En continuant de ranger mes livres dans le box où je stocke provisoirement une partie d'entre eux, je retrouve avec joie un livre de Jean-Claude GUILLEBAUD, intitulé La force de conviction. Il y au chapitre 7 de ce livre ("La grand-messe médiatique") une analyse du phénomène contemporain des médias qui est époustouflante. J'aurai l'occasion de revenir dessus. Elle rejoint en de très nombreux points les réflexions de Simone WEIL, de Gustave THIBON, de René GIRARD, de Marcel DE CORTE.
Pour aujourd'hui, je me bornerai à vous donner le texte d'un encart que Jean-Claude GUILLEBAUD intitule Lynchage et foule psychologique. J'irai de mon commentaire après vous avoir livré ce passage crucial.
Indiscutablement, la fréquence des lynchages médiatiques s'amplifie. A croire que le désarroi de l'époque et notre quête d'unanimité pacificatrice exigent une consommation sans cesse accrue de victimes propitiatoires. Chaque année, donc, quantité de personnages (coupables ou non) sont symboliquement déchiquetés par l'appareil médiatique : un criminel supposé, un élu, l'auteur d'une gaffe, un homme d'Église, le pape, etc. Dans chaque cas, le même mécanisme, la même structure et le même discours sont à l'oeuvre. Trop souvent, on assimile le lynchage tantôt à je ne sais quelle cruauté intempestive, tantôt à l'impérialisme d'une idéologie ou d'une pensée unique ; tantôt à un ostracisme dont on se sent victime. Or qu'il soit médiatique ou pas, le lynchage, ce n'est pas du tout cela. C'est un mécanisme sacrificiel autrement sérieux.
Et l'auteur compare ce lynchage médiatique à des lynchages réels comme la lapidation. Il conclut :
Seule différence, ce ne sont pas des pierres qui sont lancées mais des mots. Les mécanismes n'en sont pas moins identiques. Il y a bien dans ces ruées confuses et ces meurtres abstraits, un quelque chose qui nous épouvante parce que tressaille en nous une mémoire obscure. Nous y reconnaissons la trace d'une fureur fusionnelle échappant à l'emprise de la raison, une abdication du libre arbitre, une couardise reconnaissable entre toutes parce qu'elle pue le crime.
Cette analyse rejoint tout à fait les trouvailles de René GIRARD sur le phénomène du Bouc Émissaire. On voit bien l'emballement de l'opinion, qui fait que chacun imite son voisin, et le faisant "en foule" s'exonère de toute responsabilité personnelle. Voilà comment une foule violente peut innocenter ses membres des crimes dont elle est l'auteur. Voilà comment on a pu lors du massacre des gardes suisses clouer des enfants de 7 ans sur le cadavre de leur père, ou, pendant les guerres de Vendée, brûler vifs des femmes et des enfants dans des fours à pain, exterminer des familles entières, sans que quiconque ne se sente responsable de ces atrocités, pas même nos livres d'histoire.
Dans le cas des propos de Benoît XVI, dont j'ai abondamment parlé, c'est l'emballement mimétique qui a poussé l'opinion, entraînée par des médias aveugles et irresponsables (cf. ma lettre ouverte à madame Dorothée WERNER) à jeter les pierres des mots à le tête de cet homme qui a très justement réagi en pointant, avec humour et douceur, le phénomène de cristallisation de la hargne collective contre sa personne. J'ai essayé de montrer, scientifiquement, que les propos du pontife étaient parfaitement justifiés. Peine perdue, provisoirement.
Car les faits sont têtus et le réel nous résiste ; l'humanité paiera ses égarements, sans aucun doute. Et ce qui est vrai des désastres écologiques, de l'épuisement des ressources naturelles, de la pollution chimique de l'environnement, est vrai aussi la transmission du virus du SIDA. Ce n'est pas être pessimiste (je pense à Eugénie, une de mes fidèles lectrices), mais lucide que de prévenir avant d'avoir à guérir le très probable inguérissable. Il nous faut donc lutter contre le lynchage médiatique de toute la force de notre raison.
1 commentaire:
L'argent n'a pas d'odeur...
Les successeurs de Vespasien sont à la télévision.Drucker en sait quelque chose dans son "léchage" médiatique.
PATRICK rencontré à Tibériade!!!
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