jeudi 11 octobre 2018

Jeudi 11 octobre 2018. Nouvelles du pari bénédictin : Europe bénédictine, oui ! Europe du grand machin, non !


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Au lieu d’un château fort dressé au milieu des terres, pensons plutôt à l’armée des étoiles jetée dans le ciel.
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L’EUROPE ET LA MORT.
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"Ce sont surtout les individus européens que l’on pousse à disparaître dans l’unification européenne, et à oublier l’Europe aux anciens parapets, aux divisions, aux conflits, aux différenciations, aux immenses œuvres d’art aussi et surtout. La « construction européenne » est la destruction du passé et de la mémoire de l’Europe. On incite les Européens à entrer dans le sarcophage européen au nom de la sécurité et du principe de précaution qui sont l’essentiel programme politique et idéologique de l’Europe actuelle ; et ce programme ne pourrait être appliqué si subsistaient les anciennes frontières et les anciennes divisions, pas seulement géographiques mais intimes aussi et d’abord (d’où la nécessité de l’apparition d’un nouvel homme subjectivement unifié dans un univers qui l’est objectivement). […]. En réalité, l’Europe et l’Amérique avec des moyens certes différents, se nourrissent de la même religion de la sécurité, où l’instinct de conservation remplace la vie, et où la guerre au risque (comme aux dissidences résiduelles et aux négativistes) est la seule guerre encore envisageable, et aussi probablement la dernière, et la seule source d’aventures quand l’Histoire s’est retirée. Tout l’Occident moderne est marqué par cette obsession, qui lui donne sa couleur à la fois grotesque et à mourir d’ennui. Ici comme ailleurs, il s’agit pareillement d’empêcher les morts de mourir. La guerre américaine contre le terrorisme (légitime, sauf que dans le cas de l’Irak, elle s’est bien entendu trompée de cible) relève de l’assurance-vie obsessive, comme la construction européenne. Dans les deux cas, la mort anticipée règne. Et la prévention de la mort est le seul programme proposé aux vivants. C’est le seul avenir que l’on ait à leur indiquer, et le chemin pour y aller est unique : il n’est pas historique, il est médical. Comme tel, c’est un terrorisme rationnel et bienveillant, mais c’est un terrorisme."
In
Philippe MURAY.
Moderne contre moderne. Exorcismes spirituels IV. Essais. Quatrième tirage.
Chapitre Les métamorphoses. (Pages 290 et 291.)
Les Belles Lettres, Paris, 2010 (pour la présente édition).
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CONTREPOINT DE JULIEN BENDA.
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"D’autres, pour servir la paix, invitent les peuples à se fréquenter davantage, à se visiter les uns les autres, les assurant qu’ils éteindront ainsi dans leurs cœurs le sentiment de leurs différences, prendront conscience de leur communauté de nature. Rien ne semble moins prouvé. On peut admettre, au contraire, que la fréquentation de l’étranger ne nous fait sentir que plus vivement notre différence avec lui. Ce qu’il faut enseigner aux hommes, c’est à abolir le sentiment de leurs différences en s’appliquant à se sentir chacun dans sa région d’humanité supérieure à ces différences ; chose qu’ils peuvent fort bien faire, et peut-être mieux, en demeurant chacun à son foyer. La paix sera, pour les hommes, le fruit d’un travail de vie intérieure, non de promenades à la surface du globe. Mais c’est toujours le même esprit : prétendre donner aux hommes par des moyens mécaniques, et en n’exigeant rien de leur force d’âme."
In
Julien BENDA.
Discours à la nation européenne. Préface d’André LWOFF. (Collection Folio, série Essais, n°209). (Page 115.)
Gallimard, Paris, 1992 (date du dépôt légal).
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COMMENTAIRES.
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Il est tout de même curieux que deux esprits supérieurs en arrivent par des chemins différents aux mêmes conclusions. Quel rapport avec le pari bénédictin allez-vous me dire ? Il est très clair. Il est plus que très clair. Au VIe siècle, à la mort de saint Benoît de Nursie (en 547 au mont très CASSIN), fondateur de l’ordre des bénédictins, il existait déjà un grand nombre de monastères de son ordre, en France, en Irlande, en Suisse, en Italie. Il serait trop long, inutile et fastidieux d’en donner la liste. Nombre d’entre eux existent encore. Alors que les hordes barbares venues de l’Orient européen déferlaient sur l’Europe occidentale, ils perpétuaient la transmission des textes bibliques et philosophiques, étaient des hauts lieux de culture, travaillaient de leurs mains la terre, produisaient de très grands artistes et brillaient comme des feux splendides au sommet d'une civilisation grandement menacée Les monastères, îlots de prière et de culture, attiraient dans leur voisinage un peuple de pauvres qu’ils enseignaient, soignaient et nourrissaient ; ils soustrayaient aux violences des barbares des pans entiers de nos patries et perpétuaient le meilleur de l’humanité. Les monastères communiquaient entre eux en latin, et ils formaient une confédération, et non point un bloc unique de structures tenues d’obéir à un grand chef, non élu et tout puissant. Leurs abbés étaient des hommes de sainteté. Bref ils formaient une sorte de contre-modèle de société qui bientôt s’opposerait aux rois, aux empereurs, à tous ces princes de la terre qui auraient bien voulu les soumettre à leur pouvoir. Bref, ils étaient libres, de cette liberté que Jésus avait promis à ses disciples en leur disant : « Ma vérité vous rendra libres ».
Pour avoir fait à plusieurs reprises de courts séjours à l’abbaye bénédictine de TRIORS, une fondation de l’abbaye de FONTGOMBAULT, j’ai palpé, j’ai senti ce grand courant de prière et de sainteté venu du fond de nos âges et qui se transmet par capillarité aux nouveaux venus (de très jeunes gens, souvent très fortement diplômés) et aux habitants des alentours (sans doute la chose qui m’a le plus frappé). L’Europe bénédictine a existé. Ce n’est pas l’Europe des eurocrates, et, pour ce qui me concerne, je ne donnerai jamais mon suffrage à des candidats qui la soutiennent. SALVINI, ORBAN et d’autres, en dépit de certains excès, défendent une civilisation qui par lâcheté se laissera périr volontairement pour perpétuer le mythe du progrès économique capitaliste indéfini, et celui de la liberté indéfinie qui ne cesse de réclamer de nouveaux droits, tous plus extravagants les uns que les autres. Ils ne le veulent pas, et ils ont raison.
Je n’ai aucune honte à prophétiser avec Venance FORTUNAT : Vexilla regis prodeunt !


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