lundi 24 juin 2013

La République des veilleurs (troisième partie), second et très long billet du 24 juin 2013

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Voici la troisième et dernière partie de l'essai d'Henri HUDE.
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3ème Partie

L’intuition d’une future civilisation humaniste.

 
Au naufrage de la Gauche comme principe spirituel, ne succède pas le néant qu’on pouvait craindre, mais une espérance de liberté substantielle et de renaissance, dont les Veilleurs sont le symbole.
 
L’histoire occidentale se laisse interpréter classiquement comme une dialectique de libération. On excusera la rapidité du survol qui suit, et qui fournit un recul indispensable, bien que sommaire. La raison hellénique, le droit romain, la foi et la religion chrétiennes ont successivement assumé la charge de cette libération. A partir de la fin du Moyen-Âge, le christianisme, qui avait été jusque-là reçu en libérateur a commencé à être rejeté comme un facteur d’oppression. La civilisation européenne s’est même organisée de plus en plus nettement autour de tel ou tel humanisme athée. Les chrétiens pouvaient sans doute démontrer qu’un humanisme sans Dieu devenait un humanisme contre l’Homme. Toutefois, cet argumentaire n’a pas réussi à persuader. Au contraire, même le libéralisme est devenu idéologique et de plus en plus libertaire. Il s'est mis à s’imposer de manière totalitaire. Il pouvait sembler viable, parce qu’il parasitait, pour ainsi dire, à la fois la culture et la civilisation chrétiennes, la culture et les institutions des grandes Lumières (kantiennes).
 
Mais le temps est venu, et nous y sommes, où le parasite lui-même ne peut plus vivre, tant il a affaibli l’organisme parasité. Les idéologies ne sont pas des cultures authentiques, suffisantes et capables de produire de l’éthique et de l’espérance. Elles sont  des parasites de cultures substantielles qu’elles travaillent à détruire et sans lesquelles elles ne pourraient prétendre exister.
 
Cependant, à la différence de ce qui se produit en général dans la nature, l’atteinte de ce point d’épuisement correspond dans l’esprit, à un prodigieux retournement dialectique.
 
Dialectiquement, la liberté se redéfinit désormais dans la conscience commune comme la négation de cette liberté nihiliste qui s’est réduite à l’arbitraire et à la volonté de puissance. Confrontée à l’évidence de la transgressivité cynique et ténébreuse, la nouvelle liberté sait qu’il n’y a pas de convergence naturelle des égoïsmes et que la concurrence bien réglée de ces égoïsmes ne saurait assurer ni la paix perpétuelle, ni la prospérité, ni la liberté maximale, en somme le plus grand bonheur du plus grand nombre et la Démocratie.
 
L’esprit revient ainsi au point de bifurcation, où la liberté a cru bon de se séparer du christianisme, et réciproquement. Il fait un discernement, il tourne en lui-même à la fois les immenses idées de Dieu et de l’Homme, de l’Homme-Dieu et de la liberté, il médite sur l’avenir de l’humanisme, il retrouve la figure non athée de l’Homme-Dieu, il devine qu’on ne peut faire vivre une société libre sans une perspective d’Homme-Dieu. Mais laquelle ? Car l’Homme contre Dieu ne peut pas être un Homme-Dieu.
 
Mais il comprend à nouveau aussi que la foi en l’Homme-Dieu ne peut vivre, inversement, sans une montée humaine en commun, y compris politique, vers la liberté infinie, à la fois utopique et non utopique. Mais qu’est-ce que cela signifie ?
 
Je voudrais en donner ici une faible idée. Sans doute le rejet de « la morale » est-il au cœur du nihilisme transgressif. Aujourd’hui, face à la dictature du nihilisme, l’esprit comprend que la transgression de la loi morale par l’Homme n’est pas totalement négative, en ce seul sens précis que la simple installation de l’Homme dans un ordre légal moral et religieux ne suffit ni à l’Homme, ni sans doute à Dieu. C’est pour cela que les Veilleurs manifestent la forme de verticalité mystérieusement nécessaire à une société libre. La transgression vile par laquelle on viole la loi qui prescrit le bien ne peut être surmontée que par une transgression noble et infinie. L’acte de vertu est une transgression de la transgression. C’est sans doute une union à une transgression infinie et sainte, opérée par Dieu, et le nom de cette transgression est « Incarnation ». C’est pour cela que le respect pour la figure et la personne de Jésus ont toute leur place au sein d’une société libre, et surtout au sein d’une République post-nihiliste. Autrement, l’opposition n’est qu’un moralisme sans vigueur.
 
L’Homme-Dieu, comme simple concept, n’est qu’une figure du meilleur espoir humain, noble mais sans effectivité ; ou alors c’est le slogan de la transgression tout court. L’Homme-Dieu, comme fait réel, c’est l’objet de la foi. La société libre de l’avenir prépare ainsi consciemment sa reconstruction par une veillée en commun autour de la question de la foi et de la liberté infinie. Car elle ne veut pas de foi dans la contrainte. Elle sait qu’elle aura commencé par des veillées dans la nuit, entre des gens qui l’oppriment.
 
En un mot, la France future se prépare dans la nuit. Elle s’appuie sur le rejet méthodique de la liberté nihiliste. Elle fait un retour méditatif sur le point de bifurcation qui a rendu possible une évolution au terme catastrophique, mais elle ne condamne pas cette évolution. Elle vise plutôt ce qu’elle cherchait. Elle vise ce qu’il aurait fallu inventer jadis pour que ce chemin fût pris autrement. Elle sent que les torts historiques furent partagés et elle n’a pas, face à son passé, d’esprit exclusif, pas même envers les postmodernes, qui ont sans doute leurs propres excuses. Elle vise à trouver enfin ce chemin social qui monte vers l’absolu de la liberté, sans tomber dans l’idéologie ou dans l’utopie. Ainsi, la civilisation de l’avenir aimera-t-elle passionnément la liberté, la personne et même l’individu, mais aussi la vie et le corps social, la raison et la loi morale, l’amitié et la nature, l’Homme et Dieu et elle visera à l’Homme-Dieu."

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Le copyright de ce texte appartient à Henri HUDE. Il ne m'en voudra pas de reproduire intégralement un essai que je considère comme absolument fondateur.

 

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