reste pour communiquer cette pensée avec un certain bonheur. La seconde, est que gouverner selon la vérité heurterait le goût du progrès, si propre au peuple français. Il en résulterait en effet que toutes les décisions ne se valent pas, que certaines sont meilleures que d'autres, et que certaines vont contre la vérité. La troisième est que dans un espace public qui est déclaré laïc, il n'est pas possible de se référer à une parole extérieure au champ politique, même pas à la morale naturelle commune à tous les êtres humains. La vérité du moment devient la norme de l'action, et la vérité du moment c'est l'opinion majoritaire.
A cet égard, et pour conclure, il faut rendre hommage au Président François MITTERRNAD, qui suivant la voix sa conscience, a supprimé la peine de mort, contre l'opinion de la majorité des Français. C'est, de mon point de vue, le seul réel titre de gloire qu'il faut lui laisser. Que ne l'a-t-il suivie en d'autres domaines...
En somme, le grand vice de la démocratie contemporaine est d'être gouvernée par l'opinion et non par la vérité. La vérité, c'est que l'homme politique doit conduire l'homme à la fin qui lui est due, et que cette fin ne saurait se borner à être matérielle.
C'est tout pour aujourd'hui
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