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Au lieu d’un château fort dressé au milieu des
terres, pensons plutôt à l’armée des étoiles jetée à travers le ciel.
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LE
PARI BÉNÉDICTIN VU PAR JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD.
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"Ah, cette envie de fuir tout cela
et de s’enfermer dans la citadelle ! Se répéter une fois encore « je
suis chrétien », et attendre que revienne le temps de la foi
partagée ! Après tout, la nôtre est assez solide pour résister aux années
qui passent en verrouillant notre esprit. Attendre la fin de l’orage comme
firent les hôtes ― humains et animaux ― de l’arche de Noé, mis à l’abri du
Déluge. Ne plus bouger spirituellement et oublier les exhortations adressées par
AUGUSTIN aux « voyageurs » que nous sommes. Oui, cette tentation
m’habite encore de temps en temps. Elle a toujours existé. De siècle en siècle,
des hommes et des femmes ont choisi plusieurs fois le refus, l’immobilité
stoïque, le retranchement défensif dans leur statut de croyant.
"La citadelle en question, on
l’aura compris, est d’abord métaphorique.
C’est celle que Thérèse d’AVILA appelle le
château intérieur, dans un livre rédigé en 1577, chef-d’œuvre de la
mystique occidentale. Reste à savoir de quelle façon on habite ce château.
Comme une forteresse insolente, pont-levis haussé et bannières déployées dans
le désert des Tartares ? Comme un abri ouvert à l’autre ? Nous voilà revenus,
on l’aura compris, à cette querelle moderne de la « foi
identitaire », celle que j’évoquais dans le premier chapitre. J’en parlais
alors avec sévérité, mais je n’ai aucune envie de jeter l’opprobre sur les
chrétiens qui revendiquent ― ou assument ― ce qualificatif
d’« identitaire »."
[…]
"Disons que, dans un contexte
changé, cette proclamation est aujourd’hui devenue un piège dont je mesure les
dangers. Certes, je comprends très bien qu’on puisse réagir face à une menace.
On se regroupe, on fait corps pour faire face, quitte à s’enfermer dans un
périmètre particulier. Par réflexe, on brandit son identité devant ceux qui ne
la respectent pas, ou la combattent. Rien de plus naturel. Face à d’autres
discriminations (Noirs, homosexuels, migrants, etc.) les diverses
manifestations que l’on qualifie de pride
(fierté) sont parfois bruyantes mais légitimes."
In
Jean-Claude GUILLEBAUD.
La foi qui reste. (Page 92ss).
L’iconoclaste, Paris, 2017.
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CONTREPOINT
DE ROD DREHER.
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Il
me semble vous avoir déjà donné cet extrait du livre de DREHER. J’y reviens,
car il illustre fort bien ce que Jean-Claude GULLEBAUD veut dire, ainsi du
reste que la citation de Jacques MARITAIN qui nous sert de devise depuis l’inauguration
de cette série consacrée au pari bénédictin.
DREHER parle des pistes que KINZER ouvre aux chrétiens. (KINZER a été député républicain à la chambre des représentants
du KANSAS. Il a lutté, sans succès, pour la liberté religieuse et pour
l’objection de conscience. Il a depuis abandonné partiellement la politique
conventionnelle.)
"« Il ne faut pas être
alarmiste, je sais, mais nul ne peut ignorer les menaces très sérieuses qui
pèsent sur les chrétiens, et les dangers bien réels du monde politique. Les
chrétiens doivent comprendre ce que signifie être en minorité, et à quel point
leur situation est critique. Sans cela, ils joueront à un jeu sans en connaître
les nouvelles règles. »
"KINZER soutient que les chrétiens,
s’ils doivent effectivement se concentrer sur le local et les communautés
paroissiales, ne peuvent pas pour autant se permettre de déserter la politique.
L’enjeu des libertés religieuses est bien trop élevé. Que faire, en ce
cas ? Il propose quelques pistes :
"— Entreprendre des actions
aux niveaux local et national : interpeller les législateurs par courrier
manuscrit (en non en copiant-collant des e-mails de groupes activistes) et lors
des rencontres publiques.
"— Préférer des objectifs
prudent atteignables. Ne pas se lancer à corps perdu dans la guerre culturelle
et gâcher un capital politique précieux en gestes anecdotiques ou au contraire
trop virulents.
"— Rien n’est plus important
que d’assurer la liberté, pour les institutions chrétiennes, de faire grandir
les générations futures dans la foi. Vu notre faiblesse politique, c’est la
priorité et le reste attendra.
"— Faire appel aux médias
locaux pour faire entendre la voix des chrétiens lors de débats importants.
"— Rester poli et respectueux,
de manière à ne pas donner raison à ceux qui considèrent les engagements des
chrétiens comme des combats de bigots puritains.
"— Parce que nous avons besoin
de toute l’aide possible, former des alliances entre les différents courants du
christianisme et avec les religions non chrétiennes. Tendre une main amicale
aux homosexuels qui ne sont pas de notre avis, mais luttent pour la liberté
d’expression et de pensée."
In
Rod
DREHER.
Comment être chrétien dans un monde qui
ne l’est plus. Le pari bénédictin. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Hubert
DARBON. (Page 134.)
Artège, Paris/Perpignan, 2017.
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COMMENTAIRES PERSONNELS.
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Il n’est pas question que les chrétiens,
devenus minoritaires sur une terre où ils furent jadis triomphants (un peu trop
sans doute), désertent le monde. Ils doivent au contraire l’habiter, en sachant
qu’ils n’en sont pas des membres consentants. Le chrétien est dans le monde, il
n’est pas de ce monde.
Je
voudrais donner ici un exemple très concret de l’action du parieur bénédictin.
Il est illustré par la création sur la paroisse Sainte-Jeanne de Chantal de l’association
Oasis. Ouverte à tous les habitants du quartier, elle offre aux jeunes la
possibilité de faire du sport, d’être aidés dans leur travail ; elle aide
de jeunes entrepreneurs à monter leur affaire ; elle propose des
rencontres de réflexion (surtout aux parents d'adolescents). Il n’y a pas d’ostentation dans son action ; il y
a une offre pleine de douceur faite à tous les hommes de bonne volonté, une
offre qui se fait dans le nom de Jésus, mais qui ne l’impose jamais. (Cf. https://www.saintejeannedechantal.com/L-Oasis-le-pole-jeune-de-Sainte-Jeanne-de-Chantal_a223.html ; j’ajoute que
le site ne décrit pas l’intégralité des activités proposées, lesquelles s’adresse,
il est vrai essentiellement aux jeunes).
Penser
à l’armée des étoiles jetée à travers le ciel ! Le ciel serait profondément
obscur s’il n’était clouté de ces brillants, innombrables et pourtant humbles lumignons
que parfois nous devinons avec peine quand la brume est tombée, mais qui n’en
sont pas moins là. Nous n’avons pas à être saisi par la fièvre obsidionale, mais
nous avons l’ardente obligation de proclamer à temps et à contretemps la Bonne
Nouvelle, y compris en manifestant pacifiquement mais massivement et
publiquement notre opinion.
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