dimanche 22 mars 2009

Rapport de l'OMS sur l'efficacité du préservatif dans la prévention du SIDA


Il est impossible tant du point de vue logistique qu'éthique de mener des essais comparatifs randomisés pour déterminer l'efficacité de l'utilisation du préservatif en termes de réduction du risque de transmission du VIH. Nous devons donc nous baser sur des études observationnelles qui, par nature, présentent un risque de biais. Des études de ce type ont montré que l'utilisation systématique de préservatifs permettait une réduction de 80 % de l'incidence du VIH.



Commentaire de la BSG par Wilkinson D
1. RÉSUMÉ DES PREUVES
Documents en rapport:: Analyse documentaire Cochrane :: Aspects pratiques de la BSG
À propos de l'auteur:: Wilkinson D
Cette analyse Cochrane est une excellente tentative pour estimer l'efficacité des préservatifs dans la réduction de la transmission hétérosexuelle du VIH. Alors que de nombreuses études se sont penchées sur cette question, bon nombre d’entre elles étaient de petite taille et les analyses documentaires réalisées à ce jour étaient associées à un certain nombre de problèmes d’ordre méthodologique.
Les auteurs de l'analyse Cochrane ont identifié et sélectionné 14 études portant sur des couples sérodiscordants (à savoir des couples au sein desquels l'un des partenaires est séropositif au VIH et l'autre non). Au total, 587 personnes ayant indiqué « toujours » utiliser des préservatifs lors des rapports sexuels et 276 personnes ayant indiqué ne « jamais » utiliser de préservatif ont été incluses dans ces études.
L'incidence de l'infection au VIH chez celles ayant indiqué toujours utiliser des préservatifs était de 1,14 pour 100 années-personnes [intervalle de confiance 95 : 0,56-2,04] alors qu'elle s'élevait à 5,75 pour 100 années-personnes [IC95 : 3,16-9,66] chez celles qui n'en utilisaient jamais. Cela correspondait à une réduction de l’ordre de 80 % de l’incidence de l’infection en cas d’utilisation du préservatif.
Il convient toutefois de souligner deux limitations importantes : (a) la méta-analyse a été réalisée en utilisant des données tirées d’études observationnelles ; et (b) les auteurs n’ont pas indiqué d’intervalle de confiance pour leur effet bénéfique estimé à 80 %.
Cette analyse a été bien menée. Comme les auteurs le soulignent à juste titre, il est impossible tant du point de vue logistique qu’éthique de mener des essais comparatifs randomisés pour déterminer l’efficacité de l’utilisation du préservatif en termes de réduction du risque de transmission du VIH. C’est pourquoi nous devons nous fier aux études observationnelles. Les études incluses dans cette analyse comparent habituellement les taux d’infection par le VIH dans les groupes de personnes indiquant toujours ou ne jamais utiliser de préservatifs. Les études observationnelles comportent par essence un risque de biais dans la mesure où les personnes font des choix pour une certaine raison, et si le choix porte sur l’utilisation de préservatifs et n’est pas lié à d’autres facteurs de risque pour le VIH, alors l’estimation de l’effet que nous obtenons sera inexacte.
Ainsi, dans cette étude, malgré les efforts soutenus des auteurs, nous ne pouvons pas être certains que les préservatifs réduisent réellement l'incidence du VIH de 80 %.
Par exemple, il se pourrait que les personnes utilisant toujours des préservatifs aient également des rapports sexuels sans risque et un nombre plus faible de partenaires, ce qui réduit leur risque d’infection par le VIH indépendamment de l’utilisation de préservatifs. Il se pourrait également que certaines personnes indiquant toujours utiliser des préservatifs ne le fassent en fait pas mais affirment aux chercheurs qu’ils le font pour « donner une bonne image ». Des remarques similaires pourraient être soulevées pour les personnes indiquant ne jamais utiliser de préservatif. Les données indiquées par les personnes étudiées elles-mêmes présentent toujours le risque de ne pas être fiables et, dans ce cas, il n’y a aucun autre moyen de confirmer les résultats.
Si l'on considère les valeurs extrêmes des intervalles de confiance à 95 % signalés dans deux cohortes en matière de taux d'incidence du VIH, on trouve que l'utilisation du préservatif pourrait être associée à une réduction de l'incidence du VIH comprise entre 94 % et 35 %. Cette grande variation en termes de valeurs s’explique par le faible nombre de personnes (863) et d’infections par le VIH (51) compris dans ces études. L’utilisation simultanée d’autres mesures pourrait également contribuer à cette variation. En conséquence, l’estimation de l’incidence du VIH dans les deux groupes est plutôt imprécise (entre 0,56 et 2,04 pour 100 années-personnes chez les utilisateurs et entre 3,16 et 9,66 pour 100 années-personnes chez les non utilisateurs).
Ce manque de précision n'est pas dû aux auteurs ni à leur analyse. Il s’agit d’une caractéristique inhérente aux études disponibles. En conséquence, il n’est pas vraiment approprié d’estimer l’efficacité du préservatif à 80 %. Même si 80 % est la meilleure estimation simple d'efficacité, il convient cependant de dire que la mesure réelle de l'effet pourrait aussi bien n'être que de 35 % ou s'élever à 94 %, comme l'indiquent les auteurs dans l'analyse.
2. PERTINENCE DANS LES MILIEUX DÉFAVORISÉS
2.1. Étendue du problème
Cette analyse est très pertinente pour les milieux défavorisés. Les taux très élevés d’infections à VIH et d’infections sexuellement transmissibles (IST) qui contribuent à la transmission du VIH ont été bien documentés dans une grande partie de l’Afrique subsaharienne (où les taux de VIH avoisinent les 30 % dans certaines régions), d’Asie et des autres pays en voie de développement. L’utilisation faible et inconstante des préservatifs dans la majorité des zones touchées constitue un autre problème en relation avec cette situation.
2.2. Faisabilité de l'intervention
L'utilisation correcte, constante et à grande échelle de préservatifs masculins constitue probablement la stratégie de prévention du VIH la plus réalisable disponible à l'heure actuelle. Par rapport à d’autres stratégies en matière de santé, qui nécessitent médecins, infirmiers, professionnels de santé, cliniques, réfrigérateurs, aiguilles, etc., l'utilisation des préservatifs peut être encouragée et ceux-ci distribués et utilisés de façon efficace et sans danger. Il reste pourtant des barrières –y compris culturelles et sociales –mais on ne peut nier la disponibilité immédiate d'une intervention fournissant une protection appréciable.
2.3. Applicabilité des résultats de la Cochrane Review
Le coût des préservatifs est faible et différents projets et programmes sociaux de commercialisation ont montré que la distribution à grande échelle était réalisable. Il ne fait aucun doute que cette intervention sera confrontée à diverses difficultés dans des lieux différents, mais l’expérience et l’intérêt au niveau local parviendront à les surmonter.
2.4. Mise en œuvre de l'intervention
La distribution de préservatifs a déjà lieu de différentes manières dans la plupart des pays en voie de développement au moyen d'un grand éventail de réseaux allant des secteurs de santé officiels aux efforts de commercialisation sociale, en passant par le secteur privé. Il convient à présent de redoubler d’efforts.
2.5. RECHERCHE
Les futures recherches devraient peut-être être axées sur la meilleure façon d'améliorer la distribution et l'acceptation des préservatifs dans autant de lieux différents que possible, plutôt que sur les connaissances supplémentaires concernant l'efficacité réelle des préservatifs.


Mes commentaires :

L'enquête de l'OMS commentée par WILKINSON fait état des biais importants que comportent une méta-analyse observationnelle portant sur l'efficacité du préservatif dans la protection du SIDA, et indique qu'il est impossible de tirer des conclusions absolument fondées scientifiquement sur ce point. La seule chose dont on semble pouvoir être assuré est qu'il réduit les risques, le taux de protection allant de 35 à 90 % selon les analyses. Il est donc certes recommandable, pour les personnes qui n'ont pas les capacités personnelles de gérer leur sexualité dans des conditions jadis considérées comme socialement normales, d'utiliser ce dispositif, en les prévenant cependant du risque encouru en cas de rapports sexuels démultipliés avec des partenaires multiples. Voilà ce qu'il me semble intellectuellement honnête de conclure au vu de ces travaux. Et si la parole de Benoît XVI n'a pas été replacée dans ce contexte par les médias, il faut incriminer soit leur ignorance, soit leur volonté de nuire, soit encore leur incapacité à approfondir le sujet en raison du peu de temps et de place dont disposent les journalistes pour leur papier.

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