Fourmi, dans l'un de ses commentaires, évoque les suicides de jeunes appelés, au temps du service militaire, et suggère que la suppression de ce dernier est liée à la crainte qu'auraient éprouvé certains militaires de carrière devant l'émergence d'une génération de jeunes, incontrôlable ou asociale.
Il est intéressant de rappeler quelques faits. La conscription est une invention de la Révolution. C'est la raison principale de l'insurrection de la Vendée. Les paysans de ce département ne voulaient pas abandonner leurs champs et leur bétail pour faire une guerre décidée sans leur consentement par les parisiens. Ils estimaient qu'il y avait pour cela des professionnels, essentiellement les jeunes gens de la noblesse, et des volontaires, souvent des soudards du reste, enrôlés par les sergents recruteurs, lors de tournées largement arrosées.
Dans un livre auquel j'ai souvent fait allusion (La France contre les robots), qui est une mine de pensées profondes, d'ironie cinglante vis-à-vis des "imbéciles" dont j'ai donné à plusieurs reprises la définition, BERNANOS écrit ceci :
L'homme de notre civilisation, de la civilisation française – qui fut l'expression la plus vive et la plus nuancée, la plus hellénique, de la civilisation européenne, a disparu pratiquement de la scène de l'Histoire le jour où fut décrétée la conscription. Du moins n'a-t-il plus fait depuis que survivre.
Cette déclaration surprendra beaucoup d'imbéciles. Mais je n'écris pas pour les imbéciles. L'idée de la conscription obligatoire paraît si bien inspirée de l'esprit napoléonien qu'on l'attribue volontiers à l'Empereur. Elle a pourtant été votée par la Convention, mais l'idée des hommes de la Convention sur le droit absolu de l'état était déjà celle de Napoléon […].
L'institution du service militaire obligatoire, idée totalitaire s'il en fut jamais, au point qu'on en pourrait déduire le système tout entier comme des axiomes d'EUCLIDE la géométrie, a marqué un recul immense de la civilisation. Supposons, par exemple, que la Monarchie ait osé jadis, par impossible, décréter la mobilisation générale des Français, elle aurait dû briser d'un seul coup toutes les libertés individuelles, familiales, provinciales, professionnelles, religieuses, porter ce coup terrible à la Patrie, car la Patrie, c'est précisément ces libertés. Cette opposition eut pourtant paru naturelle à nos pères.
Je vous invite à lire la suite, tellement vraie, et drôle. On ne peut accuser BERNANOS d'être un réactionnaire aveuglé par l'idéologie. Il pense, et il déduit que le totalitarisme n'est pas du côté où on le pense d'ordinaire, et surtout pas là où nos idéologues, enseignants, journalistes, politiciens veulent à toute force en trouver l'origine et la stigmatiser. Le totalitarisme est du côté d'un État qui a détruit tous les corps intermédiaires qui existaient entre lui et l'administration, qui laisse le citoyen nu, désarmé et sans défense, devant l'aveugle machine d'État, et, selon le mot de Simone WEIL, dévoré par le "gros animal social". On a détruit les ordres, qui correspondaient à des fonctions sociales, identifiées dans les sociétés indo-européennes depuis la nuit des temps, pour les remplacer par des classes sociales aux intérêts divergents, alors qu'ils étaient jusque là simplement différents. Oh, certes, il y avait bien des choses à réformer, à changer ; les cahiers de doléances montrent à l'évidence que la noblesse était tout à fait consciente de la nécessité de participer par l'impôt à la vie de la Patrie, et c'est sur son initiative que les "Privilèges" qui n'étaient plus que des "Avantages" dépourvus de toute contrepartie, ont été abolis. Car figurez-vous, s'il n'y avait pas eu de chasse à courre, les récoltes eussent été ravagées par les sangliers, les chevreuils et autres cervidés ; s'il n'y avait pas eu des guerriers pour protéger les artisans, paysans, commerçants, il n'y aurait plus eu d'agriculture, de commerce, de production de biens utiles à la vie ordinaire. Les agriculteurs de l'antique Asie Centrale en surent quelque chose qui étaient constamment soumis aux attaques des nomades guerriers. Tout cela s'explique et ne se condamne pas ; bien entendu, le système s'était durci et sclérosé. Mais je ne suis pas certains que le nôtre soit plus souple… ou plus libre.
Dans un livre auquel j'ai souvent fait allusion (La France contre les robots), qui est une mine de pensées profondes, d'ironie cinglante vis-à-vis des "imbéciles" dont j'ai donné à plusieurs reprises la définition, BERNANOS écrit ceci :
L'homme de notre civilisation, de la civilisation française – qui fut l'expression la plus vive et la plus nuancée, la plus hellénique, de la civilisation européenne, a disparu pratiquement de la scène de l'Histoire le jour où fut décrétée la conscription. Du moins n'a-t-il plus fait depuis que survivre.
Cette déclaration surprendra beaucoup d'imbéciles. Mais je n'écris pas pour les imbéciles. L'idée de la conscription obligatoire paraît si bien inspirée de l'esprit napoléonien qu'on l'attribue volontiers à l'Empereur. Elle a pourtant été votée par la Convention, mais l'idée des hommes de la Convention sur le droit absolu de l'état était déjà celle de Napoléon […].
L'institution du service militaire obligatoire, idée totalitaire s'il en fut jamais, au point qu'on en pourrait déduire le système tout entier comme des axiomes d'EUCLIDE la géométrie, a marqué un recul immense de la civilisation. Supposons, par exemple, que la Monarchie ait osé jadis, par impossible, décréter la mobilisation générale des Français, elle aurait dû briser d'un seul coup toutes les libertés individuelles, familiales, provinciales, professionnelles, religieuses, porter ce coup terrible à la Patrie, car la Patrie, c'est précisément ces libertés. Cette opposition eut pourtant paru naturelle à nos pères.
Je vous invite à lire la suite, tellement vraie, et drôle. On ne peut accuser BERNANOS d'être un réactionnaire aveuglé par l'idéologie. Il pense, et il déduit que le totalitarisme n'est pas du côté où on le pense d'ordinaire, et surtout pas là où nos idéologues, enseignants, journalistes, politiciens veulent à toute force en trouver l'origine et la stigmatiser. Le totalitarisme est du côté d'un État qui a détruit tous les corps intermédiaires qui existaient entre lui et l'administration, qui laisse le citoyen nu, désarmé et sans défense, devant l'aveugle machine d'État, et, selon le mot de Simone WEIL, dévoré par le "gros animal social". On a détruit les ordres, qui correspondaient à des fonctions sociales, identifiées dans les sociétés indo-européennes depuis la nuit des temps, pour les remplacer par des classes sociales aux intérêts divergents, alors qu'ils étaient jusque là simplement différents. Oh, certes, il y avait bien des choses à réformer, à changer ; les cahiers de doléances montrent à l'évidence que la noblesse était tout à fait consciente de la nécessité de participer par l'impôt à la vie de la Patrie, et c'est sur son initiative que les "Privilèges" qui n'étaient plus que des "Avantages" dépourvus de toute contrepartie, ont été abolis. Car figurez-vous, s'il n'y avait pas eu de chasse à courre, les récoltes eussent été ravagées par les sangliers, les chevreuils et autres cervidés ; s'il n'y avait pas eu des guerriers pour protéger les artisans, paysans, commerçants, il n'y aurait plus eu d'agriculture, de commerce, de production de biens utiles à la vie ordinaire. Les agriculteurs de l'antique Asie Centrale en surent quelque chose qui étaient constamment soumis aux attaques des nomades guerriers. Tout cela s'explique et ne se condamne pas ; bien entendu, le système s'était durci et sclérosé. Mais je ne suis pas certains que le nôtre soit plus souple… ou plus libre.
12 commentaires:
Merci pour ce billet qui nous éclaire et donne des détails sur le système, qui s'appelle du joli nom "l'exception française" . Tout le monde nous l'envie, mais que personne ne copie, sauf les dictateurs et autres sectaires de la planète. Le mur est devant nous, bien heureux ceux qui croit en Saint Bayrou. La charité est en pleine expansion, voila un métier d'avenir, ça c'est du sur sur!
Tant que ne redonnerons pas aux corps intermédiaires (famille nucléaire, famille élargie, villages, bourgs et villes, profession, province,etc.) une véritable liberté, celle que jamais nos rois n'eussent oser violer, nous vivrons dans cette exception française, ruineuse pour nos finances, destructrice de la santé du corps social, désorganisatrice du travail industriel et artisanal. Ce que je reproche par-dessus tout à cette idéologie égalitariste, c'est de donner l'illusion que nous sommes tous des Prix Nobel en puissance. Mais la propulsion de Jean SARKOZY, 23 ans, sur le devant de la scène, un jeune homme qui n'a strictement aucun diplôme ou aucune compétence susceptible de justifier sa nomination à la tête de l'EPAD, est une injure faite à la belle idée (utopique) du mérite et du travail personnel. Il y a là quelque chose qui heurte le sens de la justice et qui illustre la perte de contact d'avec le réel de nombre de nos élites ! Alors là, je comprends que l'on se révolte. Et pourtant, à de nombreuses reprises, j'a dit tout le bien que je pensais de certaines (pas toutes mais presque) réformes conduites par le Président de la République.
Fourmi bout. Fourmi est de nouveau entrée dans une de ces « soupes d’humeur » ( une expression très expressive que j’ai entendue pour la première fois hier) dont elle a le secret. Cette fois grâce à qui ? L'auteur du billet
1. Je n’apprécie pas, mais alors pas du tout, le fait que l’objectif précis d’un commentaire soit dévié par une interprétation qui ne lui appartient pas. Certes, deux expressions semblent être objectives et justes mais je dis bien ‘ semblent’ = « ‘ Sans le dire vraiment’, Fourmi ‘donne l'impression’ de regretter cette suppression »
2. Je ne voulais absolument pas exprimer en demi-voilé mon opinion sur le bien fondé ou non de la conscription. Je n’y pensais même pas. NB. Je connais bien le risque lié à l’exposition d’un texte quant à la diversité de ses interprétations.
3. Vous ne savez pas objectivement pas ce que je pense ou même si je pense qqchose de précis sur cette question.
4. Le but de mon commentaire portait sur les suicides. Point barre.
5. Déception.
6. Pourquoi ? Non pour la contestation en bonne et due forme de ma supposée opinion présentée de façon logique et reposant - elle - sur des faits, mais parce que je connais, ainsi que vos lecteurs, votre sens d’une analyse rigoureusement, j’allais dire « scientifique », indépendamment de leur accord ou non avec votre conclusion .
Il n’y a pas si longtemps, vous rappeliez combien « vous étiez amoureux des faits et de la vérité ». Or, dans le cas qui me préoccupe, votre « impression », qui exprime en réalité un jugement, n’émane ni d’un fait ni d’une vérité.
7. Cela dit en toute considération. Voilà ! N’ayez crainte pour l’état de Fourmi : elle se sent déjà mieux et nettoie ses antennes pour mieux distinguer les lettres qui composeront votre réponse qu’elle attend de pied (excusez : de patte) ferme.
NB. Il se trouve que j’ai entendu hier dans mes montagnes une belle histoire sur la conscription. Si Fourmi sort de sa soupe, elle vous la racontera. NB : savoir qu’on peut pleurer.
Chère Fourmi, désoler de vous avoir irrité à ce point. Je pensais avoir pris suffisamment de nuances pour expliquer que c'était ce que j'avais compris. Je me suis trompé. Je vais donc supprimer dans la nouvelle mouture toute allusions à votre commentaire. Bien amicalement.
Dommage, chère Fourmi, que la mouche vous aie piquée. L'interprétation de votre pensée relevait d'une importance que je qualifierais de faible. Allons, faites parler VOTRE LIBERTE INTERIEURE, celle qui vous met de bonne humeur. Amicalement
Merci, Philippe, pour votre compréhension.
Merci bonne Genevieve.
A Norman et Fourmi
Pourquoi dire "bonne Geneviève"? Qui peut- être bonne, sinon Dieu? CF les textes d'hier dimanche.
Ceci dit uniquement avec de l'humour et, peut-être (va savoir), un peu d'amour?
12 oct 12h
A l’attention d’Olibrius :
En ce qui concerne Fourmi, reine ou pas, elle se heurte à un pb de communication au ras des pâquerettes : certes, elle prend acte de l’évolution de son ‘sentiment’ à son égard mais comment voulez-vous qu’elle s’exprime, avalée, morte par son ingestion il y a déjà une quinzaine de jours ? Quelle fourmi pourrait encore émettre un son ?
Et pourtant elle aurait qqhose à lui dire.
Il faudrait la baguette magique d’une fée qui passerait... mais pour me dénicher dans des montagnes sombres et profondes, il lui faudra sans doute du temps.
Enfin... je vais peut-être ouvrir un œil un de ces jours.
13 octobre 8h5
Voilà Olibrius: j’ai ouvert 1 œil ce matin au réveil, une chance ! - enfin je suppose > Suite de votre commentaire du 7 octobre :
Effectivement « ne pas se prendre ni plus haut que l’on est ni plus bas mais à sa juste valeur. »
Or n’avez-vous pas entendu récemment que votre juste valeur est d’être « une force de croissance » ?
Je ne sais pas si beaucoup de gens sur la terre ont reçu un tel écho de ce qu’ils sont – de plus une force qui a été perceptible à travers un écran. Faut déjà qu’elle soit forte.
Même la reine des fourmis qui pourtant a beaucoup pérégriné de par le monde n’a jamais entendu une telle louange, ni pour d’autres personnes et encore moins pour elle. Comme quoi porter une couronne...
En tout cas vous voici doté d’un charisme reconnu qu’il convient à présent d’exercer...à sa juste valeur ... si possible sans trop gratter quand même ... juste un peu.
NB. Ne le dites à personne mais moi « je rame » aussi par moments : les commentaires sur la finance seraient écrits en pur chinois que le résultat serait le même > « Comment voulez-vous que je suive et encore plus que je comprenne ? » Je n’ai pas les bases. Alors je regarde les textes de loin comme des bateaux qui passent...De beaux bateaux mais qui ne m’emportent pas. Tant pis. Et tant mieux pour ma couronne, elle ne sera pas trop lourde et ainsi ne tombera pas.
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