jeudi 6 juin 2013

Nouvelles de la Résistance (troisième billet de ce jour)

Reçu de mon ami Antoine qui est resté toute la soirée avec les Veilleurs (je suis parti peu après minuit), avant qu'Axel ne donne le signal du mouvement, ce témoignage. Comme je regrette d'être parti trop tôt. (Antoine me signale cependant  que mon résumé est bon).
-
"C'est une course-poursuite inattendue qui s'est engagée dans la nuit de mercredi 4 à jeudi 5 juin, au cœur de Paris. Les "Veilleurs", ce mouvement qui a essaimé dans toute la France, prônant une résistance pacifique à la loi ouvrant le mariage aux couples homosexuels, ont mené une charge étonnante.
 
Leurs habituelles veillées parisiennes (c'était la seizième) se tiennent, autour de bougies, sur une place ou une esplanade, parfois au milieu des échauffourées opposant forces de l'ordre et manifestants. Ils lisent des textes d'Hugo, Jaurès ou Bernanos, écoutent l'un ou l'une d'entre eux jouer du violoncelle, entonnent le chant scout "L'Espérance". Un silence impressionnant régne entre les quelques dizaines ou centaines de participants, qui, pour applaudir, agitent les mains à la manière des sourds-muets.
 
Ce mercredi, les veilleurs se sont réunis face à l'Institut de France. Les chants, les prises de paroles se sont succédées, faisant notamment état de la vague d'arrestations qui frappe les opposants à la loi Taubira, voire même les simples porteurs de sweat-shirts frappés du logo de La Manif pour tous. On parle des veillées à venir, de l'organisation d'une marche-relais à travers la France. Quelques politiques, comme Hervé Mariton, les rejoignent. Vers minuit, Axel, qui dirige la veillée, demande aux participants, au nombre d'un petit millier, de se préparer à faire mouvement. Ils se lèvent et le suivent en silence. 
 
Où vont-ils ? Ils longent les quais, traversent la Seine, accélèrent. Au milieu d'eux, quelques policiers en civil, manifestement dépassés, indiquent des directions contradictoires par leur oreillette. Un avocat met l'un d'entre eux en demeure de porter son brassard. Après une brève altercation, celui-ci s'exécute. Des CRS tentent de suivre par petits groupes, le cortège change à plusieurs reprises de direction, pour finalement s'approcher de la place Vendôme. Le pas se presse, c'est une vraie course qui s'engage entre les forces de l'ordre lourdement équipées et les 300 ou 400 jeunes qui se trouvent en tête. Ceux-ci parviennent à se regrouper et à s'asseoir... aux portes du Ministère de la Justice. Et d'entonner "l'Espérance". Les lectures reprennent, ponctuées par des chants. Pendant ce temps, les policiers font place aux CRS, qui encerclent le groupe. Les paniers à salade arrivent.
 
Il est une heure du matin. Un policier entreprend de faire une première sommation pour disperser les manifestants, mais son mégaphone l'abandonne. Les veilleurs lui proposent le leur... Un autre mégaphone est apporté. Sommation. La jeune femme qui était en train de parler au micro s'interrompt pour répondre aux policiers : sont-ils vraiment là où est la violence ?
 
Deuxième sommation "avant usage de la force". Des journalistes commencent à arriver. Médiatiquement, c'est un sacré coup, la nervosité des forces de l'ordre, pendues à leurs radio, le démontre assez. De l'une d'entre elles, on entend distinctement "Ceux qui ne partent pas, on les embarque." Dernière sommation. Axel invite ceux qui le souhaitent à se retirer. Une centaine de personnes se lèvent, et passent derrière le cordon de CRS, sans quitter la place, rejoignant un petit groupe de veilleurs qui n'avait pu arriver avant le verrouillage. Les CRS continuent d'arriver par dizaines, aménagent un corridor jusqu'aux paniers à salade, et refoulent les observateurs. Les Veilleurs demeurant au pied du Ministère, au nombre de 150 environ, annoncent qu'ils resteront jusqu'à deux heures, puis se mettent à lire un texte d'Aragon.
 
Il est une heure et demi. L'ordre fuse "On va faire un rateau !" Les CRS prennent leurs dispositions, tandis qu'imperturbable, Axel entreprend la lecture d'un texte du philosophe Fabrice Hadjadj, "Pour un Manifeste des Émerveillés". Au loin, les veilleurs refoulés, rejoints par d'autres, entonnent "l'Espérance". Une fille offre une fleur à un policier.
 
 Les CRS ne bougent pas. Les minutes passent, une, puis deux, puis trente. Peu après deux heures, Axel annonce la dispersion dans le calme. Les veilleurs se lèvent, et quittent la place sans être inquiétés, rejoignant les quelques dizaines de personnes tenues à l'écart. Apparemment, aucune interpellation n'a lieu.
 
Ne restent sur la place que les forces de l'ordre, et sur les murs, cette drôle publicité : "A legend is born".
-
Suite à la prochaine veillée, mercredi prochain. J'irai, bien sûr.

4 commentaires:

tippel a dit…

Le ministre aux Affaires européennes dénonce "la répression policière" et appelle "à la retenue" et au respect du droit de manifester.
Bravo au ministre !

Aerelon a dit…

C'est avec stupéfaction que j'apprends la mort d'un jeune en lisant la presse française en ce début de soirée.

Selon certains responsables politiques, cette agression s'inscrit dans le contexte des violences lors des manifestations d'opposants au mariage homosexuel ces derniers mois.

... bravo

J'ai honte pour ce pays

Philippe POINDRON a dit…

La mort de Clément est une honte pour notre pays. Je partage là votre point de vue. Ce que je conteste absolument c'est le rapport que vous faites avec l'opposition aux lois sociétales proposées par ce gouvernement. La presse parle beaucoup et avec raison de ce drame affreux. Elle n'a guère commenté l'agression dont le Père Grégoire, à Avignon, a été victime de la part de quatre jeunes d'origine maghrébine à Avignon. Et si le Père Grégoire est encore envie, il le doit à l'arrivée rapide des secours.La violence qui inspire ces gestes, DANS LES DEUX CAS, tire son origine dans le refus de l'altérité. Pour en revenir aux Veilleurs, objet de ma réponse indirecte à vos objections, je dis que c'est un mouvement non-violent, non politique, non confessionnel, mais spirituel. Et je crois que c'est la bonne voie pour nous sortir du guêpier dans lequel nous nous sommes fourrés avec l'élection de monsieur HOLLANDE. Je vous invite à relire attentivement le compte-rendu que j'ai fait de la veillée du 5 juin... Vous constaterez que mon commentaire est fondé sur une expérience vécue. Il est non moins claire, à supposer que les haines soient en train de se réveiller, que le meilleur moyen de les maintenir en sommeil était de ne point prendre des lois allant à l'encontre du sentiment d'un grand nombre de Français.
Personnellement, je m'engage à prier pour le jeune Clément et sa famille, pour la paix civile, pour l'union de tous les Français, quels qu'ils soient, d'où qu'ils viennent, pour le respect des opinions de chacun. Je ne l'ai sans doute pas fait assez depuis l'ouverture de ce Blog. Et je le déplore aujourd'hui.

tippel a dit…

Etre ou ne pas être de la droite aimable.
Ils se prétendent « de droite et du centre », voire sans parti pour les plus vaniteux. Ils se vantent d’être bien considérés par leurs amis de gauche comme de droite, comme sympas. Ils sont ouverts à l’Ôôôtre , et apprécient de se faire enrichir par la diversification.
Dire « je suis sympa ! J’aime les gens, j’aime les homos. Je suis normal, alors ! La notion de combat culturel/idéologique leur est étrangère, la gauche n’est pas un adversaire, mais parfois un partenaire, avec lequel il s’agit d’œuvrer en bonne pensée ». Retranchés derrière la posture de petit bourgeois leur engagement politique consiste pour l’essentiel à dénoncer l’absence de qualités gestionnaires de leurs congénères de gauche. Ils ne sont pas fondamentalement contre le mariage gay, au motif « qu’il y’a des choses plus importantes à régler ».comme le chômage ou l’énorme dette du pays. La plupart n’ont pas pris part à la Manif pour tous. Affirmant maintenant que « la loi étant votée, elle doit être respectée », ils prennent bien soin d’exhiber leur légalisme comme ersatz du sens des responsabilités, pensants masquer par leur défense virulente de la structure institutionnelle leur absence misérable de chair spirituelle.
Ils mettent un point d’honneur à tenir leur rang dans la « compétition morale » en prenant bien soin d’afficher leur respect des bons usages médiatiques, affirmant haut et fort qu’ils n’ont rien à voir avec « l’extrême-droite (quelle horreur !) ». Le fait que ce terme désigne des crânes rasés à croix gammées ou des jeunes à drapeaux tricolores chantant l’ hymne national, ou encore des femmes inoffensives priant à genoux devant des officines d’avortements. Pour eux, est d’extrême-droite ce que les médias leur ont dit de définir comme tel pour prix de leur choix consenti à « l’élite morale »
Toute personne ou groupe qui est fier de ce qu’il est, de son identité, de ses racines, risque de choquer et-heurter la sensibilité de l’autre injustement-stigmatisé. L’objectif reste de ne pas incarner la figure du traditionaliste méchant, autoritaire, en clair, le Père, ennemi juré des corrompus soixante-huitards.
Se faire traiter d’extrémistes par ces opposants n’est pas un drame, mais bien au contraire, un honneur. Osons dire publiquement à nos ennemis qu’ils ne sont ni nos frères ni nos amis, que nous ne tenons pas à ce qu’ils le deviennent, et que le fait qu’ils nous disent que nous avons tort est la meilleure preuve que nous ayons raison. Il y a parmi les plus instruits et cultivés qui n’osent pas adopter une position qui serait plus sage; le douteux avantage de ne pas se faire traiter de fasciste ou de réactionnaire.