Monsieur,
Il y a quelques années, un député
alsacien dont je tairais le nom avait invité un de ses amis et moi-même à
assister à une conférence que donnait une éminente juriste, professeur de
droit, dans une salle dépendante du Palais Bourbon. J’y fus.
Vous y assistiez, monsieur. Le
hasard a voulu que je fusse assis à votre droite. J’avais jusque-là de la
sympathie pour vous. C’est pendant cette conférence que cette sympathie s’est
transformée en stupéfaction, une stupéfaction négative, il faut que je le dise.
L’éminente juriste en question
dont j’ai oublié le nom tout comme le sujet dont elle traitait, me semblait
donner dans le relativisme juridique le plus total. Le moment des questions
arrive. J’en pose une ; c’était une interrogation, non point une
accusation. Avant même que la conférencière réponde, c’est vous qui, me toisant
avec arrogance, aviez répondu à sa place, en me reprenant vertement. La
conférencière était interdite et bafouilla alors une réponse qui montrait qu’elle
non plus n’avait rien compris à ma remarque. Elle était trop pleine de son
sujet pour accorder la moindre importance aux questions d’un profane.
Ceci m’avait prouvé trois choses :
(a) vous n’aviez pas écouté ce que j’avais dit ; (b) par
conséquent que vous ne pouviez pas me comprendre ; (c) mais que vous
aviez une réponse venue tout droit de votre inoxydable et universel savoir du politique
patenté que vous êtes. De ce jour, j’ai compris qu’il n’y aurait rien à
attendre de vous qui ne soit issu de votre ego surdimensionné. François
MITTERRAND, dit-on, vous appréciait beaucoup. On le comprend, lui qui mania le
cynisme, le mensonge et l’obscurité de la pensée politique avec un art extrême
que vous semblez lui avoir emprunté.
Je poursuis cette lettre, en
reprenant un article du Parisien. Je prie par avance le signataire de l’article
d’excuser mon rapt !
"Le 4 février, lors d'un
meeting à Lyon, Emmanuel Macron avait assuré «qu'il n'y a pas une culture
française, il y a une culture en France, elle est diverse, elle est multiple».
Alors que leur alliance venait d'être scellée, Français Bayrou s'était démarqué
de son candidat, assurant que pour lui «il y a une culture française, avait-il
déclaré lors du Grand Rendez-vous Itélé-Europe1-Les Echos. Je suis un défenseur
de la culture et de la langue française».
Mais ce dimanche 2 avril,
rétropédalage. Invité de RTL pour le Grand Jury, le maire de Pau s'est aligné
sur la position de son candidat. «Non, il n'y a pas de culture française, il
n'y pas de littérature française ou de rock français», estime François Bayrou.
«Dans les arts, heureusement que nous ne sommes pas enfermés dans un cadre
national. La littérature française a été extraordinairement enrichie par la
littérature des caraïbes francophones», justifie-t-il."
Si vous disiez à un écrivain
francophone des Caraïbes que ses écrits ne procèdent pas de la culture
française, il ressentirait sans aucun doute votre affirmation comme une insulte
à son talent. Dites la même chose à un François CHENG ou à un Andrei MAKINE, à Tahar BEN JELLOUN, sans compter Eugène IONESCO qui n’est plus de ce monde. Allez leur dire que
leurs œuvres ne procèdent pas du génie de notre langue, enrichi par le génie
propre de leur patrie, et écoutez leur réaction.
Vous avez beau être agrégé de
lettres classique, monsieur, cela ne vous empêche pas d’avoir commis une
cuistrerie à l’endroit de votre patrie. Pour cette raison, puisque vous avez
revêtu la tunique neuve de votre nouveau mentor, vous vous êtes définitivement
disqualifié. Car, partageant la répulsion de BERNANOS vis-à-vis de l’abject
nationalisme, je partage aussi son patriotisme qu’il a pris grand soin de
distinguer du poison qu’il dénonce.
J’ai bien l’honneur, monsieur, de
vous saluer.
Philippe POINDRON.
Professeur honoraire des
Universités.
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