Il y a des rencontres de penseurs qui marquent pour la vie. J'en avais fait une dans les années 1990, avec René GIRARD, sans doute l'un des esprits les plus pénétrants du XXe siècle. Je suis en train d'en faire une autre avec Marcel LEGAUT, que je découvre mieux à travers l'ouvrage (j'en ai parlé il y a deux jours) que Thérèse DE SCOTT a consacré à l'oeuvre spirituelle de ce scientifique devenu paysan.
Marcel LEGAUT est un intellectuel de haute volée. Normalien, mathématicien, universitaire. Il a été professeur dans diverses universités (Rennes, Nancy, Lyon). Dans les années 1930, il anime à PARIS, une communauté de vie avec plusieurs de ses amis normaliens, une communauté d'étude et de prière particulièrement ascétique. Il se croit appelé à une forme particulière de vie monastique. Pour diverses raisons, il ne poursuit pas ce projet, et en 1940, peu après s'être marié, il achète une ferme dans le pays drômois de DIE, retape une vieille maison, travaille la terre, élève des moutons, tout en continuant d'enseigner à LYON. En 1942, il abandonne totalement la vie universitaire et désormais se consacrera à sa ferme, et à sa famille qui comptera vers la fin des années 1940, six enfants dont des jumeaux. Marcel LEGAUT est un chercheur, aussi bien en matière scientifique que spirituelle et religieuse. Il aura tenté, avec quelques étudiants, de montrer quel fruit l'on peut faire mûrir quand on s'adonne aussi bien à l'étude qu'au travail de la terre.
Je découvre avec bonheur, étonnement, et incrédulité, qu'en 1940, Marcel LEGAUT, a failli apprendre le métier d'ouvrier vigneron chez Gustave THIBON avec qui Gabriel MARCEL l'avait mis (l'aurait mis ?) en relation. C'est l'époque où cet autre grand penseur-paysan héberge chez lui Simone WEIL. Ainsi, je découvre que des auteurs qui me sont très chers, que, depuis des années, je fréquente avec assiduité, avec humilité, sans envie mais admiratif, auraient pu se rencontrer.
Voici la prière que Marcel LEGAUT fait pour son enfant (à l'époque où il l'écrivit, il n'en avait qu'un).
Que mon enfant, Seigneur vous aime comme je vous aime. Je ne peux pas le lui dire. Il ne pourrait pas me comprendre. Approchez-vous de lui, vous qui l'avez créé et m'avez donné de l'aimer de la paternité. Comment puis-je encore être s'il n'est pas, lui aussi, totalement vôtre ? Ne reniez pas vos oeuvres ! Soyez pour lui, mon Dieu, ce que vous êtes pour moi ! (Dans "Travail de la foi", page 36).
Mes propres enfants ignorent que je tiens ce Blog. S'ils viennent un jour à le découvrir, qu'ils sachent que j'ai fait mienne cette prière, avec une émotion indicible. Il m'est impossible d'en dire plus.
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