mercredi 13 mai 2009

Réforme hospitalière

Il faut avoir un cerveau d'énarque pour imaginer qu'un établissement hospitalier puisse être dirigé par un directeur tout puissant, purement administrateur, et donc purement administratif et, disons le mot, purement bureaucratique. Le Professeur MARESCAUX - que je connais et dont j'admire grandement les qualités scientifiques et humaines - a heureusement proposé de modifier cet aspect inacceptable de la réforme proposée par madame BACHELOT, par la création d'un directoire comprenant des médecins.
Ce qui était inacceptable par le corps médical peut se résumer en quelques propositions très simples : un hôpital a pour fonction de soigner les malades ; les personnes qualifiées au premier chef pour ce faire sont les médecins et les infirmières, aidées des pharmaciens et personnels paramédicaux pour la mise en oeuvre des traitements, en aucun cas cette fonction ne peut être assurée par des administratifs. Ces personnels soignants sont également responsables de la qualité de ces soins ce que ne sont pas les administratifs. Il est donc parfaitement inconcevable de séparer la responsabilité de l'autorité ; il est inconcevable que des décisions prises par un administratif puisse indirectement engager la responsabilité du personnel médical. Je m'étonne qu'aucun médecin hospitalier n'ait mis en avant cette raison de bon sens. Bien entendu, il ne s'agit pas de nier l'utilité de l'administration hospitalière ; elle est nécessaire pour assurer la logistique (entretien des bâtiments, confection et distribution des repas aux malades, investissements en matériels divers), domaine qui ne relève pas de la compétence des personnels soignants. Mais elle vient en appui, et non en première ligne.
Un hôpital ne peut être géré comme une entreprise ; c'est l'évidence même. Il ne s'ensuit pas pour autant qu'il peut jeter par les fenêtres l'argent de la sécurité sociale et des contribuables, en le dissipant dans des dépenses inutiles, somptuaires, ou redondantes (multiplicité des demandes d'un même examen ou d'une même analyse, quand un patient change de service, par exemple ; achats intempestifs de véhicules ; travaux coûteux entrepris dans les appartements des Directeurs ; figurez-vous que ce pluriel est parfaitement justifié ; je connais un très grand CHU qui ne compte pas moins de 24 personnes ayant le titre de Directeur, à quoi s'ajoute le Directeur Général).
Je suis en revanche absolument interloqué quand j'apprends que l'on supprime 20 postes d'infirmières dans le service d'Onco-hématologie du Groupe hospitalier Pité-Salpétrière, et 40, dans le service de Neurologie de ce même établissement. Il faut affirmer ici avec force que les économies en frais de personnels doivent être réalisées sur d'autres postes que sur ceux du personnel soignant. Et c'est probablement du côté de l'administration hospitalière qu'il faut chercher (cf. mes 24 Directeurs de tout à l'heure). La complexité des statuts est également une source de dépenses inutiles. Un Professeur des Universités-Praticien Hospitalier relève, pour une partie de ses fonctions, du Ministère des Universités, et pour l'autre du Ministère de la Santé. Viennent se mêler à tout ça, l'Agence Régionale d'Hospitalisation, le Conseil d'Administration, la Faculté de Médecine, l'Université. Toutes ces structures ont leur mot à dire sur le personnel. Quand un CHU héberge une ou des équipes de l'INSERM et/ou du CNRS, les administrations centrales de ces organismes interviennent aussi. Bref, c'est un cafouillage inextricable.
J'ai été responsable pendant près de trois ans, en tant que Vice-Président de la défunte Université Louis Pasteur de Strasbourg, des locaux de l'Université. C'était absolument invraisemblable. Certains bâtiments universitaires étaient construits dans l'enceinte de l'hôpital. Leur statut relevait d'une convention signée en 1929 ! Un bâtiment, par exemple, avait un balcon qui dépassait de la façade, à l'aplomb d'un terrain appartenant à l'hôpital, alors que le reste de l'emprise du bâtiment était universitaire. Il est temps de simplifier tout cela, et de faire confiance à la négociation locale entre les partenaires impliqués pour qu'ils trouvent la solution adaptée au contexte local.
Autre problème : on feint d'ignorer que la France dispose d'une surcapacité de lits hospitaliers. Mais chaque petite ou moyenne ville défend âprement son pré-carré et veut conserver un hôpital polyvalent, souvent vétuste ou sous-équipé, alors qu'il serait tellement plus simple d'aller vers une certaine spécialisation (permettant des économies d'échelle sans affecter le personnel), ou même, de supprimer purement et simplement des hôpitaux qui n'ont pas le plateau technique et le personnel suffisant pour remplir correctement leur fonction. Le personnel dégagé par cette restructuration pourrait être avantageusement réaffecté. Bien entendu, tout cela suppose des discussion locales, et éventuellement des dédommagements. On peut concevoir qu'une infirmière ou un médecin hospitalier qui ont construit une maison sur le lieu même de leur travail éprouvent quelques résistances à changer de lieu d'affectation. Cela mérite d'être étudié. Pourquoi ne pas imaginer des systèmes d'hôpitaux itinérants, faits de camions aménagés de manière idoine, et sillonnant périodiquement un territoire donné pour assurer un service de policlinique, et une orientation des cas les plus délicats vers des hôpitaux spécialisés ou des CHU ?
On comprendra que la question me tient à coeur. J'ai collaboré des années durant avec des collègues médecins, et j'ai publié avec nombre d'entre eux. Je comptais parmi eux des amis intimes. Je sais leur travail harassant et leur conscience professionnelle : ils méritent mieux que la gouvernance par un directeur unique, uniquement préoccupé de gestion.

3 commentaires:

olibrius a dit…

Je ne suis pas énarque...trés loin de là. Je connais toutefois assez bien le milieu médical. Et si à la place de tous ces personnages, on mettait un bon président QUI NE SERAIT PAS FONCTIONNAIRE et qui gererait l'hopital comme est gérée une entreprise privée. On donnerait des primes au personnel qui dégagerait des bénéfices et ces primes seraient partagées à l'inverse des salaires, à savoir les petits salaires toucheraient les grosses primes et vive versa. De plus, on obligerait les établissements privés à prendre tous les malades qui se présentent et non pas à choisir ce qui est le plus juteux et l'on supprimerait tous les établissements A BUT LUCRATIF, et il y en a. Mon Dieu, je suis en train de relancer un mai 68 médical!!!
Je puis aussi vous assurer qu'il y a des services dans certains établissements où on ne manque pas de personnel. Combien de fois en ai-je vu en train de jouer sur le net. d'ailleurs c'est à l'hopital que l'on m'a appris à jouer au sudoku!!
Etonnament, j'ai entendu par ler de monsieur Marescaux, par un ami ,maintenant retraité, mais ancien anesthésiste-réanimateur dans un hopital de province spécialisé dans les travailleurs des mines. Il a fait ses études avec ce même Marescaux, qui, aujourd'hui,quand ils se rencontrent, ne le salue même plus. Ah, cher monsieur, nous ne sommes pas du même monde!!! La non plus je n'attaque auaucne personne.

Philippe POINDRON a dit…

Si, nous sommes du même monde. Je suis troublé par ce que vous me dites du Pr MARESCAUX. Et bien entendu, je trouve incroyablement mesquin l'attitude de ce collègue. Je le croyais plus ouvert. Mais vous le savez... "Jupiter aveugle ceux qu'il veut perdre". Fuyez, fuyons toutes positions de pouvoir. Je n'en connais qu'une qui soit humanisante : celle du Maître qui se fait serviteur de tous.
Bien entendu, j'ai connu moi aussi des services bien dotés en personnel et qui ne croûlaient pas sous le travail. C'est l'exception, en tout cas dans les CHU. Il s'agissait en général de services très techniques souvent spécialisés dans des explorations fonctionnelles délicates, très rarement pratiquées mais indispensables à certains diagnostics.
Je partage tout à fait votre avis en ce qui concerne une direction qui ne soit pas assurée par un fonctionnaire. Nous en crevons. Ils forment (et surtout les Directeurs d'Hôpitaux) une caste à part, un corps très fermé, qui dispute ses avantages pied à pied aux pouvoirs publics.
Enfin, je ne crois pas que l'on puisse gérer un hôpital comme une entreprise. Mais je pense qu'il est impossible de séparer la vertu de l'intérêt. Tant que les ordonnateurs des dépenses n'auront aucun intérêt personnel à faire des économies, ils continueront de dépenser sans compter.
Toutes les cliniques ne sont pas à but lucratif. Celles qui forment le réseau saint-Vincent à Strasbourg, et qui sont confessionnelles (catholiques), sont à but non lucratif. Et elles ne croûlent pas sous le déficit. Mais la politique est l'art du possible, pas l'art du désirable... C'est bien dommage, mais c'est ainsi.
Vous voyez, nous sommes bien du même monde. Et continuez de me titiller. C'est très stimulant pour les neurones...

olibrius a dit…

Comme je vous le disais, je connais "un peu" certains milieux médicaux, dont le groupe Saint-Vincent (à moins que je fasse erreur). Ce ne serait pas dans ce groupe où exercerait un service d'oncologie libérale, avec pas mal de médecins, qui serait à cheval sur une clinique privée A BUT LUCRATIF et sur une clinique du groupe Saint-Vincent. Bien entendu, ce service d'oncologues ou autre spécialité du genre est A BUT LUCRATIF. Alors comment c'est-y possible tout cela? (sauf mauvaise information, mais errare humanum est!)