A de multiples reprises, j'ai eu l'occasion de dire que, faute de morale publique, les gouvernements devaient avoir recours à la loi, et que la loi, par essence est contraignante et qu'un excès de loi est liberticide. J'ai dit et je redis que la Révolution française, à cet égard, fut la plus grande destructrice des libertés individuelles et collectives que notre Patrie ait jamais connue.
En voici la preuve, trouvée justement dans les Considérations su la France du Comte Joseph de MAISTRE. Notre auteur indique qu'entre le 1er juillet 1789 et le 26 octobre 1795, la Constituante, puis la Législative, puis la Convention, ont produit 15.479 lois. Vous entendez bien quinze mille quatre cent soixante dix-neuf lois. Si vous voulez bien y réfléchir, cela revient à dire que ces diverses Assemblées ont jugé utile de régler par la loi plus de 15.000 activités humaines qui jusque là y échappaient. Que certaines de ces lois aient été nécessaires, c'est l'évidence. Qu'il en eut fallu quinze mille et quelque indique assez quelle volonté de puissance, quel esprit de domination régnaient dans la tête de ces hommes médiocres et vils, qui voulait tout régenter et qui ont tout régenté, y compris des activités humaines traditionnelles et paisibles, réglées jusque là par le cours ordinaire de la vie, l'expérience et la tradition, ce que BERNANOS explique si bien dans La France contre les robots en commentant le mot privilège et son étymologie : privata lex.
Et le Comte de MAISTRE d'introduire le tableau du nombre des lois par ce commentaire : Si la perfection était l'apanage de la nature humaine, chaque législateur ne parlerait qu'une fois mais, quoique toutes nos oeuvres soient imparfaites, et qu'à mesure que les institutions politiques se vicient, le souverain soit obligé de venir à leur secours par de nouvelles lois, cependant, la législation humaine se rapproche de son modèle par cette intermittence [il s'agit de l'intermittence dans la production des lois, du sabbat législatif nécessaire et inévitable quand le législateur est légitime et fondé]. Son repos l'honore autant que son action primitive ; plus elle agit, et plus son oeuvre est humaine, c'est-à-dire fragile.
Et il dira quelques pages plus loin :
Il n'y a [...] pas de souveraineté en France ; tout est factice, toute est violent, tout annonce qu'un tel ordre de choses de peut durer.
Hélas, ses prédictions ne se sont point réalisées. Par la violence des idéologies, en effet, par le viol des particularités régionales et des langues des peuples qui faisaient la France, par l'ignorance délibérée du passé, des traditions, des moeurs séculaires, des habitudes polies par le temps et adoucies par lui, les soi-disants amoureux de la Liberté ont réduit la France à cette énorme Caserne Philosophique dont TAINE parle si bien dans la conclusion de ses Origines de la France contemporaine. On étouffe, on a envie de crier, et pourtant l'on crève d'amour pour une Patrie qui traite si mal ses enfants et qu'elle a conduit par millions au massacre dans des guerres folles et inutiles.
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