jeudi 26 septembre 2013

Nouvelles de la Résistance : quand les mandarins confisquent la démocratie

Dans l'avant propos à son livre consacré aux fonctionnaires divins de la Chine, Jean LEVI, un très brillant sinologue français dit ceci à propos de l'émergence de la classe des mandarins au milieu de la ruine de la société aristocratique, féodale certes mais chevaleresque, de la Chine antique :
 
"Dans un monde où les mobiles des hommes ont été mis à nu, où la politique a été dépouillée du voile encombrant de la morale, il devient possible de manipuler les hommes et ainsi de reprendre le contrôle du devenir. Il suffit pour cela de créer une machine qui soit aussi spontanée, aussi universelle et inhumaine que l'insaisissable objet qu'elle veut étreindre, parce qu'elle est coulée dans les plus bas instincts de l'homme. Cet appareil, c'est la bureaucratie qui tourne rond et fait marcher droit. Les hommes marchent droit grâce aux lois ; le temps tourne en rond par le discours ; des techniques de surveillance rendent tous les actes prévisibles, tandis que les rites, redécouverts, transforment le cours de l'Histoire en cycle saisonnier. Tels sont les fondements de l'ordre absolu".
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Jean LEVI applique l'analyse à cette classe de lettrés qui peu à peu ont pris le pouvoir en Chine antique, en l'édifiant sur les ruines laissées par l'effondrement des Royaumes Combattants. Ce texte est d'une étonnante modernité, et il exprime très exactement la situation actuelle de notre patrie. L'ordre féodal de l'Ancien Régime, injuste à bien des égards - il est nécessaire de le reconnaître, mais il était réformable en profondeur grâce au concours de ceux qui en étaient pourtant les bénéficiaires [cf. le duc d'AIGUILLON ou le comte de NOAILLES] - s'est effondré dans les violences et les convulsions de la Révolution. Avec le bienveillant concours du tyran BONAPARTE, ridiculement transformé en empereur d'un pays qu'il a d'abord détesté (ses lettres, écrites de Corse en témoignent abondamment), une classe de nouveaux mandarins a confisqué le pouvoir concret (du Préfet aux Directeurs départementaux ou régionaux, des secrétaires généraux de préfectures à ceux de régions, sans compter les innombrables chefs de service des diverses instances chargées de mettre au pas les Français et qui sont si nombreux qu'il est impossible de les énumérer) dans le respect absolu des injonctions de l'Etat qui les recrute et les promeut. Ce pouvoir, il appartenait aux corps intermédiaires, dont TAINE souligne avec nostalgie la disparition et avec elle la dissolution du lien social ; l'historien souligne que depuis l'Empire, nous vivons dans "une caserne philosophique".
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Mais la pire classe de mandarins qui soit, c'est très clairement celle des soi-disant représentants du peuple : les députés et, indirectement, les sénateurs. Combien d'entre eux, avant d'être élus, exerçaient une profession qui ne soit pas celle de fonctionnaire ? Combien d'entre eux peuvent avoir de la réalité une vue qui ne soit pas d'abord celle de l'Etat dont ils ont tiré pitance avant de se lancer dans l'arène de la politique ? Combien savent ce qu'est un bilan, une trésorerie ? Combien savent ce qu'est d'établir un bulletin de salaire, de correspondre avec l'inspection du travail, de traiter avec les URSSAF, de trouver des clients ou un marché ?  je veux dire le savent CONCRETEMENT, EXPERIMENTALEMENT ? Combien ont été CHEFS D'ENTREPRISE ? Tout est dans leur tête, dans leur idéologie, dans leur passion immodérée et irrépressible du pouvoir.
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Je vous ai mis le lien qui vous permettra de voir une petite vidéo tournée à BORDEAUX lors des journées parlementaires du PS. Vous verrez comment ces nouveaux mandarins confisquent à leur profit la police d'état pour ne pas avoir à entendre les protestations du peuple (certes, il n'y avait pas foule de manifestants à BORDEAUX ; il y avait foule de forces de l'ordre). C'est tout à fait édifiant. Nous vivons dans un système bureaucratique qui nous prive des libertés les plus élémentaires, celle de protester, celle de professer publiquement ce à quoi nous croyons (hors du champ religieux bien sûr, mais dans celui de la conception de l'homme et de la société), celle de dire non à des gens qui nous accablent de taxes, mais ont refusé de modifier leurs traitements, leur système de retraite, ou encore de supprimer les avantages indus dont ils bénéficient. Je ne sache point que l'UMP ait protesté contre ce refus de changer quoi que ce soit à ce honteux régime de faveur. Voilà le lien :
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http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=V-sJr-PEzPk
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Nous crevons ce cette soi-disant élite, et tout particulièrement de celle qui constitue la classe des hauts fonctionnaires ; ils trouvent normal de jouer au ping-pong entre leur emploi public et des emplois privés où ils peuvent négocier contre argent sonnant et trébuchant les relations qu'ils avaient quand ils étaient au service de la patrie. Il ne faut pas généraliser. Il y a des hauts fonctionnaires qui ont eu la passion de servir (jadis un Paul DELOUVRIER, aujourd'hui un Xavier MUSCA à qui, avec l'élégance de pingouin qu'on lui connaît, monsieur HOLLANDE a refusé la direction de la Caisse des Dépôts, préférant y mettre un homme à sa botte). Honneur à eux, et honte aux autres qui se gavent d'un  argent immérité qu'ils dérobent au peuple.

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