vendredi 14 septembre 2018

Mercredi 12 septembre 2018. Nouvelles du pari bénédictin. La parole humiliée.


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Au lieu d’un château fort dressé au milieu des terres, pensons plutôt à l’armée des étoiles jetées dans le ciel.
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JACQUES ELLUL PARLE DE LA PAROLE HUMILIÉE.
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"Voici venus des temps redoutables : ceux de la « pensée molle » et de la parole humiliée. Une indifférence empoisonnée s’élève lentement comme un mauvais brouillard, des tumultes du moment et des querelles spectaculaires. Les discours modernes ont basculé dans l’enflure du dérisoire. Rien ne serait plus vrai ni faux, tout deviendrait « égal » dans le monde du bavardage et du soupçon. Temps de déréliction et de désespoir, temps d’irresponsabilité et du « parler pour ne rien dire »."
Jacques ELLUL.
La Parole humiliée. Quatrième de couverture.
Le Seuil, Paris, 1981. (Cité par Jean-Claude GUILLEBAUD).
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CONTREPOINT DE PHILIPPE MURAY.
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À propos de l’appel des Inrockuptibles contre la prétendue guerre à l’intelligence.
"D’intelligence, dans « L’Appel » des Inrockuptible, on n’en trouve pas trace. Il y a de la drôlerie en revanche, à voir défiler au fil de ce plat pensum, les nouveaux protagonistes hétéroclites de la désastreuse comédie humaine actuelle : l’universitaire sans crédit, le laborantin en panne, le doctorant précaire, la post-doctorante en exil, le jeune physicien en CDD, le latiniste mécontent, l’urgentiste en alarme, le psychanalyste interdit d’exercice, le médecin trop encadré, le juge débordé de dossiers, l’archéologue privé de fouilles. Quelle famille ! Et quel spectacle si un intermittent s’avisait de fédérer, sur quelque scène alternative, tous ces personnages de la comédie pétitionnaire pour leur faire danser le menuet des intelligents, la bourrée des frustrés, le grand opéra de l’amertume culturelle, le charleston des clercs. Ce serait plus amusant que cet « Appel » où, au nom de la complexité du réel, on donne des notions d’anti-binarisme, mais en partant du postulat (pas du tout binaire, lui) d’une distinction de principe entre les intelligents et les autres."
In
Philippe MURAY.
Moderne contre moderne. Exorcismes spirituels IV. Quatrième tirage.
Chapitre Guerre à l’intelligible. (Page 182.)
Les Belles Lettres. Paris, 2010.
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COMMENTAIRES.
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"Au commencement le Verbe était et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut. De tout être il était la vie et la vie était la lumière des hommes et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres n’ont pu l’atteindre." (Jean 1, vv1-5.)

L’humiliation de la parole, (mot à prendre ici dans toutes ses acceptions : celle de la parole qui fait sens, mais aussi celle de la parole donnée) n’est jamais qu’une des manifestations multiformes de la haine de Dieu. Le parieur bénédictin ne doit pas cesser de dire qui est le Verbe par qui tout a été fait. Il est assez intéressant, du reste, de noter que GOETHE met dans la bouche du Dr FAUST ceci qui est terrible (traduction de Gérard de NERVAL) :
« Au commencement était le verbe ! Ici je m’arrête déjà ! Qui me soutiendra plus loin ? Il m’est impossible d’estimer assez ce mot, le verbe. Il faut que je le traduise autrement, si l’esprit daigne m’éclairer. Il est écrit : Au commencement était l’esprit. Réfléchissons bien sur cette première ligne et que la plume ne se hâte pas trop ! Est-ce bien l’esprit qui crée et conserve tout ? Il devrait y avoir : Au commencement était la force ! Cependant tout en écrivant ceci, quelque chose me dit que je ne dois pas m’arrêter à ce sens. L’esprit m’éclaire enfin ! L’inspiration descend sur moi, et j’écris consolé : Au commencement était l’action. »
C’est bien au nom de ces principes que l’on a vu lors des dernières élections présidentielles un Bruno LE MAIRE, candidat à la candidature pour le Présidence, au sein du parti les Républicains, accepter de devenir ministre de monsieur MACRON. Ne parlons pas de monsieur SOLÈRE qui s’est renié de la même façon, après avoir été le Président d’un Comité Théodule chargé de veiller au bon déroulement des primaires de la droite.
L’un et l’autre, (mais s’ils sont emblématiques de la prééminence de l’action sur celle du verbe, entendu comme adéquation de la pensée articulée et de la vérité, ils ne sont pas les seuls) humilient le Verbe, la parole et du même coup l’action. C’est ce que confusément sans doute mais très fortement le peuple français ne supporte plus : ni la pensée molle ni la guerre à l'intelligible.



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