Je vous affirme que j'ignorais que les circonstances me fourniraient l'occasion de parler aussi souvent du livre de Simone WEIL : Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale. J'ai transmis avant-hier à une amie le petit texte que je vous livre aujourd'hui. (Il me semblait en effet qu'elle était une personne libre au sens où l'entend Simone WEIL.) Je n'hésite pas à le faire pour mes rares lecteurs, car il est d'une force incroyable et peut en toucher plus d'un.
"On peut entendre par liberté autre chose que la possibilité d'obtenir sans efforts ce qui plaît. Il existe une conception bien différente de la liberté, une conception héroïque qui est celle de la sagesse commune. La liberté véritable ne se définit pas par un rapport entre le désir et la satisfaction, mais par UN RAPPORT ENTRE LA PENSÉE ET L'ACTION (les majuscules sont de votre serviteur) ; serait tout à fait libre l'homme dont toutes les actions procéderaient d'un jugement préalable concernant la fin qu'il se propose et l'enchaînement des moyens propres à amener à cette fin. Peu importe que les actions en elles-mêmes soient aisées ou douloureuses, et peu importe même qu'elles soient couronnées de succès ; la douleur et l'échec peuvent rendre l'homme malheureux, mais il ne peuvent pas l'humilier aussi longtemps que c'est lui-même qui dispose de sa propre faculté d'agir. Et disposer de ses propres actions ne signifient nullement agir arbitrairement ; les actions arbitraires ne procèdent d'aucun jugement, et ne peuvent à proprement parler être appelées libres. TOUT JUGEMENT PORTE SUR UNE SITUATION OBJECTIVE, ET PAR SUITE SUR UN TISSU DE NÉCESSITÉ. L'homme vivant ne peut en aucun cas cesser d'être enserré de toutes parts par une nécessité absolument inflexible ; mais comme il pense, il a le choix entre céder aveuglement à l'aiguillon par lequel elle (la nécessité) le pousse à l'extérieur, ou bien se conformer à la représentation intérieure qu'il s'en forge ; et c'est en quoi consiste l'opposition entre servitude et liberté."
Si messieurs BOUTON, OUDEA, et autres responsables de la Société Générale, de Natixis, de Total, et autres grandes compagnies du CAC 40 avaient appliqué ce qu'explique si lumineusement ma chère Simone, ils n'auraient point agi aussi automatiquement, pour satisfaire leur désir d'avoir toujours plus, bonus, stock-options, parachutes dorés. Ils auraient examiné la situation objective et les nécessités qu'elle impose : la difficulté qu'ont nombre de leurs salariés à joindre les deux bouts, l'exemplarité de leur comportement, l'engagement (pour certains) de l'Etat dans leurs établissement, les plans sociaux, et ils auraient tout naturellement renoncé à ces avantages indus, car ils auraient été confrontés dans leur conscience à ces insupportables différences de traitement en temps de crise. Ce ne sont pas forcément ces avantages qui sont honteux, encore que..., c'est simplement l'idée qu'ils peuvent être distribués dans la situation actuelle. Ces messieurs n'étaient pas libres. Ils étaient les esclaves de leurs désirs d'argent. La moindre des objectivités consisteraient à reconnaître que le Président SARKOZY, en faisant pression sur ces grands dirigeants, a eu MORALEMENT RAISON.
La condamnation des propos de Benoît XVI sur le préservatif par la presse (française essentiellement ; cf. l'un de mes précédents billets qui reproduit un article du Cameroon Tribune sur le voyage du pape) va exactement dans le même sens que les propos de Simone WEIL. Certes, il est désirable de satisfaire sa libido. Mais est-il convenable de le faire dans n'importe quelle condition et dans l'ignorance des risques - fûssent-ils minimisés par le port du préservatif - que cette satisfaction peut entraîner pour autrui ? La véritable liberté n'est-elle pas ici dans l'application exacte de réciprocité, fondement de la vie morale, "Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse". Feriez-vous l'amour avec un homme séropositif, mesdames, même s'il porte un préservatif ? Feriez-vous l'amour avec une femme séropositive, messieurs, même si vous portez un préservatif ? Il se peut que oui, si le motif de cette union est autre que la simple satisfaction d'une pulsion sexuelle, et témoignage d'un authentique amour. Là est toute la différence entre servitude et liberté.
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