mercredi 27 mai 2009

Analyse d'un slogan

Les panneaux électoraux commencent à se couvrir de professions de foi, rédigées par les candidats à la députation européenne. Dans notre région, plus de vingt listes se disputent nos suffrages. L'une d'elle a attiré mon regard : celle que présente le Parti Socialiste sous la direction d'Harlem DESIR. Le slogan qui figure au-dessus des noms des candidats est "Changeons l'Europe". Fort bien. Je prends le slogan au pied de la lettre.
Essayons donc ensemble de voir ce que cela veut dire.
Changer l'Europe ? C'est qu'elle ne va pas bien. En quoi ? Rien n'est dit là-dessus, en tout cas je n'ai rien vu de concret sur les changements souhaitables.
Comment la changer ? Quand on voit la difficulté qu'il y a à mettre d'accord 27 pays sur des mesures concrètes, et les difficultés non moins grandes à faire accoucher l'Europe du Traité de Lisbonne, on peut conclure que changer l'Europe ne sera pas une mince affaire. Mais supposons que l'entreprise soit tentée. Comment faire ?
Première modalité possible : le Parti Socialiste Français se met d'accord avec les autres Partis Socialistes européens pour présenter un programme commun de changement aux électeurs. Il espère obtenir la majorité au Parlement, et par ses propositions infléchir les mesures soumises au vote des députés dans un sens favorable à leur thèse. (a) Il n'y a pas de programme commun ; les leaders socialistes européens ne se sont pas rencontrés ; et on peut douter que le socialisme de monsieur ZAPATERO ou de monsieur G. BROWN soit soluble dans celui des responsables socialistes français tiraillés entre social-démocratie et socialisme marxisant. (b) Les traités donnent au Parlement Européen des pouvoirs de contrôle, mais assez peu de pouvoir de proposition. Le voeux est donc pieux.
Deuxième modalité possible : le Parti Socialiste Français estime qu'il a les forces suffisantes pour imposer à lui tout seul son point de vue à tous les partenaires européens, surtout et y compris les chefs d'Etat et de Gouvernement qui ont et eux seuls le pouvoir de proposition. La chose est fort peu probable, si - ce qui est le cas - le PS joue le jeu de la démocratie et accepte la règle de la majorité.
Troisième modalité possible le Parti Socialiste Français joue l'opinion publique, la rue, les désordres, sur cette question des changements à apporter à l'Europe, et pense entraîner dans son sillage les militants socialistes des autres pays. Le pari est risqué, dangereux, et peu démocratique. Il est en outre fort difficile à mettre en oeuvre tant les intérêts nationaux des responsables politiques socialistes varient d'un état à l'autre.
Quel que soit le sens dans lequel on l'examine, ce slogan est parfaitement vide de contenu et de sens. Il repose sur du vent, ou du rêve, ou de l'utopie. Il est donc mauvais, et impropre à susciter l'adhésion des électeurs.
Ceci étant dit, et contrairement aux voix qui s'élèvent pour condamner la proposition de madame AUBRY, il ne me paraitraît pas inintéressant d'harmoniser les systèmes de protection sociale européens, en une période aussi difficile pour nombre de salariés. Pour cela, point n'est besoin d'un impôt nouveau, mais de négociations intergouvernementales, du type gagnant-gagnant. Il faudrait donc que les pouvoirs publics français, les responsables politiques français, et l'opinion publique française acceptassent de faire des concessions sur certains points pour obtenir des avantages sur d'autres points. Le système de flexisécurité danois, par exemple, protégerait certainement les plus menacés dans leur emploi, mais exigerait en retour un investissement personnel plus important de la part des chômeurs, notamment sur le plan de la mobilité. Le suivi personnalisé des chômeurs qui est en place en Grande-Bretagne est également transposable avec bonheur chez nous, moyennant, là-encore, l'engagement des chômeurs à ne pas tout attendre de l'Etat.
Par-dessus tout, il faudrait que les pouvoirs publics, les médias, les enseignants surtout, insufflassent aux citoyens et aux jeunes d'autres valeurs que celles de la jouissance individuelle, de la facilité, et leur donnassent le goût du risque, car vivre c'est accepter de risquer, ce n'est pas mettre les pieds dans des charentaises en attendant de prendre sa retraite.

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