Il y a 75 ans, très exactement, les
autorités nazies forçaient les alsaciens et mosellans des territoires jadis
cédés à l’Allemagne, après la guerre de 1870, à servir dans les armées du Grand
Reich. Il en est parti 134 000, et 40 000 d’entre eux y ont laissé la
vie.
Je voudrais d’abord rappeler que
lorsque la France vaincue par les Prussiens céda ces territoires à l’Empereur d’Allemagne,
les députés alsaciens et mosellans protestèrent. C’était le 17 février 1871, les
députés de la jeune République commençaient bien mal leur rentrée dans le
concert de l’Europe nouvelle. Les députés désormais exclus furent salués debout
par quelques rares patriotes. Les autres, résignés, acceptaient la défaite
comme le firent en 1940, dans cette même ville de Bordeaux le Comité de
liquidation qui cédait la France au Maréchal Pétain et à Hitler. Inaugurée dans la défaite, la IIIe République mourait dans les mêmes conditions.
J’ai vécu près de 40 ans en Alsace,
pays que j’aime par-dessus tout. J’ai connu de ces Français engagés malgré eux
dans les armées nazies. L’un d’eux était un de mes collègues,
internationalement connu pour ses travaux scientifiques. Il ne s’était jamais
remis de ce recrutement obligé et chaque fois qu’il l’évoquait, c’était avec
des larmes dans les yeux. Un autre, un très saint prêtre, avait lui aussi été
obligé de servir. Il en souffrait encore quand il me l’expliquait. Les deux ont
quitté cette terre. Je pense à eux avec émotion.
Les derniers « malgré nous »
comme il est convenu de les appeler, ne rentrèrent en France qu’en 1955,
libérés du camp de Tambov, où les staliniens les avaient emprisonnés.
Ah ! Chers compatriotes, si
vous connaissiez un peu l’Alsace, si vous sentiez frémir ce cœur ardent et si
français de cette province, vous rendriez aux Alsaciens l’hommage qui leur est
dû. Je voudrais du reste terminer ce récit par une histoire authentique qui m’a
été livrée par un acteur de la scène. Nous sommes à l’automne 1940. La France est
vaincue. Dans le petit village de Grendelbruch, les instituteurs et
institutrices français ont été remplacés par des pédagogues nazis. Une
institutrice commence son cours par un « Heil Hitler », et le petit
garçon d’alors lui répond ! « Ici, on dit Louez soit Jésus-Christ ! »
C’est lui-même qui, sur la cinquantaine, m’a raconté la scène. Multipliez par
dix, cent, mille, ces exemples et vous verrez qu’en matière d’amour de la
patrie, on fait difficilement mieux.
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