Je suis avec passion les cours que dispense au Collège de France le Professeur Anne CHENG. Spécialiste de l'histoire de la pensée en Chine, fille de François CHENG de l'Académie Française, elle traite cette année du renouveau confucéen en Chine, dans ses multiples aspects (politiques, médiatiques, intellectuels, éducatifs), très intriqués les uns dans les autres du reste. Elle a admirablement traduit les Entretiens (ou Analectes) de CONFUCIUS, et, bien entendu, je me suis précipité sur cette traduction. L'ouvrage se présente comme une suite de petits récits, de maximes, de dialogues entre le Maître et ses disciples. J'en extrais ceci qui me semble tout à fait d'actualité.
Livre IV, 11.
La Maître dit : L'homme de bien chérit la vertu, l'homme de peu les biens matériels. L'homme de bien porte en lui le sens de la loi, l'homme de peu ne pense que privilèges.
Livre VI, 16.
Nature qui l'emporte sur culture est fruste, culture qui l'emporte sur nature est pédante. Seule leur combinaison harmonieuse donne l'homme de bien.
Livre IX, 4.
Il y a quatre choses dont le Maître était exempt : les idées sans fondement, les affirmations catégoriques, l'entêtement et l'égocentrisme.
Livre XII,8.
[...] La culture est tout aussi importante que la nature, de même que la nature n'est pas moins importante que la culture ; une fois le poil raclé, la peau d'un tigre ou de léopard ne vaut pas plus qu'une peau de chien ou de mouton.
On n'en finirait pas de citer toutes ces petites séquences, très vivantes, très riches d'enseignements moraux, d'une morale pratique. On aimerait que nos hommes politiques et les élites économiques ou intellectuelles s'inspirassent de cette pensée-là, à défaut d'aller plus profond : ils n'offenseraient point la sacro-sainte laïcité à la française, et ils retrouveraient souvent, sans le savoir, des préceptes de vie tout à fait évangéliques. C'est ainsi que, désireux, en tout cas j'aime à le croire, d'être des hommes de bien, les grands patrons ne se crisperaient pas sur leurs privilèges de bonus et de stock-options, les syndicalistes sur des privilèges tenant à leur statut et ne défendraient ceux des leurs qui violent délibérément la loi ; les intellectuels et les journalistes réfléchiraient à deux fois avant de soutenir des initiatives innovantes dans le domaine moral, en se souvenant que si l'homme est un être de culture, il a aussi une nature qu'il convient de connaître et d'étudier, et qu'il inutile de l'ignorer si l'on tient à faire progresser la société, à défaut de le vouloir pour l'humanité ; les idéologues patentés de tous poils se garderaient d'affirmations dépourvues de fondement et assénées du haut de leur système d'idées toutes faites ; les médias ne ridiculiseraient pas la vertu. Tout cet enseignement confucéen est sain, protecteur de la société ; il voit le long terme et l'intérêt de l'humanité entière.
Lisez, toute affaire cessante, les Analectes de CONFUCIUS. C'est une excellente introduction à la lecture de la Bible.
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